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Riccardo del Fra en trio con brio au Sunside

Publié le 31 janvier 2011 par Assurbanipal

Riccardo del Fra Trio

Paris. Le Sunside. Samedi 29 janvier 2011. 21h30.

Riccardo del Fra: contrebasse

Marc Copland: piano

Dré Pallemaerts: batterie

Marc Copland

La photographie de Marc Copland est l'oeuvre du Superbe Juan Carlos HERNANDEZ

Un an après un concert dans le même club voici que Dré Pallemaerts s'ajoute au duo Marc Copland/Riccardo del Fra. Billy Hart était pourtant annoncé au programme.

Del Fra commence seul tout en haut de l'instrument. Le silence se fait dans la salle. Il semble tester cette grande contrebasse au beau bois brun. Marc Copland fait signe à une spectatrice bavarde de se taire. Il fait bien. Riccardo continue de parcourir les cordes de son bel instrument. Ca commence à gronder doucement, à swinguer légèrement. Le trio démarre. Personne n'applaudit. Tout le monde écoute. Ca balance subtilement. Jeu très fin, léger, précis des baguettes. Le piano fait la mer. Marc Copland joue plus énergiquement que d'habitude sans rien perdre de son sens de l'espace, du grand air.

Contrairement aux habitudes de la maison personne n'est venu présenter les musiciens avant le concert. Leur musique les présente d'elle même. La contrebasse entre en résonance avec les graves du piano. Ca vibre dans le ventre du spectateur. C'était " L'âme des poètes " (Charles Trénet) puis " I am old fashioned ". Je n'en ai reconnu aucun.

Jeu de cordes entre la contrebasse et l'intérieur du piano. Un standard assez funky dont le titre m'échappe. Duel contrebasse/batterie aux maillets. La contrebasse enchaîne sur un autre standard. On ose à peine applaudit de peur de les déranger dans la construction de leur oeuvre. Le batteur est passé aux baguettes. Il distribue bien. Le piano est heurté., fougueux. Marc Copland me surprend. Il sort du style dont j'ai l'habitude. C'est la marque des grands. Retour au thème de départ. C'était du Monk mais je ne retrouve plus le titre. 

" Someday my prince will come ". Mademoiselle F le reconnaît dès les premières notes. Je lui ai fait découvrir joué par Miles Davis et John Coltrane. Ca démarre entre le piano et la contrebasse. Marc Copland retrouve les airs aérés au tempo suspendu dont il a le secret. Le batteur se glisse aux balais dans la mélodie que la contrebasse impulse et que le piano enlève. Superbe solo du Maestro Riccardo del Fra. Il le porte jusqu'au final. " I am a fool to want You " annonce Riccardo del Fra. Pourtant si Mademoiselle F et moi n'avons pas été victimes d'une hallucination auditive commune, c'est bien la chanson de Blanche Neige que nous avons écouté.

" Talking Blues " (Marc Copland). En effet, c'est un Blues. Marc commence seul. Ce Blues est si parlant qu'il chantonne en le jouant. Ca gronde, vibre, ondule. Le trio démarre. Ca swingue et c'est inquiétant. C'est un Blues de fantômes dansant et riants. Une douce brise envoûtante nous emporte au loin. Au lieu de finir en force comme prévisible, le batteur conclut en douceur.

" A little max " (Duke Ellington) tiré de l'album " Money Jungle " de Duke Ellington ( piano) avec Charles Mingus (contrebasse) et Max Roach (batterie). Del Fra présente le morceau en regrettant qu'il soit peu joué. S'il est peu joué c'est parce que tout l'album " Money Jungle " est un sommet inaccessible. Plus qu'un trio, un triumvirat. Aussi malgré le grand talent des musiciens qui jouent ce soir, je ne peux ôter de ma tête l'original. D'ailleurs, j'ai réécouté l'original dès le lendemain. Même s'il s'agit de musique, il n'y a vraiment pas photo. 

PAUSE

Piano et contrebasse commencent, imposant le silence. Une femme dit: Chut! En quelques secondes, la rumeur des conversations cesse. Le batteur vient s'ajouter aux balais. " Everything happens to me " qu'aimait chanter Chet Baker dont Del Fra fut le contrebassiste attitré dans les années 1980. Enfin c'était juste une citation dans un morceau que je ne reconnais pas. Un air lancinant, obsédant tourne dans l'air. Ils vous emmènent dans un autre monde, en boucles, en spirales. Nom de Zeus, que c'est beau! C'était " It could happen to You " transformé par Del Fra en " It happened to us ". La citation de " Everything happens to me " était donc logique. C'était un hommage au pianiste français Michel Graillier avec lequel Riccardo del Fra a beaucoup joué notamment derrière Chet Baker.

Début assez vif et souple en trio. Une vague de douceur nous envahit. Il y aussi des étrangetés, des aspérités dedans. C'est un standard joué par Bill Evans. C'est bien travaillé pour cacher et dévoiler des standards. Après un beau déroulé au trio, solo de batterie aux baguettes fin, puissant. Les cymbales chantent. En trio, la musique s'écoule comme une source vive. Jeu très fin, léger, subtil qui pulse irrésistiblement sans monter le volume sonore. Une vraie leçon de musique. Le dialogue monte en puissance entre le piano et la batterie aux baguettes. La contrebasse arbitre et calme le jeu. 

Marc Copland commence. Riccardo del Fra le rejoint. Une ballade. Le batteur ajoute quelques coups de maillets en douceur. Encore un standard bien masqué. Le batteur est aux balais. Je pense qu'il s'agit de " In a sentimental mood " (Duke Ellington).

Riccardo del Fra: " On va terminer ce set... " Une spectatrice: " Non! ". Marc Copland: " Ok. You play. " Ils finissent par un mélange de deux morceaux. Sans annoncer lesquels. Trop facile sinon. Ca pulse tout en douceur. C'est leur truc. Je ne reconnais pas le premier morceau. Le deuxième est plus facile: " It might as well be spring ". Solo de batterie aux baguettes puissant, subtil, varié, aéré. Le fluide sympathique circule.

PAUSE

Gorgés de musique et de beauté, Mademoiselle F et moi ne sommes pas restés pour le troisième set et sommes partis ravis.


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