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Comment deux kilomètres peuvent devenir un long calvaire

Par Boljo

Comment deux kilomètres peuvent devenir un long calvaire

Blizzard

Mercredi soir, répétition de théâtre, 20 h, la neige continue de tomber, le blizzard s’est relevé. On n’a pas vraiment l’habitude mais au bout d’une semaine, on commence à avoir quelques réflexes et puis ayant habité près des Pyrénées et conduit régulièrement sur neige, on va pas se laisser impressionner, quoique !

23 h 30, fin de la répète, des tourbillons de neige, celle qui tombe encore et celle soulevée par le blizzard (env. 40 noeuds), nous accueille dés l’ouverture de la porte du théâtre. Tiens mais où est passée ma voiture ? Cachée, blottie contre la congère que le vent a formé, de la neige sur un mètre côté passager, les routes ensevelies jusqu’au moyeu. Le véhicule gêne le shuller (chasse-neige) qui tente de dégager le parking, malgré l’heure tardive, ici, pas de repos pour le personnel de la DE, toute la nuit ils vont lutter contre le tonneau des Danaïdes, les congères se reformant en haut de la rue, à peine le bas dégagé. Tu changes de rue et ça recommence.

Après avoir zigzagué entre les engins dégageant le boulevard du front de mer et risqué de ne pas m’arrêter devant la déneigeuse arrivant en face et n’ayant aucunement l’intention de s’arrêter, ben quoi, il est plus gros et en plus je suis du mauvais côté de la route. Comment l’autre côté est bouché par la neige et par les camions ? Et alors, qui a le plus gros… 4 x 4 ? C’est pas moi, je ne peux pas lutter, je glissote tranquillement de droite à gauche, pompe sur les freins pour ne pas bloquer les roues, contre-braque quant il faut, parce que contrairement à ce que croit mon kiné, non, femme au volant ne signifie pas mort au tournant et raccompagne mon amie devant sa porte dans une dernière glissade. Ouf !

Il me reste une rue, un virage, longer le petit lac, tourner à gauche et je suis chez moi, pas grand chose, deux kilomètres, à peine. En deux minutes, c’est expédié… en temps normal. Le problème, c’est que ça monte, j’ai donc prévu de zigzaguer d’une rue à l’autre pour ne pas risquer de patiner mais il reste le dernier raidillon. Je merde une première fois, on y voit goutte, ça tourbillonne, tout est blanc, les bas côtés, la rue, les trottoirs, devant, derrière, à peine distingue-t’on le haut du bas, la rue très enneigée ne semble pas été avoir dégagée, une éclaircie dans ce brouillard neigeux et j’aperçois l’énorme parabole, quelle buse, je me suis trompée de rue, j’ai été m’enquiller dans le cul de sac à droite de ma rue à force de zigzaguer dans ce merdier. J’attaque la marche arrière, pas très rassurée, déjà en marche avant tu vois à peine le capot, en marche arrière, on va le faire au bruit, si ça shlousse, c’est que je me suis enterrée dans une congère.

Je m’en sors, opère un demi-tour et arrive devant la bonne rue, celle qui grimpe rude, passe en L2, le L2 est au 4 x 4 ce que le champagne est au vin mousseux, de la valeur ajoutée, le plus que 4 x 4. Je négocie magistralement le virage, zoup zoup, totale maîtrise, un coup d’accélérateur, vaillamment la voiture bondit en avant, un petit bond d’accord, je pourrais aussi bien lire le journal ou jouer avec mon iphone pour ce qu’on y voit. J’ai bien du réussir à faire 20 mètres quand la voiture se met à patiner, refusant d’avancer, l’arrière tanguant dangereusement ou peut-être est-ce l’avant, allez on va pas chipoter, un coup l’un, un coup l’autre, parce que j’insiste, je ne vois pas bien ce que je pourrais faire d’autre, mais je pars en travers et surtout je n’avance plus. Je lâche le journal et le passionnant article que j’avais commencé pour regarder derrière, là où je vais aller me planter vu que la voiture animée par ces lutins malveillants qui me poursuivent en dehors des rayons du supermarché se mettent à me faire reculer. Ce coup d’adrénaline, mes aïeux, lorsque tout en accélérant, tu te sens partir en marche arrière, pas la peine d’aller payer des entrées pour aller vomir dans les parcs d’attraction sur des trains débiles même les plus grands du monde, venez faire un petit tour par ici.

Je finis par reprendre le contrôle du véhicule en bas de la pente, toujours grâce à mes petits coups de pompe, je vérifie que je suis vivante, que mon coeur n’a pas lâché, réfléchis que je n’ai pas de portable, qu’à pied ça risque bien d’être les 200 mètres les plus longs de ma vie. Je reprends ma méthode des zigzags et tente une rue plus loin, celle-ci moins abrupte et mieux abritée parce que bordée de maison est plus praticable, je l’avais tout d’abord éliminée de mon circuit parce qu’elle finit par une descente en virage avec un stop et un terre plein central. Des tas de trucs auxquels on ne pense même pas si on ne roule pas sur du verglas recouvert d’une couche de neige mais qui prennent des proportions démentielles quand tu envisages, la glissade jusqu’en bas de la pente, le virage raté, le stop grillé. A cette heure, y’a pas beaucoup d’autres taré(e)s sur la route, tant pis pour le stop et le terre-plein, bon tout ce passe bien, mon coeur tu peux arrêter de battre la chamade.

J’attaque la dernière ligne droite, dans le blanc le plus total, repère ma rue, au cas où, mets mon clignotant, donne un petit coup de frein avant le virage pour déraper et faire chasser l’arrière tout en ré-accélérant, ben quoi, faut bien s’amuser et … donne un violent coup de frein, bloque l’ABS, broute sur cinq mètres, finis par m’arrêter, mais d’où sort ce mur du neige ? J’aurais juré qu’il y a trois heures, c’était ma rue et que derrière ce mur, enfin quelque part, il y a ma maison, chaude accueillante et sentant bon la soupe au choux, oui, j’ai fait de la soupe au choux et j’ai même pas eu le temps d’y goûter et si ça continue comme ça, j’en mangerais plus jamais de la soupe au chou parce que quelqu’un a piqué la route.

Décidée à ne pas abandonner la voiture si près du but, soyons honnête, quant on voit le temps dehors, on a envie de tout sauf de faire même 20 mètres à pied. Comme je suis (presque) arrivée, j’y vais de bon coeur, la congère étant récente la neige est molle et meuble, je fais « piétiner » les roues, un coup la marche avant, un coup la marche arrière, rageusement les roues patinent, dérapent, les ailes s’enfoncent dans la congère, un coup d’accélérateur pour en sortir et on recommence, je finis par tasser suffisamment la neige et me frayer un passage entre deux murs de neige.

Et voilà, je n’ai même pas mangé, trop fatiguée.

Comment deux kilomètres peuvent devenir un long calvaire
Déneigement au petit matin

Comment deux kilomètres peuvent devenir un long calvaire
Au flash, on voit mieux qu’il continue de neiger

Comment deux kilomètres peuvent devenir un long calvaire
C’est pas gagné !

Comment deux kilomètres peuvent devenir un long calvaire
Namour, le roi de la tranchée !

Comment deux kilomètres peuvent devenir un long calvaire
On n’a rien sans rien !

Comment deux kilomètres peuvent devenir un long calvaire
Pour la terrasse, on verra plus tard !

Comment deux kilomètres peuvent devenir un long calvaire
Au grand désespoir du chat !

Comment deux kilomètres peuvent devenir un long calvaire
C’est beau quand même, hein ?

Comment deux kilomètres peuvent devenir un long calvaire
Et le lendemain ? Ben, on recommence !

éé

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