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LE TEMPS DE L'INNOCENCE de MARTIN SCORSESE

Publié le 30 juillet 2011 par Abarguillet
 Universal Pictures New Line Cinema

 Dans la lignée des très grands films dont  Martin Scorsese  reconnaît devoir des éléments d'inspiration et de réflexion, tels que Le Guépard, Senso ou Le portrait de Dorian Gray, Le Temps de l'innocence s'inspire d'une oeuvre littéraire, celle d'Edith Wharton, prix Pulitzer 1921 - dont le cinéaste va adopter fidèlement les thèmes, tout en proposant les siens propres, sans qu'il y ait une quelconque incompatibilité. On pouvait, à priori, être étonné de voir ce cinéaste s'égarer dans un film " à costumes ", dont on sait qu'ils ont en général mauvaise presse, mais Scorsese ne tombera dans aucun des pièges qui le guettaient : jeu théâtral des comédiens, ambiance convenue, dialogues emphatiques ; il empoigne ces clichés pour n'en retenir aucun. Bien qu'il n'ait pas été facile d'adapter à l'écran ce roman-culte, le cinéaste d'origine italienne l'osera avec succès, franchissant les obstacles et signant là l'une de ses plus belles réalisations.

LE TEMPS DE L'INNOCENCE de MARTIN SCORSESE
   

Comme dans Les Affranchis et Casino, et à la manière d'un documentaire, il accompagne le déroulement de la pellicule d'une voix off ( Joanne Woodward ), qui donne au film un ton particulier et permet d'entrer plus aisément dans l'intimité des personnages. Le Temps de l'innocence ( 1993 )est une fresque sensible sur une société en apparence paisible, mais qui s'avère être, derrière sa façade trompeuse, aussi perfide et cruelle que celle des mafieux que Scorcese nous présentait dans plusieurs de ses films précédents. Dans cette société américaine oubliée des années 1870, assez proche du monde proustien de La Recherche, les émotions, les sentiments se doivent d'être cachés, voire refoulés, comme le sont les amours insatisfaites et les désirs inavoués des deux héros du film. Ne nous y trompons pas ; sous ses dehors policés, Le Temps de l'innocence est une histoire violente, où quelques êtres isolés et en rupture s'opposent à la puissance d'une riche famille, selon  "un rituel tribal ", d'après les propres mots du cinéaste. " Si les victimes ne sont pas abattues d'un coup de pistolet, elles sont en revanche éliminées. La pire chose n'est pas la mort, mais l'éradication." Cette seule phrase explique le film et lui donne sens.  En effet, moins volontaire que les héros habituels de Scorcese, Newland Archer ( Daniel Day-Lewis ) sera vaincu par la force des traditions et des conventions qui est l'apanage de cette société new-yorkaise des dernières décennies du XIXe siècle. Il n'aura pas le courage de tout sacrifier à son amour pour la comtesse Ellen Olenska et l'homme vieilli, que nous voyons lors de la dernière scène, ne sera même pas assez résolu  pour rencontrer une dernière fois la femme qu'il a tant aimée...Curieusement, dans ce monde régi par les hommes, ce sont les femmes Ellen et May - la jeune fille que Newland finit par épouser - qui se révèlent être les véritables moteurs de l'intrigue, Newland subissant les événements davantage qu'il ne les provoque. S'il conteste les règles établies dans le privé, il n'ose s'insurger en public, par peur de se faire expulser.

LE TEMPS DE L'INNOCENCE de MARTIN SCORSESE

L'histoire se déroule à New-York dans les années 1870. L'avocat Newland Archer doit épouser May, la fille d'une puissante famille, les Mingott, alors que de retour d'Europe, la belle comtesse Olenska, cousine de May, éveille chez lui une subite passion. La comtesse semble mener une vie assez libre, loin de son mari retenu en France, jusqu'à ce que celui-ci, craignant que son épouse ne finisse par demander le divorce, ne la rappelle à Paris. Redoutant le scandale, elle accepte, mais Newland vient chez elle pour lui avouer son amour et la supplier de rester. Parce qu'elle se refuse à blesser sa cousine fraîchement fiancée, Ellen décide de partir afin que le mariage ait lieu.
Dix-huit mois plus tard, toujours obsédé par son souvenir, Archer apprend qu'elle se trouve en résidence à Boston. Il s'y rend et finalement lui et Ellen deviennent amants. Mais apprenant que May attend un heureux événement, Ellen va repartir en Europe rejoindre son mari.
Des années plus tard, après la mort de May, Archer, âgé de cinquante-sept ans, accompagne son fils Ted en voyage d'affaires à Paris. Arrivé au bas de l'immeuble d'Ellen, et alors que plus rien ne s'oppose à leur rencontre, il prend la fuite, incapable de se retrouver confronté à une passion qu'il n'a ni su, ni pu assumer... 

Martin Scorsese a choisi de pousser à la perfection la reconstitution de la vie de l'époque et mis une attention pointilleuse à soigner les décors, les costumes, les objets, l'étiquette, en s'inspirant de la façon dont son maître Visconti. Michelle Pfeiffer déclara à ce propos : " J'ai appris que je ne pouvais pas toucher mon verre de vin blanc parce qu'il était frappé, mais, qu'en revanche, je pouvais caresser mon verre de vin rouge parce qu'il était chambré." 
Alors que le superviseur artistique Dante Ferretti cherche, tel un peintre, à donner une dominante aux décors et s'inspire des toiles de James Tissot, Scorsese veille à ne pas succomber sous le poids de l'exactitude historique et prend ses distances à bon escient. Ce, et en partie, grâce au montage audacieux de Thelma Schoonmaker qui saura apporter au  film une étincelante modernité, se refusant à des ralentis inopportuns et à toute complaisance esthétique.
Daniel Day-Lewis, en dandy brimé, se livre, quant à lui, à une époustouflante performance dans le rôle de l'avocat Newland Archer. D'une sensibilité à fleur de peau, il interprète l'un des personnages les plus complexes du cinéma de ces dernières années. A ses côtés, la délicieuse Michelle Pfeiffer, dont les toilettes s'accordent si bien à sa finesse et à sa grâce, qu'elle semble être née pour les porter - lui donne la réplique avec intelligence et sensibilité. C'est sûrement le rôle le plus intéressant qui lui ait été confié dans son encore jeune carrière. Rarement roman ne fut à l'origine d'un si beau film qui, comme Le Guépard, ne se contente pas d'être une adaptation réussie, mais se veut une oeuvre à part entière. Et quelle oeuvre !

Pour consulter l'article que j'ai consacré à Michelle Pfeiffer, cliquer  ICI

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