Un titre qui n'admet pas la réplique, un mot, une silhouette :
"Tout commence sur une route de campagne... Après avoir reçu un message de sa soeur, disparue depuis un an, Anne se lance à sa recherche et passe... de "l'autre côté". Elle se retrouve dans un monde parallèle, un ailleurs dépourvu d'humanité, mais où elle rencontrera cependant des alliés inoubliables. Pour arracher sa soeur à ce monde terrifiant, Anne ira jusqu'au bout, au péril de sa vie. Elle se découvrira elle-même : Terrienne.
Vous ne respirerez plus jamais de la même manière."
Depuis quinze ans maintenant, Jean-Claude MOURLEVAT nous offre des romans tous plus ensorcelants les uns que les autres. Touchants, drôles, inquiétants, ils développent une palette de couleurs toujours inédites. Depuis le voyage initiatique de Tomek, héros de la Rivière à l'envers, jusqu'à Aleks, faux jumeau déchiré du Chagrin du roi mort, ses personnages ont toujours un point commun : ils ressortent grandis de leurs aventures. Et vieillis. Plus mûrs, mais mais aussi moins naïfs, plus aguerris.
Terrienne ne fait pas exception à la règle : le roman raconte le voyage d'Anne, partie retrouver et ramener sa soeur Gabrielle d'un pays où, normalement, on ne revient jamais. Et vont se dérouler comme dans un rêve, qui flirte avec le cauchemar, les aventures de cette jeune fille de dix-sept ans qui ne renonce pas, marginale dans son monde, mais rebelle et déterminée dans cet autre monde.
Car moins que de science-fiction, c'est de fantastique qu'il s'agit : l'irruption dans notre monde réel et familiel d'une inquiétante étrangeté, celle d'un autre monde, où l'on ne respire pas , où l'on ne rit pas, transpire pas, où rien n'a de goût et où l'on n'a de goût à rien. Le voyage initiatique d'Anne va la mener très loin, au fond d'elle autant qu'aux confins de ce Campagne, et c'est plus riche, plus forte, plus sage qu'elle en reviendra, avide de goûter pleinement à tout ce qui l'entoure et qui fait la sève de notre monde, ses bruits, ses odeurs, ses gens..
Mangiate !
Je considère notre triste repas et je me demande comment réagiraient les gens d'ici si on leur mettait sous le nez une assiette de spaghettis, avec une bonne sauce bolognaise et du parmesan. "Voyez-vous, leur dirais-je, c'est cela quelque chose de bon, est-ce que vous faites la différence ?" A cette seule pensée, mes papilles s'affolent, et mes narines aussi. Je me retrouve dans la cuisine de mon grand-père Marcello, les jours où Gabrielle et moi mangions chez lui, à midi.
C'était le rituel, une fois par semaine, le mercredi, et ça a duré des années. Il nous faisait toujours ses spaghettis bolognaise et nous ne voulions rien d'autre. Il posait la casserole fumante et odorante sur un journal plié en deux au milieu de la toile cirée de la table et il nous disait : "Mangiate !" Dans la pièce voisine, ma mémé Chiara, qui commençait à perdre la tête, répétait sans fin la même question : "Marcello, chi c'è ? " Marcello, qui est là ? A quoi il finissait par répondre : "Sono le tue nipoti", c'est tes petites-filles. Alors elle se taisait pour un moment avant de recommencer : "Marcello, chi c'è ? " Comme dessert, nous avions toujours une boîte de crème Mont-Blanc, praliné, vanille ou chocolat, qu'il nous servait dans des bols. Il nous forçait à la finir. Il était heureux de nous avoir et de nous faire plaisir, une fois par semaine. Mais c'est lui qui est parti le premier. Mémé Chiara est toujours en vie, dans sa maison de retraite, et elle continue à demander "Marcello, chi c'è ? " toutes les quinze secondes environ. La vie est mal fichue.
Jean-Claude MOURLEVAT, Terrienne, 2011.
Un autre extrait ici.
Une vidéo où Jean-Claude MOURLEVAT parle de Terrienne :
Une rencontre avec Jean-Claude Mourlevat
envoyé par GallimardJeunesse. - Futurs lauréats du Sundance.
Un titre qui n'admet pas la réplique, un mot, une silhouette :
"Tout commence sur une route de campagne... Après avoir reçu un message de sa soeur, disparue depuis un an, Anne se lance à sa recherche et passe... de "l'autre côté". Elle se retrouve dans un monde parallèle, un ailleurs dépourvu d'humanité, mais où elle rencontrera cependant des alliés inoubliables. Pour arracher sa soeur à ce monde terrifiant, Anne ira jusqu'au bout, au péril de sa vie. Elle se découvrira elle-même : Terrienne.
Vous ne respirerez plus jamais de la même manière."
Depuis quinze ans maintenant, Jean-Claude MOURLEVAT nous offre des romans tous plus ensorcelants les uns que les autres. Touchants, drôles, inquiétants, ils développent une palette de couleurs toujours inédites. Depuis le voyage initiatique de Tomek, héros de la Rivière à l'envers, jusqu'à Aleks, faux jumeau déchiré du Chagrin du roi mort, ses personnages ont toujours un point commun : ils ressortent grandis de leurs aventures. Et vieillis. Plus mûrs, mais mais aussi moins naïfs, plus aguerris.
Terrienne ne fait pas exception à la règle : le roman raconte le voyage d'Anne, partie retrouver et ramener sa soeur Gabrielle d'un pays où, normalement, on ne revient jamais. Et vont se dérouler comme dans un rêve, qui flirte avec le cauchemar, les aventures de cette jeune fille de dix-sept ans qui ne renonce pas, marginale dans son monde, mais rebelle et déterminée dans cet autre monde.
Car moins que de science-fiction, c'est de fantastique qu'il s'agit : l'irruption dans notre monde réel et familiel d'une inquiétante étrangeté, celle d'un autre monde, où l'on ne respire pas , où l'on ne rit pas, transpire pas, où rien n'a de goût et où l'on n'a de goût à rien. Le voyage initiatique d'Anne va la mener très loin, au fond d'elle autant qu'aux confins de ce Campagne, et c'est plus riche, plus forte, plus sage qu'elle en reviendra, avide de goûter pleinement à tout ce qui l'entoure et qui fait la sève de notre monde, ses bruits, ses odeurs, ses gens..
Mangiate !
Je considère notre triste repas et je me demande comment réagiraient les gens d'ici si on leur mettait sous le nez une assiette de spaghettis, avec une bonne sauce bolognaise et du parmesan. "Voyez-vous, leur dirais-je, c'est cela quelque chose de bon, est-ce que vous faites la différence ?" A cette seule pensée, mes papilles s'affolent, et mes narines aussi. Je me retrouve dans la cuisine de mon grand-père Marcello, les jours où Gabrielle et moi mangions chez lui, à midi.
C'était le rituel, une fois par semaine, le mercredi, et ça a duré des années. Il nous faisait toujours ses spaghettis bolognaise et nous ne voulions rien d'autre. Il posait la casserole fumante et odorante sur un journal plié en deux au milieu de la toile cirée de la table et il nous disait : "Mangiate !" Dans la pièce voisine, ma mémé Chiara, qui commençait à perdre la tête, répétait sans fin la même question : "Marcello, chi c'è ? " Marcello, qui est là ? A quoi il finissait par répondre : "Sono le tue nipoti", c'est tes petites-filles. Alors elle se taisait pour un moment avant de recommencer : "Marcello, chi c'è ? " Comme dessert, nous avions toujours une boîte de crème Mont-Blanc, praliné, vanille ou chocolat, qu'il nous servait dans des bols. Il nous forçait à la finir. Il était heureux de nous avoir et de nous faire plaisir, une fois par semaine. Mais c'est lui qui est parti le premier. Mémé Chiara est toujours en vie, dans sa maison de retraite, et elle continue à demander "Marcello, chi c'è ? " toutes les quinze secondes environ. La vie est mal fichue.
Jean-Claude MOURLEVAT, Terrienne, 2011.
Un autre extrait ici.
Une vidéo où Jean-Claude MOURLEVAT parle de Terrienne :
Une rencontre avec Jean-Claude Mourlevat
envoyé par GallimardJeunesse. - Futurs lauréats du Sundance.