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Deux vins d'émotion

Par Mauss

Qui aurait pu, il y a seulement dix années, imaginer que le Portugal était capable de produire un vin qui avait comme graal inatteignable les beaux crus de la Côte de Nuits ?

Ayant dégusté à deux jours d'intervalle deux crus qui développent chacun à son niveau une réelle finesse et une élégance évidente, il n'est que temps de rappeler que si on ne trouve pas dans un vin un vrai plaisir ou une réelle émotion, aucun vocabulaire, aucune note ne pourra corriger ce défaut majeur : une absence de ces deux sentiments qui ne peuvent être dissociés de la notion de grand vin.

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Le Charme de Dirk van der Niepport 
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Le Vosne-Romanée Cuvée Duvault-Blochet de la DRC  Un joyeux point commun entre ces deux vins, définitivement caractérisés par une finesse vraiment exceptionnelle, sur un jeune fruit de toute beauté, le Vosne ayant une longueur plus évidente : chez chacun des deux producteurs, absolument aucune recherche d'avoir une couleur rouge sombre comme cela a été trop souvent la mode ici ou là. La Bourgogne, comme le Douro, sont donc capables d'offrir des vins charmeurs à souhait, sans se sentir obligés de procéder à des extractions en veux-tu, en voilà ! Si on ressent un peu plus le soleil dans le Charme de Niepoort, l'un et l'autre développent une harmonie, une élégance, un équilibre de toute beauté. C'est à se demander, devant de telles réussites, s'il ne faut pas simplement les boire maintenant, sur ce fruit éclatant, en sachant que probablement, avec le temps, ils offriront l'un et l'autre, d'autres dimensions, d'autres sensations. Ma foi, la vie est courte, et - on l'aura compris - je suis nettement pour les mettre sur table maintenant, quitte à en garder deux topettes de chaque… pour me souvenir plus tard à quel point ces deux crus avaient participé à une belle convivialité. Chapeau, Messieurs ! Quel bel hommage au Vin ! Je me permets d'ajouter un billet d'humeur du Grand Jacques, publié dans la revue SAVEURS © : Plus de vignes, les soleils s’en vont...
L’art de la nuance ne fait pas partie des préoccupations de ceux qui ont mission d’éradiquer un fléau. Qui veut gagner la guerre doit, dit-on, se couper un bras! Peut-être... Mais partir au combat en se trompant de cible, en prenant le symptôme pour la cause, est-ce vraiment gagner la guerre? La lutte contre l’alcool est aujourd’hui une des priorités de nos sociétés. Une récente étude parue dans The Lancet, revue médicale anglaise, va dans ce sens: ajoutant au critère de la dangerosité du produit celui des effets sociaux collatéraux, cette étude conclut à une plus grande nocivité de l’alcool par rapport à des drogues illégales comme l’héroïne ou le crack! C’est devenu une habitude: le vin se trouve associé à l’hydre qu’on entend détruire. Sans même faire la distinction entre l’alcool issu de la distillation et celui issu de la fermentation du jus de raisin. Faudra-t-il en arriver à cette aberration que, pour gagner la guerre, il faille jeter le discrédit sur une culture plurimillénaire? Face à ce vrai danger, il faut rappeler ici la vision du grand poète René Daumal:
 «Des soleils et des vignes, il y en a encore. Mais sans soif, on ne fait plus de vin. Plus de vin, on ne cultive plus les vignes. Plus de vignes, les soleils s’en vont: ils ont autre chose à faire que de chauffer des terres sans buveurs, ils se diront: allons maintenant vivre pour nous.»

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