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Flashmob, Happening et Art contemporain (by Justine)

Publié le 19 janvier 2011 par Lifeproof @CcilLifeproof

Dans un contexte tout à fait hors norme (entendez: à Noël, en famille, ambiance conservatrice), voilà que mon beau frère nous parle d'un phénomène qui l'a récemment fasciné: le flashmob de l'Alleluia d'Haendel. Je tends l'oreille. Nous voici tous agglutinés devant l'écran de l'ordinateur pour regarder ce qu'il s'est passé dans cette galerie marchande à l'heure du déjeuner: Une femme, son portable collé à l'oreille, entame le chant. Un homme situé à l'autre bout de l'espace scénique (entre 2 tables de fast food) lui répond. Et le charme opère. Les voix montent dans cette cathédrale dédiée au consumérisme et la grâce se répend sur les fidèles acheteurs.

Le flashmob (de l'expression anglaise identique, qu'on pourrait traduire par « foule éclair » ou « mobilisation éclair ») est le rassemblement d’un groupe de personnes dans un lieu public pour y effectuer des actions convenues d’avance, avant de se disperser rapidement. Parfois le public est prévenu par l'internédiaire d'internet, parfois simplement pris au dépourvu parcequ'il se trouvait au « bon endroit, au bon moment ».

Ce genre de performance s'est répandu à partir de 2003, d'abord à New York sous la forme du Mob project, puis s'est étendu très rapidement au reste du monde. En juin 2009, la mort de Michael Jackson donne lieu à des flash mobs dans la plupart des grandes villes du monde telles que Chicago, Paris, Stockholm, Montréal ou Taipei, où les participants se réunissent pour danser tous en même temps la chorégraphie de Beat It.

Phénomène social et culturel, on peut également voir dans cette manifestation un acte politique, la prise du pouvoir d'individus lambdas dans un espace public, en dehors des règles admises dictées par les lois.

Antiwar-naked-happening
En bonne férue d'histoire de l'art, je relie d'emblée cela à l'évolution d'une autre forme de rassemblement artistique éphémère qu'est la performance happening en art contemporain, et qui n'a pas attendu le net pour se diffuser; Dès les années 60, des artistes utilisent le corps, le temps et l'espace public pour constituer leur oeuvre. C'est l'acte créatif qui est revendiqué. Déjà à New York, Yayoi Kusama ou Andy Warhol développent cette pratique en plein coeur de la ville: Peinture, théâtralité, sont étroitement mêlées. Pour protester contre la guerre du Viet-Nam, Yahoi Kusama réunit en 1967, sur le pont de Brooklyn, des personnes nues sur le corps desquelles elle peint ses pois multicolores et leur fait brûler des drapeaux américains. Cette performance, « Kusama self-obliteration », protestait contre le « gaspillage » des corps humains au Vietnam.

Le passant est interpellé, l'art se répend tel une gangraine dans tous les recoins de la société, jusques dans la rue. Et vous êtes invités à y participer.

 Quel est l'apport de cette pratique au message de(s) l'artiste(s)? (je me le demande en même temps que je vous pose la question). Émergence d'une conscience artistique collective qui ranimerait les masses axées sur le trio « métro boulot dodo »?

Mexico City courtesy Spencer Tunick
Mexico City 7 (Zócalo, MUCA/UNAM Campus) 2007, c-print mounted between plexi,  37.5 x w: 30 in / h: 95.25 x w: 76.2 cm, Copyright © Spencer Tunick

Depuis une dizaine d'années, Spencer Tunick, s'est fait connaitre par ses compositions photographiques où figurent des centaines de volontaires, hommes et femmes, posant nus, la plupart du temps dans des décors urbains.Ainsi je me rappelle de ma copine Damaris partie un beau matin de novembre 2003, poser pour l'artiste à Barcelone. Nue comme un vers, elle m'a raconté avoir étudié par la même occasion l'anatomie de ses congénères, au nombre de 7000 tout de même!!! Serait-ce le plaisir de l'interdit et de la transgression qui ferait de ces rassemblements un tel succès? Pour l'artiste, ce genre de Happening (autorisé par les autorités) "montre comment un pays peut être libre et traiter le corps humain avec bonheur et non comme de la pornographie ou un crime".

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Still Leben, Essen, juin 2010, courtesy Stefania M.

Autre exemple poétique et merveilleux de rassemblement populaire: le projet Still Leben (nature morte), organisé dans le cadre d'Essen, capitale Européenne de la Culture. Juin 2010, ouverture de l'autoroute Allemande A40 aux habitants des environs pour un grand pique nique dominical  sur les voies de droite, gauche et d'arrêt d'urgence. Durant quelques heures, les "happy few" présents ont pu admirer la vallée de la Ruhr d'un point de vue nouveau.

Si je devais tenter de répondre aux questions posées ci-dessus (qu'est ce qui motive les masses à se rassembler?), je pencherais vers le désir des foules de « célébrer » un instant non marchand, « offert » en quelque sorte à ce qui constitue une part non négligeable de nos êtres : sensibilité, imaginaire et partage.

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Une convergence rapide d’individus sans lien préalable, suivi d’une disparition tout aussi rapide est devenue la caractéristique de ce phénomène. Sur internet, des sites par ville permettent de s’inscrire pour recevoir des instructions et participer à la prochaine mobilisation éclair.

N'hésitez pas à aller vous rincer l'oeil sur le site de Spencer Tunick en cliquant ici


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