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L’Etrange Festival 2011, Jour 1 :Grand bonhomme et macho men

Publié le 03 septembre 2011 par Boustoune

C’est dans un Forum des Images archi-comble que s’est ouverte cette 17ème édition parisienne de l’Etrange Festival, rendez-vous incontournable de l’année cinématographique pour les amateurs de films qui sortent des sentiers battus, qui osent, qui dérangent, qui surprennent…

Après les remerciements de rigueur aux différents partenaires de la manifestation, Laurence Herzberg, la directrice du Forum des Images, et Frédéric Temps, directeur du festival, ont accueilli sur scène l’un des parrains de cette édition 2011, et un grand Monsieur du cinéma français : Jean-Pierre Mocky.

Qui d’autre que ce cinéaste “marginal” et “anar”, à la fois adulé et haï pour ses coups de gueule mémorables sur l’état du cinéma français et le système de financement des films, auteur d’oeuvres aussi atypiques que La Cité de l’indicible peur, Litan ou Ville à vendre et mémoire vivante de tout une glorieuse époque du 7ème art, pouvait mieux symboliser l’esprit de l’Etrange Festival?

Mocky EF 2011

Jean-Pierre Mocky a profité de la carte blanche qui lui était offerte pour sélectionner deux types d’oeuvres. Déjà, parce qu’il déteste toute atteinte à la liberté d’expression, il a choisi de présenter deux films qui, en leur temps, ont été frappés par la censure :  Moranbong, une aventure coréenne et Viva la muerte!, l’un des premiers films à avoir bénéficié de la levée de la censure en France. Ensuite, parce qu’il et cinéphile et qu’il vénère les acteurs “à gueule”, il a choisi de montrer deux raretés, deux oeuvres un peu oubliées dans les filmographies de leurs auteurs : Requiem pour un champion de Ralph Nelson, avec Anthony Quinn, et La Dernière fanfare de John Ford, avec Basil Rathbone et Spencer Tracy.
Ces films seront à découvrir tout au long de la semaine au Forum des Images ou lundi soir au cinéma Le Méliès à Montreuil.

Sucre

Pour vraiment démarrer les festivités, Canal + a offert un petit court-métrage bien sympathique, Sucre.
Dans ce film du néerlandais Jeroen Annokkeé, on découvre qu’il n’est pas toujours bon d’être serviable avec sa voisine de palier, fut-elle mignonne et court-vêtue au moment de sonner à votre porte. Le malheureux héros du film va l’apprendre à ses dépends. Au départ, il prête juste à la jeune femme un sucrier. Mais les catastrophes vont s’enchaîner et chaque tentative d’arranger les choses ne fait qu’empirer la situation… C’est bref, c’est drôle et efficace. 
Un bel amuse-bouche…

Le plat principal était la projection en avant-première de The Divide, le nouveau film de Xavier Gens.
Le jeune cinéaste français est venu sur scène expliquer que ce long-métrage avait bien failli ne jamais se tourner, faute de financements, et, pour l’anecdote, a raconté comment l’insistance d’un jeune assistant l’a aidé à obtenir les derniers fonds nécessaires à la réalisation de ce projet. 
Il s’agit donc d’un film à petit budget. Qui dit petit budget dit décor minimaliste et nombre de personnages restreint.
Le huis clos est donc souvent la bonne solution pour construire un tel récit, à condition qu’il soit mené correctement.
Et force est de constater que Xavier Gens s’en sort plutôt bien.

The divide - 4

La première séquence donne le ton : l’héroïne assiste, depuis la baie vitrée de son luxueux appartement de Manhattan, à l’explosion nucléaire qui ravage la ville. Son compagnon l’entraîne hors de l’appartement, vers la sortie. Panique. Mouvement de foule irraisonné. Sentiment d’urgence…
Ils ont juste le temps de gagner le sous-sol où le gardien de l’immeuble s’était construit, en secret, une sorte d’abri antiatomique.
Le bonhomme, fruste et mal embouché n’est pas spécialement ravi de voir débarquer chez lui huit autres survivants, mais il n’a d’autre choix que de les héberger en attendant que les radiations se soient dissipées et que tout le monde puisse regagner le monde extérieur.
Evidemment, des rivalités et des tensions ne tardent pas à surgir entre les différents protagonistes, d’autant que dehors, de mystérieux hommes armés et belliqueux sont là pour les dissuader de quitter l’abri…
Petit à petit, le stress augmente, faisant sombrer les personnages dans la folie… 

The divide - 2

La mise en place est impeccable. On est tout de suite plongé dans l’action. On sent monter la tension entre les protagonistes et la narration prend quelques virages inattendus avant de revenir au coeur du récit et à l’incapacité des hommes à vivre en communauté sous l’effet d’un stress trop important.
Tout cela serait parfait si le scénario, dans sa seconde moitié, ne tournait pas au grand n’importe quoi. En une seule séquence, quand le pouvoir du petit groupe change de mains, la quasi-totalité des personnages devient complètement barge, sans préavis. 
On aurait préféré une évolution plus graduelle des personnages, qui expliquerait pourquoi ils en viennent à craquer psychologiquement. 
Et on aurait aimé davantage de retenue dans la folie et l’horreur.
Chantage, humiliations, tortures, viols, séquestration, machisme exacerbé…  Demandez le programme!

Du coup, puisque les excès sont autorisés, les acteurs se permettent de cabotiner sans vergogne. Et comme on ne peut pas dire qu’ils sont franchement bons, aïe, ça plombe sérieusement le film.
Michael Biehn en fait des tonnes, mais il est encore à peu près crédible en brute épaisse, parano et raciste.  On n’en dira pas tant de Milo Ventimiglia, Michael Eklund et Ivan Gonzalez, à côté de la plaque…
Les actrices s’en sortent mieux. La belle Lauren Germann, qui incarne le personnage central du récit, est la seule à rester sobre de bout en bout, et Rosanna Arquette, que l’on prend plaisir à revoir sur grand écran après  plusieurs années de disette, réussit à émouvoir malgré l’outrance dans laquelle sombre son personnage.

The divide - 3

Au final, on ressort de la projection avec un sentiment assez mitigé.
Au rayon des points positifs, le film possède de réelles qualités formelles, à commencer par sa superbe séquence inaugurale, et sa scène finale dans le paysage post-apocalyptique de New-York en ruines. Malgré le côté exigu du décor, les mouvements de caméras sont complexes et virtuoses. La narration est efficace. La musique est soignée et accompagne parfaitement l’action…
Au rayon des points négatifs, ce virage narratif fâcheux qui fait sombrer le film dans le grand n’importe quoi et qui gâche en quelques minutes toute la patiente mise en place du récit… Frustrant, rageant, et n’incitant pas à l’indulgence…
Cela dit, ce petit film de série B confirme tout le bien qu’on pensait de Xavier Gens, réalisateur passionné de cinéma de genre, qui devrait, à maturité, nous offrir des oeuvres bien sympathiques et autrement plus abouties que The Divide

Pour continuer dans le registre de la folie humaine et de la violence faite aux femmes, le public a ensuite pu découvrir The Woman, le nouveau film de Lucky McKee (May).
Le cinéaste texan voulait depuis longtemps travailler avec le romancier Jack Ketchum (auteur entre autres du très dérangeant The Girl next door), et restait sur la frustration d’avoir été évincé du tournage de Red, d’après un des bouquins de l’écrivain.
Ils ont décidé de donner une suite à Offspring, film inédit en France qui suivait le parcours meurtrier d’une famille de sauvages cannibales sur la côte est des Etats-Unis.  
Il ont repris le personnage joué par Polyanna McIntosh, seul membre de la tribu encore en vie, qui se cache désormais dans la forêt, dans une petite tanière dérobée à un loup moins sauvage qu’elle.
Mais plutôt que de livrer un énième ersatz de La Colline a des yeux où d’insouciants promeneurs se font trucider par la féroce jeune femme, ils donnent un tour assez inattendu au récit.

thE Woman - 2

La sauvageonne est repérée par un chasseur amateur, Chris Cleek. Cet homme correspond en tout point au stéréotype de l’américain moyen: Toujours affable et souriant, prévenant avec les voisins, il est un parfait chef de famille, travaillant durement – dans un cabinet juridique – pour assurer le bien-être et le confort de sa femme Belle et leurs deux enfants. Le reste du temps, il s’occupe de l’entretien du jardin, des petits travaux dans la maison, et de l’élevage de leurs chiens. Et pour se détendre, donc, il part chasser…
Quand il découvre cette femme-sauvage, il décide de la capturer et de l’enfermer dans la cave afin de l’apprivoiser et de la civiliser. Et évidemment, pour la vertu éducative de la chose, demande à sa famille de participer à l’opération, tout en leur imposant de garder le secret sur cette “découverte”…
Ah! Le brave homme! Quelle intention formidable que de vouloir à tout prix apprendre à cette marginale, cette créature mi-femme mi-bête, à se comporter comme une citoyenne responsable, polie et docile…

thE Woman - 3

Sauf que, comme dans The Girl next door, quand on gratte un peu le vernis de ce portrait de famille-modèle, emblématique de l’American Way of Life, on découvre des choses bien moins avouables…
Cleek n’est pas un honnête travailleur, c’est un requin qui escroque de pauvres vieilles sans défense… Ce n’est pas un mari idéal mais un époux infidèle et, parfois, violent… En revanche, c’est bien un père aimant. Trop peut-être, à en juger les regards apeurés que lui jette sa grande fille quand il passe lui souhaiter bonne nuit…
Au fil du récit, on en vient à se demander qui, de la proie et du chasseur, de la captive et du geôlier, est le plus sauvage…

Là-aussi, il s’agit d’un film inégal. Le début, qui résume la cavale de la femme-sauvage, est un patchwork d’images et d’effets de style stroboscopiques assez indigeste et donne le tournis, puis on se laisse séduire par cette satire sarcastique de la société américaine et de ses valeurs morales hypocrites, par ces caricatures d’américains moyens jouées (non sans cabotinage) par Sean Bridgers, Angela Bettis, Zach Rand et Lauren Ashley Carter, et par le message pro-féministe certes un peu incongru sous cette forme-là, mais louable… 
Mais le romancier et le cinéaste se laissent aller à la facilité de la surenchère gore et du grand n’importe quoi horrifique, avec une révélation finale assez ridicule… Et du coup, l’aspect satirique savamment mis en place se retrouve dilué dans les hectolitres de faux-sang et plombé par des scènes de sadisme gratuites et peu utiles…
Là aussi, c’est frustrant…

thE Woman - 4

Cela dit, il faut remettre les choses dans leur contexte. Ces deux films ne sont pas des films d’art & essai. Ce sont juste des films de genre faits par des amoureux de cinéma de genre et destinés avant tout aux amoureux de cinéma de genre, susceptibles d’être plus cléments vis-à-vis des incohérences scénaristiques ou des excès de tout type…
Et ce sont deux petits films qui, au vu de leur violence et des thèmes qu’ils abordent, n’auront probablement pas les honneurs des circuits de diffusion classiques.
C’est tout l’intérêt de cet Etrange Festival, que d’offrir à ces oeuvres atypiques, fussent-elles inabouties, l’opportunité d’être vues et commentées… On attend donc la suite du programme avec impatience…

A demain, donc, pour la suite de ce voyage dans le fascinant monde de l’étrange…

EF2011


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