Quel parcours !

Le vent qui souffle dans les volets, la pluie qui tombe en rafales sur les vitres, le ciel d’un gris de cendres, après la radieuse beauté de la neige les tristes frimas prennent la relève et s’installent pour l’hiver. Le décor démoralisant est planté, gare à celui qui côtoie ceux qui ne peuvent le supporter !

Telle était ma réflexion voyant la triste mine arborée par ma douce ces derniers jours. J’imaginais avec peine des scénarios improbables pour la sortir bien vite de cette léthargie annoncée, mes grimaces ne suffiraient pas à lui redonner le sourire et je ne voyais pas très bien comment me sortir de ce pétrin quand elle me déclara tout de go « J’ai vu à la télé un extrait de spectacle, je n’ai pas noté le titre, je ne sais pas où ça se passe, mais ils chantent et ils sont jeunes et gais ! ». 

Apercevant une issue à mon dilemme, je pose des questions, mais elle n’en sait pas plus. De déductions faciles en hypothèses probables, sans oublier Google qu’on ne remerciera jamais assez, je déniche son spectacle sur Internet. Ca se joue à Mogador durant de longs mois encore et le pitch est construit autour des chansons du groupe Abba. Vous ne pouvez pas avoir oublié ce groupe suédois qui sévit de 1970 à 1982, deux gars et deux filles qui firent un carton planétaire, ah ! ça vous revient ?

Voyant les yeux de ma douce s’illuminer devant la bande annonce diffusée sur le Net, que pouvais-je faire d’autre que sortir ma Carte Bleue et la faire cracher au bassinet. Tout honnête homme en eut fait autant et vous pensez que je peux être fier de mon geste. Hélas ! trois fois hélas au moins ! Par ce geste fatidique je viens de renier une vie entière. La mienne. Moi qui ne jure que par les Rolling Stones, Hendrix et Springsteen, moi qui méprisait ces nordiques bien peignés et tout ce qu’ils représentaient de musique niaise pour caissières de supermarchés et employés de bureau sans imagination, me voilà à près de soixante ans rattrapé par la patrouille, contraint de bouffer mon chapeau et mon bandana en plus.

Nos réservations sont pour le mois d’avril, j’ai le temps de digérer cette infamie, mais j’ai déjà des suées à l’idée de me retrouver dans la salle de ce théâtre d’où mes souvenirs ne me renvoient que les concerts des Clash (1981), de Mink DeVille (1978), Ian Dury (1978), Ry Cooder (1980),  Tom Waits (1981) et Sting (1985).

L’amour est aveugle, peut-être sera-t-il sourd ce jour là ? De toute façon je vous reparlerai du spectacle quand j'irai le voir au printemps, « Mamma mia » au théâtre Mogador à Paris.