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Vers un plan européen de "nationalisation" du secteur bancaire à l'échelle de l'union ?

Publié le 01 avril 2011 par Objectifliberte

Eurss Les clones de Wikileaks se multiplient et mettent en lumière des projets absolument ahurissants de la commission européenne et des principaux gouvernements de l'union pour tenter de "sauver" en mode panique un système financier qui craque de toute part, comme les gesticulations autour des stress tests pour les banques irlandaises le montrent.
Malgré les déclarations lénifiantes d'Hermann Von Rompuy (vous savez, le célébrissime "président de l'Union Européenne"), assurant que "en moyenne", l'Europe ne se porte pas si mal, les hauts responsables financiers de l'union savent très bien à quoi s'en tenir: la débâcle gréco-iralndaise, bientôt suivie par celle du Portugal, peut entrainer celle de l'Espagne, et ce ne sont pas les systèmes de "stabilisation" dont personne ne sait qui en assumera les pertes en cas d'implosion qui y changent quoi que ce soit. La mutualisation des bonnes signatures et des mauvaises aura pour effet d'avarier les bonnes, tout comme les prêts subprimes ont pourri la totalité des obligations gagés sur les prêts immobiliers (voir mon post à ce sujet).
Après Wikileaks, EuroLeaks
Un site qui se dénomme Euroleaks et qui semble avoir dû fermer ses portes (attaque ? pressions ?), mais qu'on peut retrouver par des FTP semble-t-il basés en Russie (mes compétences informatiques sont insuffisantes pour en être certain - Voir les liens en fin d'article) a dévoilé à 3 heures (GMT) ce matin un mémo classé "hautement confidentiel" cosigné par J.M. Barroso et le Commissaire européen au budget, rédigé par deux chefs économistes de la commission, Un certain M. Stigman et une Mme Kruglitz, et intitulé "The Case for a Major Overhaul of the European Financial System" où l'on apprend ni plus ni moins qu'une "nationalisation commando" des principales grandes banques européennes serait dans les cartons.
Le mémo parait authentique, selon des habitués des documents internes émis par la commission qui s'exprimaient sur le forum du site euroleaks avant que le site ne soit fermé. Ce document, de 12 pages, est daté du 28 mars (Lundi), soit 4 jours après le dernier sommet européen. L'introduction, semble-t-il rédigée par Barroso lui même, stipule que ce rapport a pour destinataires un nombre "restreint" de chefs d'états de la Zone Euro (visiblement, le cercle des quatre ou cinq plus grands pays de la zone), ainsi que MM. Trichet, et une autre personne dont j'ignore la fonction, visiblement un très haut technocrate. Ni Van Rompuy, ni les chefs d'états des petits pays, ne semblent destinataires. Le document a pour objectif de jeter les bases de "discussions urgentes" visant à empêcher un écroulement financier de la zone Euro. Ce rapport, préparé avant le sommet du 24-25 mars dernier mais pas présenté aux chefs d'état officiellement, aurait été finalisé juste après, à la demande de ces "principaux dirigeants", qui ne sont pas nommés, mais on peut supposer qu'il puisse s'agir du couple franco-allemand, et peut être MM. Zapatero et Berlusconi.
Le chateau de carte européen au bord de l'implosion
Et, selon les rédacteurs du corps du rapport, il faut agir très vite. En effet, selon eux, ce sont deux séries de Stress tests qui auraient été conduites par l'Union pour tester la solidité des grandes banques. La première série, publique, vise à amuser la galerie (voir cette critique soft du FT), avec une simple chute de 0.5% du PIB de l'eurozone et 15% de baisse sur les marchés financiers.
La seconde, tenue secrète, aurait été bien plus sévère mais est jugée parfaitement réaliste (probabilité estimée: supérieure à 25% d'ici fin 2011 !) par le rapport:
- Défaut de l'Irlande de 25% sur le principal de sa dette, et "haircut" des créanciers des banques irlandaises imposé en force par le nouveau gouvernement, suite à des troubles sociaux.
- Défaut de 16.66% du Portugal pour les mêmes raisons dans le mois suivant celui de l'Irlande.
- Chute des marchés financiers de 25% dans les quatre semaines suivant ces annonces.
- Chute du PIB de 2 à 3% dans la zone Euro.
A noter que ce scénario, s'il peut paraitre "dur", n'a rien d'extrême: un haircut de 25% sur les créanciers des états en faillite n'a rien d'extravagant, et une chute de 4000 à 3000 points du CAC, pour ne parler que de lui, le maintiendrait à un niveau supérieur à celui de mars 2009 (point bas à 2500 points), et la contraction du PIB est du même ordre de grandeur que celle observée lors de l'affaire Lehman.
Ce scénario entrainerait de facto :
- L'insolvabilité de trois grandes banques allemandes (dont le nom n'est pas cité) et deux britanniques, quand bien même une cavalerie sur la trésorerie leur permettrait de retarder leur mise en redressement. D'autres banques, de nationalité non précisée, mais "importantes", tomberaient comme "dommage collatéral".
- L'insolvabilité de nombreuses banques régionales espagnoles, et peut être, par contagion, de grands établissements de ce pays.
- Le scénario de stress test n'a pas modélisé un risque de "bank run", car ce n'est pas, selon les rédacteurs, modélisable, mais les conclusions l'envisagent clairement, et cela viendrait encore assombrir le tableau.
- Par contagion, et arrêt du crédit interbancaire, c'est l'ensemble du secteur financier européen, dont les fonds propres et la liquidité des portefeuilles sont jugés "dramatiquement insuffisants", qui subirait une crise majeure, plongeant des millions de détenteurs de compte bancaire dans une crise de liquidité sans précédent, provoquant un quasi arrêt des économies occidentales pendant au moins quelques semaines, le temps que des "solutions d'urgence" (on se demande bien lesquelles) soient trouvées.
Armaggeddon financier
A moyen terme, le rapport estime que tous les états européens, y compris hors de la zone euro, verraient, dans les douze mois suivant ces événements, leurs déficits augmenter de 5 à... 12% du PIB au dessus de leurs niveaux actuels, pourtant déjà élevés, entrainant de facto un krach des obligations souveraines, qui composent la part la plus liquide des portefeuilles d'actifs des banques et des compagnies d'assurance, et qui verraient leur niveau de transactions chuter comme jamais. A une insolvabilité de fait se superposerait la plus grave crise de liquidité jamais vécue dans le monde occidental.
En outre, tous les états européens ne pourraient plus emprunter, sauf peut être l'Allemagne, et encore. Autrement dit, du jour au lendemain, un état tel que l'état Français, qui emrpunte un tiers des euros qu'il dépense, devrait couper d'au moins un tiers toutes ses obligations financières (fonctionnaires, retraites...), et encore le rapport fait il à mon avis l'impasse sur la chute brutale des recettes fiscales qui ne manquerait pas de s'ensuivre.
Les auteurs du rapport estiment que cela aboutirait, si rien n'était fait, à un véritable armaggeddon financier, social et économique. Avec une probabilité 25% !
"Solution" des eurocrates : monétisation et nationalisation
La solution proposée par les auteurs est simple sur le principe, mais la mise en oeuvre sera très délicate, car elle exige d'agir vite, et dans le secret absolu, et pour ce dernier point, c'est raté.
Il s'agirait ni plus ni mois que d'opérer préventivement, dans les semaines à venir, une nationalisation expresse du secteur bancaire européen, en un week end, par le biais d'une  prise en pension immédiate par la BCE de tous les actifs à risque de ces banques, compensée par une émission monétaire au taux de 1 pour 1 (sans décote) au bilan de ces dernières, la BCE étant transformée de facto en vaste stucture de défaisance des obligations souveraines les moins bien notées. Cette injection se ferait sous forme d'apports en capital, et donc la BCE deviendrait de facto le premier actionnaire de toutes les banques concernées, c'est à dire, en fait, les 50 à 100 premières capitalisations du secteur. Et, commentaire personnel, JC Trichet, ou son successeur, deviendrait l'homme le plus puissant d'une union en ruines.  Le mémo reste assez vague sur les modalités juridiques d'une telle injection, qui suppose une décision autoritaire de chaque état concerné.
De fait, les détenteurs bancaires d'obligations souveraines ne seraient pas impactés par un défaut de paiement, que l'UE négocierait directement avec les états concernés, en lien avec la BCE. Le défaut pourrait être calculé de façon à permettre de continuer un paiement sinon intégral, du moins très peu "raboté", des épargnants privés détenteurs de titres souverains.
Naturellement, une telle inflation de la masse monétaire ne serait pas sans conséquence sur les prix, mais les auteurs estiment qu'une période de 3 à 6 ans d'inflation comprise entre 5 et 15% (c'est leur estimation), est un moindre mal. Les calculs aboutissants à des chiffres aussi "modestes" sont justifiées par l'application des modèles économiques  utilisés par la Direction Générale du Budget de l'Union Européenne, sans autre explication.
"Project Weimar"
Il est permis de douter de la fiabilité de telles prévisions. Une telle monétisation des dettes toxiques risque fort de mener à une véritable mutation de la zone Euro en république de Weimar, à la façon de l'ex Yougoslavie à la fin des années 80. Que l'UE en soit rendue à envisager de de telles extrêmités montre deux choses:
- Tout d'abord, que les élites européennes sont passées en mode "panique à bord". Tout sera fait pour maintenir l'illusion de solvabilité des grands états pour leur permettre de continuer à emprunter coûte que coûte.
- Deuxièmement, tout sera fait pour que les grandes banques n'aient pas à payer le prix de leurs mauvais prêts par un système d'échange dette contre capital tel que je l'ai proposé (voir mon article AGEFI), et tels que le proposent, surtout, des économistes aussi divers que Konrad Hummler (président de l'association des banques privées suisses), Philip Hildenbrand (président de la Banque centrale suisse), Luigi Zingales (Université de Chicago) ou même le pourtant fort peu libéral Joseph Stiglitz, qu'on ne présente plus.
Pourtant, un tel système serait la seule solution capable de réellement amortir les effets d'une crise de la dette souveraine. Mais voilà, le monde de la haute finance n'en veut pas, et les états, prisonniers de leur dette, ne peuvent l'imposer, au détriment des populations.
Si la proposition de la Direction Générale du Budget de l'UE devait voir le jour, alors le gros du secteur financier européen serait de facto nationalisé, et aux ordres de l'élite bureaucratique de l'UE. C'est un véritable coup d'état, ou plutôt coup d'états, que certains veulent préparer en coulisses.
Naturellement, il n'est pas possible de dire si ce rapport a reçu ou recevra l'aval des chefs d'état. Mais il a en tout cas été endossé par Barroso, par le commissaire européen au budget, le Polonais Karel Ponzyk, et le site Euroleaks semble fermé ou du moins victime d'une attaque sur son serveur.
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Lire également :
Voir le PDF du rapport intitulé "The Case for a Major Overhaul of the European Financial System", par Josef Stigman et Paula Kruglitz. Selon moi, il aurait du être sous-titré "A Weimar Project".
Si le site ne répond pas, un groupe Facebook de tracking des serveurs mirroir est joignable ici.
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