« Je hais les livres
Ils me fatiguent les yeux. »
Dorothy Parker était une poétesse, scénariste, chroniqueuse américaine célèbre pour sa liberté d'expression. Membre de la fameuse table ronde d'Algonquin que l'on pourrait éventuellement comparer au Café de Flore dans ses plus belles années, Dorothy Parker détestait les faux semblants et emmerdait avec poésie le politiquement correct.
Sans langue de bois ni concession, construit sur un humour dévastateur et jubilatoire, Hymnes à la haine est un exutoire d'une vérité absolue.
Voilà longtemps que je n'avais pas autant ri grâce à un livre !
Piquant, mordant, féroce, le drame de Dorothy Parker est de toujours viser juste. Elle n'épargne rien ni personne pas même elle-même. Un livre tout mince, corné à souhait, dont l'effet bénéfique est tout simplement salvateur.
L'alcool, le maccarthysme dont elle fut victime, les tentatives de suicide, les amours de plus en plus intéressées, abîmée par la vie, Dorothy Parker est morte seule à l'âge de 73 ans. Elle légua l'entier de ses biens à Martin Luther King et lança une dernière pique pour son incinération avec l'épitaphe : « Excusez-moi pour la poussière ». Mythique, non ?
Grâce à ses écrits, une part d'elle est éternelle et je m'en vais illico m'en procurer l'intégrale.
Phébus, 106 pages dont une très belle préface de Benoîte Groult, 2010
Des extraits toujours aussi brûlants d'actualité !
(Je hais le théâtre)
« Et puis la pièce sur le Grand Nord...
Celle qui Vous Donne à Penser -
A penser que vous auriez mieux fait d'aller au cinéma...
Elle est traduite du norvégien
Mais on pourrait aussi bien la donner dans l'original.
L'éclairage est si sombre
Qu'on peut à peine distinguer le visage des acteurs,
Ce qui vaut peut-être mieux...
L'héroïne est invariablement Incomprise -
Sans doute à cause de son accent.
C'est une Bonne Petite Jeune Fille
Qui tombe amoureuse d'un obscur comparse,
Ou qui s'aperçoit quelle a épousé par erreur son oncle.
Ou qui sort dans la nuit en claquant la porte,
Tandis que peu à peu le drame se noue et va culminer
Dans un gentil petit suicide, un cas de folie prometteur...
Explique-leur, Ibsen, que tu as acquis les droits scandinaves... »
(Je hais le cinéma)
« Commençons par le « Grand Spectacle »...
Les agents de presse reconnaissent
Qu'il s'agit là du film le plus remarquable jamais produit...
L'intrigue est tirée de l'Histoire
Mais l'auteur du scénario adoucit les angles :
Cléopâtre finit par épouser Antoine
Et Salomé Jean-Baptiste...
Comme ça on peut emmener les enfants.
La production accumule des statistiques passionnantes
Sur la richesse de la distribution,
La moitié de la population californienne
A pris part aux scènes de bataille,
Et on a mesuré la longueur qu'atteindraient
Les colliers de la star si on les mettait bout à bout !
Le public en a le souffle coupé
Et clame à tous les vents : "Songez à la fortune que tout ça a dû coûter !"
Songez plutôt à la fortune qu'on aurait pu économiser !...
(Je hais la famille)
« Et passent leur temps à faire poser pour des portraits aux rayons X
Certaines parties de leur anatomie qui ont toujours des noms à coucher dehors.
Tout ça pour finir par vous confier ce que vient de déclarer le docteur :
Qu’elles n’ont qu’une chance sur cent de …
Encore une chance de trop! »
Un grand merci à Cathulu pour la découverte ! Elles l'ont également lu : Clara, Manu, Sabbio...
Un film... Mrs Parker et le cercle vicieux (1994)
The Ballad of Dorothy Parker, un hommage de... Prince