Electromachintogramme

Jeudi.
Ambiance folle dans le service, des gens qui courent partout, la télévision en lévitation, le lit massant...
Enfin, ça c'était dans la tête des patients sous morphine peut être.
Pour moi en tout cas, c'était plus l'impression de m'être levé à 5h du matin pour lustrer le sol avec mes surchausses en faisant les cents-pas. Forcément, avec trois patients plutôt calmes par infirmière, il n'y avait plus grand chose pour ma pomme.
Alors je vidais les poubelles, remplissais les tiroirs de fournitures même s'ils étaient déjà pleins, et finissais par me trouver une chambre avec une TV restée allumée... Tiens, des rediffs de C'est Pas Sorcier...
Finalement, j’entends l'interne parler dans le couloir "On fera un ECG à madame E. aussi...".
Il n'en faut pas plus pour me faire sauter de mon fauteuil roulant: "Je m'en charge!".
Oui, l'ECG (ElectroCardioGramme) n'a rien de bien palpitant dans le fond (en me relisant je me dis qu'il y a des jeux de mots involontaires qui se perdent...), mais quand on s'ennuie sec, on prend!
Et donc j'arrive avec mon petit chariot chez Madame E., et je profite de chaque instant de poésie qu'offre l'ECG, poésie qui permet de se souvenir où brancher la dizaine de câbles colorés et surtout emmêlés:
Du côté du cœur c'est le jour, (le soleil/fil jaune à gauche)
Avec le soleil au dessus de la prairie. (fil jaune au poignet, fil vert à la cheville)  
De l'autre c'est la nuit,
Nuit où les flammes volent au dessus des cendres... ( fil rouge au poignet droit, fil noir à la cheville...)
Et puis pour les six autres électrodes, c'est numéroté dessus. (Atterrissage lyrique en règle.)
Finalement, j'appuie sur le bouton, le tracé sort.
Shraaack.
Hmm...
Je rappuie sur le bouton, le tracé sort, je le découpe plus proprement cette fois, puis épilation du patient en retirant les électrodes.
Et je retourne devant Fred, Jamy et la Petite Voix....