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Colette vs Houellebecq

Par Theoma

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Extrait de l'éditorial de François Busnel. Éclairant et engagé.

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« Les 20 meilleurs livres de l'année »

déc.2010 – janv.2011

« Il y a quand même quelque chose qui ne tourne pas rond dans le Royaume Littéraire de France, non ? Bon, le prix Goncourt à Houellebecq, pourquoi pas. C'était annoncé dès l'été par tous nos confrères des Inrocks à Canal+ en passant par Libé, la virtuelle académie bobo-rebelle. J'ai dit ici tout le plaisir que l'on prend à lire La carte et le territoire : le meilleur roman de Houellebecq, mais pas non plus LE livre de l'année, (...) faut par charrier. Il y a dix ans, Houellebecq choquait le bourgeois : aujourd'hui, c'est le bourgeois qui le sacre. Cherchez l'erreur... Mais là n'est pas le problème.

Le problème, c'est le coup de fil post-Goncourt. Le président de la République, nous apprend un hebdomadaire satirique paraissant le mercredi, a donc tenu à saluer le lauréat du prix Goncourt en se fendant d'un coup de fil pendant le pince-fesses organisé par l'éditeur afin de fêter l'heureux événement. Pour ne pas être en reste, il paraît que Martine Aubry a, ès qualités et illico, envoyé ses félicitations à l'impétrant. C'est très bien.

Mais de quoi le coup de fil de Sarkozy est-il le nom ? D'un scandale. Certes, on ne peut que se réjouir de voir un président de la République féliciter le lauréat d'un prestigieux prix littéraire. Même si, en congratulant Houellebecq, notre président fait sentir aux académies qui l'on sacré à quel point il est parfaitement en phase avec celles et ceux qui dictent les faveurs du jour. Ainsi ratifie-t-il le choix des Goncourt, couronnant une soudaine et éphémère « union nationale ». et oui, Michel Houellebecq est devenu le dernier atout de notre commerce (oh, pardon: rayonnement) extérieur (euh, pardon: culturel).

Mais tant qu'à passer un coup de téléphone, peut-être y a-t-il des dossiers littéraires plus importants, ne croyez-vous pas ? Tenez, au hasard, celui de la maison de Colette. Elle tombe en ruine, la vieille bâtisse qui vit naître l'une de nos plus grandes romancières (et jurée du prix Goncourt, avec son couvert et tout le toutim, par-dessus le marché). La maison de Satin-Sauveur-en-Puisaye, dans l'Yonne, est en vente depuis trois ans au prix de 300'000 euros. Ni la commune ni le conseil général de l'Yonne n'ont les moyens, paraît-il, de racheter ce qui est bien plus que la maison natale de l'écrivain: l'une de ses principales sources d'inspiration, l'un des personnages clés de ses romans.

Pourquoi l'État, aujourd'hui si préoccupé de littérature, n'intervient-il pas ? On gagnerait à voir un président (quelle que soit son appartenance politique) sauver de l'oubli les demeures de l'esprit et donner les instructions (par coup de fil pendant un cocktail s'il y tient) pour que soient débloqués les financements nécessaires. (...) »

Par Theoma - Publié dans : Le monde autour - Communauté : ♦ Lecture pour tous ♦
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