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« Générations sacrifiées » ou pourquoi changer de vie

Publié le 18 juin 2011 par Grégory Gossellin De Bénicourt @benicourt81

« Générations sacrifiées » ou pourquoi changer de vieIl est presque minuit et nous nous sommes garés près du stade à Estagel pour la nuit. Aujourd’hui, nous avons passé notre journée à Perpignan. Nous nous sommes arrêtés dans un centre aquatique disposant de divers services : piscine, jacuzzi, sauna, hammam, toboggan aquatique… la journée fut très relaxante. A la deuxième séance de sauna et hammam, tous les nerfs sont relâchés. Il ne faut pas trop forcer. Quand on vit en camping-car (cela ne fait qu’une semaine notons), ce qui manque le plus, c’est l’immersion sous l’eau. On a tendance à économiser alors même les douches sont rapides.

Nous commençons enfin à avoir l’esprit un peu vide. Les vicissitudes qui habituellement peuplent le quotidien s’estompent peu à peu. On couvre les besoins essentiels : nourriture dans le frigo, de l’eau, une vidange des toilettes et des eaux usées, du soleil pour le panneau solaire… quand cela est couvert, on finit par ne plus penser à rien, c’est agréable. Puis, on se dit : tiens, après quoi je cours finalement au quotidien. Quand on a terminé son travail qui nous rapporte un salaire mensuel, quand les tâches ménagères et administratives sont à peu près remplies (on en garde toujours un peu de coté pour stresser un peu), alors on s’invente de nouvelles tâches : un jardin à entretenir, une revue d’un abonnement à lire, une séance de shiatsu avec la voisine… toute cette culture du loisir n’est qu’un nouveau masque pour « griller » ce temps qui nous d’un coté nous obsède quand on pense en manquer, et qui devient une source d’angoisse quand on ne sait l’occuper. Combien de fois nous sommes allés « nous promener » au centre ville pour « voir du monde » ou bien en flânant dans une galerie commerciale pour acheter des produits dont nous n’avons pas besoin ? Pour ma part, je me suis lancé dans de grands projets qui m’accaparaient et qui ne pouvaient être atteints… D’une certaine façon, cela me poussait à me dépasser, mais en même temps, je n’étais jamais réellement satisfait. Je ne cherche pas le bonheur, mais la paix d’esprit est un confort qu’il est difficile d’acheter dans nos sociétés modernes. « Changer de vie », c’est l’un des aspects de ce blog – il ne s’agit pas seulement de voir les bâtiments classés Unesco de telle ou telle ville. Plus important, c’est une sorte de pèlerinages à la rencontre d’autres personnes, d’autres cultures… Que vais-je faire des quelques années qui me restent à vivre ? Mon père voulait profiter de sa retraite pour acheter un bateau et partir faire le tour du monde. Mais un an après sa mise « au rebut », il ne faisait rien et il a finit par mourir d’un cancer du pancréas. Il a souffert pendant 3 mois mais n’a su la gravité de son cas que quelques jours avant de mourir. Toute une vie à travailler à l’usine pour en arriver là. Nous n’avons pas envie de faire pareil, de griller nos meilleures années pour construire un « je ne sais quoi ». Tout semble s’écrouler autour de nous : l’économie, la finance, bientôt l’immobilier. Nous ne comptons pas sur la retraite, et encore moins sur le système de santé – tout cela va s’effondrer. Nous savons déjà que les générations de nos parents ont vécu les meilleures années en terme de « prospérité » du pays. A l’origine, il y avait l’espoir d’une vie meilleure et ils l’ont eu. Quant à nos générations et les suivantes, on sait que le niveau de vie sera inférieur et qu’il continuera de chuter. Les enfants doivent payer les dettes de leurs parents d’une certaine façon. Pourquoi on se tuerait à la tâche ? Nous ne devons rien à personne. Mes parents ne nous ont quasiment jamais aidé financièrement. Mon permis de conduire et ma première voiture d’occasion (6000€ à l’époque, il y a 17 ans), je les ai eu en empruntant à la banque et cela en « grugeant » un peu pour éviter d’avoir une caution. J’ai mis 7 ans à rembourser le prêt en étant étudiant. J’ai du bosser l’été, mais aussi durant les cours tout en faisant deux écoles en même temps… je n’aurai pas d’héritage et je n’en veux pas de toute façon. C’est dur dans notre société quand on commence avec rien – la vitesse initiale est très importante. Imaginez que vous gagnez 1200€ par mois, mais que vous avez 700€ de loyer – à la fin du mois, il ne vous reste rien.

« Générations sacrifiées » ou pourquoi changer de vie
Quand on vous a payé l’appartement, vous avez vite économisé de l’argent et rapidement vous pouvez devenir propriétaire. Quand nous avons eu des revenus corrects, plus de dettes et un peu d’argent de coté, nous avions plus de 30 ans et l’immobilier avait doublé devenant inaccessible pour les primo-accédants que nous étions. Résultat, près de 20 ans en location. Imaginez si nous avions pu économiser 20 ans à 600€/ mois de moyenne, nous aurions un capital de plus de 150K€ à la place de rien. Heureusement, nous avons été assez bon sur le marché de l’emploi et nous ne sommes pas à plaindre. Je plains les autres comme nous qui n’ont rien et qui pourtant ont bossé comme nous avec acharnement. Je ne veux pas entrer dans une lutte de génération, j’essaye juste d’expliquer pourquoi aujourd’hui nous n’avons pas envie de bosser pour payer les retraites des ainés et leurs soins de santé alors qu’il n’y aura rien pour nous en échange. J’ai quand même l’impression de faire partie d’une génération sacrifiée, sans avenir, ou tout est écrit et où aucun espoir ne pointe à l’horizon. « Si tu es né dans une bonne famille, tu auras une vie facile, mais gare à toi si ce n’est pas le cas » – pas de bol, c’est pas notre cas. Et on a beau bosser dur… quand tu n’as rien, tu pourras difficilement avoir plus que peu par la suite. L’ascenseur social n’est pas en panne… tout comme en Russie, on l’a brulé pour se chauffer. A 35 ans, on vit comme nos parents à 20 ans… avec le chômage comme horizon et la concurrence des bas salaires de l’Est comme sanction à nos ambitions. On est rien de plus que de la chair à canon. Oh toi lecteur, si tu as notre âge et que tu as des enfants que tu ne pourras jamais envoyer à l’université, un emprunt sur 30 ans pour une cabane de 90 m² à 45 minutes de ton boulot… je te plains, mais oh combien je te comprends. Tu as cru tous ces mensonges… tu as signé et tu es aujourd’hui piégé…

Bon, et puis zut, je suis peut-être un peu aigri ce soir, la journée était pourtant bonne. Je ne sais pas ce que j’ai envie de faire par la suite. Déjà, nous allons voyager et puis on verra bien… nous avons un peu d’argent de coté, un terrain qui se paye petit à petit, un camping-car. C’est probablement un consommable, mais c’est aussi un toit sur notre tête en attendant. Terminé pour l’instant les impôts locaux et la taxe audiovisuelle pour une télé poubelle qu’on ne regardait plus depuis des années. Finis bientôt (ou presque) cette imposition sur plus du tiers de nos revenus. Plus d’abonnement à EDF, ni à FT (juste un abonnement SIP à moins de 3€/mois incluant les fixes en illimités et une heure sur les mobiles), plus d’abonnement à l’eau ou au gaz (bon on achète des bouteilles c’est vrai)… Il y a une grande sensation de liberté, même si c’est en partie illusoire. C’est bon pour nous pour le moment alors on maintiendra cette illusion quelques temps. Et puis, tout est relatif, c’est peut-être pas la panacée, mais c’est à des années lumière de la vie d’esclave qu’on avait avant. Bonne nuit les petits (nounours).


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