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Mojo

Publié le 22 juin 2011 par Litterature_blog

Mojo« Ce qu’est un mojo ? Hé, mec, tu déconnes ou quoi ?... tout le monde en a un. Plus ou moins bon, c’est tout. Et puis certains ne le savent pas. Ils ne l’ont pas apprivoisé. Il y a ceux qui sont nés sous un mauvais signe, qui ont un mojo obscur, sombre, ratatiné comme une momie. Ça c’est mauvais, mec ! »
Le mojo de Slim Whitemoon se révélera chaotique. Jugez plutôt : Né dans le Mississipi au début du 20ème siècle, ce bluesman tente d’abord sa chance à Chicago avant que la crise de 29 ne l’oblige à retourner dans le sud. Il y passe quelques années dans un cimetière en tant que fossoyeur. Mais le frisson du blues le renvoie sur la route. Des concerts chaque soir dans des bars, des clubs, des petites salles ou même dans la rue. Une vie d’errance avant de rentrer dans le rang après avoir rencontré Emma, sa future femme. De leur union naîtront deux garçons et deux filles. A la mort d’Emma, les enfants ont grandi et sont partis. De nouveau seul, Slim replonge dans la musique à corps perdu. Et lorsque le revival du blues explose en Europe dans les années 60, il part faire une tournée en Angleterre. Le vieil homme devient une star adulée par les Stones et les Yarbirds de Clapton. De retour au pays, Slim retombe dans l’anonymat pour finir sa vie dans le dénuement le plus complet.
Slim Whitemoon n’a jamais existé. Il représente le parfait archétype du bluesman ayant traversé le 20ème siècle : une naissance dans le sud profond, les première notes de musique jouées sur une guitare de bric et de broc, un voyage à Chicago, une vie de hobo dans les trains de marchandise pendant la grande dépression, les premiers enregistrements de vinyles, la gloire avant une chute inexorable. Rodolphe et G. Van Linthout dressent un inventaire précis et exhaustif des caractéristiques propres à ces musiciens itinérants qui ont marqué l’histoire des États-Unis : la solitude, la misère, les femmes, l’alcool, les troquets sordides, le racisme ordinaire… Et si Slim est une pure invention, les musiciens qu’il croise sur sa route ont eux bel et bien existé : Blind Lemon Jefferson, le mythique Robert Johnson, Aleck « Rice » Miller, Sonny Boy Williamson. Ces bluesmen légendaires donnent à ce Mojo de faux airs de docu-fiction.
Graphiquement, le travail de G. Van Linthout colle parfaitement au propos : un lavis aux tons de gris délavés idéal pour illustrer cette vie en clair-obscur.
Grand fan de blues depuis un voyage au fin fond du Texas au début des années 90, j’ai passé un excellent moment avec ce roman graphique à la construction simple et efficace. Et je reste persuadé que cet album à priori destiné aux amateurs de la musique du diable saura également convaincre un plus large public.
Mojo de Rodolphe et G. Van Linthout, Éditions Vents d’Ouest, 2011. 192 pages. 20.00 euros.
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