Par Oddjob
Profitant d’un début d’été grisonnant, parfait pour des (re)découvertes cinéphiliques, voilà que l’excellente chaîne RTL9 (si, si, la dernière chaîne non payante capable de programmer des westerns, des films de guerre, des polars, cuvées 1960 à 1980, bref du bon et du lourd : d’Aldrich à Winner, en passant par Carpenter, Peckinpah ou Schaffner) eut la non moins excellente idée de diffuser un film policier de très bonne facture : Brannigan, avec dans le rôle titre John Wayne.
Oui, je sais, il est de bon ton dans les dîners en ville, dans les journaux en vue et les magazines tendance, au mieux de dénigrer John Wayne pour son côté cowboy cabot, au pire de ne voir en lui qu’un infâme réac' yankee coupable à jamais d’infâmie. Celle d’avoir réalisé The Green Berets, l’unique long métrage de propagande en faveur de l’intervention américaine au Vietnam (sur la forme, l’on objectera qu’il s’agit là d’une très honnète série B de guerre, aux scènes d’action des plus efficaces !)
Mais à Fury Magazine, nous ne sommes pas du genre à nous laisser intimider par les tenants d’un supposé bon goût, par les défenseurs d’un prêt-à-penser pernicieux.
Même lorsque notre "cher" Hunter S. Thompson ira jusqu’à prononcer ces terribles paroles : "John Wayne est le dernier symbole avarié de tout ce qui a foiré dans le rêve américain, il est notre monstre de Frankenstein (…). Wayne est l’ultime Américain, voire l’Américain final. Il bousille tout ce qu’il ne pige pas. Les ondes cérébrales du Duke sont les mêmes que celles qui parcourent le cerveau du requin-marteau, une bestiole si stupide et si vicieuse que les scientifiques ont abandonné tout espoir d’y comprendre quelque chose, et le décrivent comme un archaïsme inexplicable."
Il ne pouvait y avoir qu’un seul Duke !!
Ainsi, en 1975, Douglas Hickox (réalisateur notamment de Zulu Dawn) entraîne l’inspecteur Branningan de Chicago à Londres afin d’organiser l’extradition d’un trafiquant américain. Evidemment, rien ne se passera comme prévu, ce dernier étant kidnappé et Wayne/Brannigan de se heurter aux méthodes flegmatiques et moins couillues de Scotland Yard !
L’intrigue ne révolutionne pas le genre, certes. Mais réalisé quatre après Dirty Harry (le trafiquant recherché est interprété par John Vernon, celui-là même qui joua le maire de Frisco chez Don Siegel), The Duke ne pouvait ne pas s’inspirer de l’inspecteur Callahan. Sans le détrôner évidemment (moumoute et cabotinage, ça n’aide pas…), Wayne s’en sort plutôt bien face au rondouillard Richard Attenborough, dans le genre rouleur de mécanique et dur-à-cuire. Il troquera cependant le fameux 44. Magnum pour un "plus modeste" Police Python 357.
Et puis, c’est surtout l’occasion de se rincer l’œil avec de magnifiques carrosseries : course-poursuite dans la City, un peu poussive (on est très loin de Bullit !) mais sympathique, entre une Ford Capri (Mister J. de HotRod66 sera content) et une Jaguar Mark II ; le tueur pourchassant Brannigan roule en Jaguar Type E (celle-ci finira dans les eaux noires de la Tamise !)
Par contre côté partenaire féminine, Wayne nous avait habitués à mieux. Angie Dickinson (gloups !) dans Rio Bravo, Elsa Martinelli (regloups !) dans Hatari, Jennifer O’Neal (reregloups !) dans Rio Lobo. Certes, Judy Geeson (future partenaire de Michael Caine dans The Eagle Has Landed) a ce petit charme d’enquêtrice du Yard, que l’on retrouvera quelques années plus tard chez Glynis Barber dans Dempsey and Makepeace. Mais on est (très) loin de la tension érotique qui fissurait quelque peu notre monolithique cowboy.
Alors, me direz-vous, pourquoi s’attarder sur ce polar, finalement mineur, dans la filmographie de John Wayne ?
Pour le charme viril et délicieusement suranné du Duke, le seul acteur à avoir tenu un seul rôle, dans les 175 fims qu’il a tournés : celui du cowboy idéaliste et idéalisé !
Et parce qu’il est toujours difficile de résister à une telle réplique : "Pas de ça, si tu ne veux pas chanter soprano !"