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L’exportation de la culture israélienne, l’effervescence permanente

Par Mickabenda @judaicine

Judaicine-Lebanon

Vous reprendrez bien un peu de culture israélienne? Son exportation dans le monde et particulièrement en France n’a jamais été aussi importante. Décryptage d’un succès. Par Paula Haddad

C’est devenu une habitude. Pas une compétition de cinéma au monde, sans qu’un film israélien ne soit  en sélection ou primé.

En 2009, Valse avec Bachir d’Ari Folman remporte deux prix dont le Golden Globe Award. La même année, Lebanon de Samuel Maoz obtient le Lion d’Or à la Mostra de Venise et lors du dernier Festival de Cannes, Footnote de Joseph Cedar a reçu le Prix du meilleur scénario.

Le cinéma a été le fer de lance israélienne de la culture israélienne sur la scène mondiale. On le dit contestataire et critique envers la politique de son pays. Pourtant, à bien y regarder, il se montre désormais plus universel.

Xavier Nataf a créé avec le Fonds Social Juif Unifié des festivals de films israéliens partout en France. Il dirige également la plate-forme judaiciné.fr.

«La bascule s’est faite dans les années 2000 avec un cinéma qui s’intéresse à un destin. Une femme dans les années 70 avec son mari (Prendre Femme), un groupe d’amis à Tel Aviv (The Bubble), la difficulté de communiquer dans une famille orthodoxe (My father, My lord). Évidemment, en filigrane, on a une société israélienne qui se dessine. Même dans Lebanon, on suit le parcours individuel de personnages bloqués dans un char, qui ne voient rien de la guerre. Cela se passe au Liban, mais ça pourrait être dans n’importe quel conflit. Tout le monde peut s’identifier, d’où ce succès mondial».

La musique a, elle aussi, fait émerger des artistes. Peut-on parler d’exportation israéliens ure israélienne ou d’artistes israéliens?

Yaël Naïm, NOA, les musiciens Avishai Cohen et Yaron Herman ou le groupe Voca People. Tous sont connus au-delà des frontières de leur pays. Certains sont engagés publiquement, d’autres davantage dans le divertissement pur. Une approche nécessaire pour obtenir une reconnaissance internationale selon Nathalie Blau, rédactrice en chef du Jerusalem Post, édition française.

«La question n’est pas spécifique à Israël et à sa langue. La musique est devenue un tel phénomène marketing que lorsque les maisons de disques s’engagent à exporter un un artiste, c’est qu’elles sont sûres d’ouvertures au niveau du marché».

On peut toutefois« voir une spécificité israélienne de ceux qui s’exportent. «Je ne crois pas qu’on puisse détacher leur identité de leur travail. . Un artiste d’un pays arrive avec ce qu’il est fondamentalement» note Xavier Nataf.

L’art pour l’art
La culture israélienne est omniprésente. Et ces dernières années, les arts prennent une place à part tant en Israël qu’à l’extérieur du pays. On peut citer la photographe Tali Amitai Tabib, exposée régulièrement dans une grande galerie à Paris.

Ce printemps, le Louvre a murs té pour la première fois une artiste contemporaine israélienne dans ses murs! Michal Rovner, marquée par les conflits du Moyen-Orient, présentait son œuvre multimédia, sur les thèmes de l’archéologie, de la mémoire et du territoire.

En juin dernier, des Israéliens étaient conviés aux Designer’s days, un événement parisien. Or, la demande vient d’institutions françaises explique Zvi Nevo-Kulman, conseiller culturel à l’Ambassade d’Israël en France. «En février 2010, le président de Designer’s days est allé de son initiative en Israël pour l’inauguration du Design Museum Holon créé par Ron Arad.

Il est revenu enchanté et nous a demandé d’organiser quelque chose pour présenter cette image méconnue en France.

C’est le même israéliennes collaboration avec le Festival Montpellier Danse qui cette année a accueilli huit compagnies israéliennes! Son directeur général, Jean-Paul Montanari, connaît bien la danse contemporaine en Israël. Chaque fois qu’il se déplace là-bas, il repère de nouveaux talents et c’est lui qui fait la programmation, avec le soutien de l’Ambassade et du Ministère israélien des Affaires étrangères. C’est un bon système. Bien sûr, je peux transmettre des kits de presse, mais mon travail, c’est surtout d’envoyer les professionnels en Israël pour qu’ils découvrent eux- mêmes les artistes ».

Comment alors comprendre le paradoxe entre l’image d’Israël négative dans les médias et sa place dans la vie culturelle? Y a-t-il derrière cette effervescence une volonté de se dédouaner de la part de programmateurs peu enclins à soutenir la politique israélienne?

«Je crois qu’ils font un travail honnête et savent pour la plupart s’affranchir de leurs idées. Ce qui les intéresse, c’est la qualité d’une œuvre» remarque Xavier Nataf.

Même sentiment chez le conseiller culturel en France. «Ils savent faire la différence entre la politique et les critères artistiques. Prenez Footnote, récompensé à Cannes. C’est une histoire de famille entre un père et son fils qui n’a rien d’engagé. On est vraiment dans l’art pour l’art».
Une société israélienne mieux perçue

Certes, le boycott systématique d’Israël existe encore. En avril dernier, la campagne BDS France («Boycott, Désin- vestissement, Sanctions») demandait à Isabelle Huppert et Mathieu Amalric de ne pas se rendre au Festival du film français de Tel Aviv. En juin 2010, la chaîne de cinémas français Utopia a retiré de sa programmation la comédie romantique À cinq heures de Paris de Leon Prudovsky, au moment de l’affaire de la flottille de Gaza. Mais la mobilisation générale ne s’est pas fait attendre.«Un éditorial du Monde a dit «Ne boycottons pas la culture israélienne!», Le Figaro a écrit plusieurs articles et le Ministre de la Culture Frédéric Mitterrand a adressé une lettre aux responsables d‘Utopia pour manifester sa désapprobation» se souvient le conseiller culturel.

Nathalie Blau parle de tournant quand Ariel Sharon a dû quitter la scène politique. «Le regard des Français sur Israël a changé depuis 2005. C’est de plus en plus positif. Sharon incarnait un Israël diabolisé».

Autre date clé, l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République. «Depuis, les échanges avec Israël n’ont jamais été aussi nombreux» souligne Xavier Nataf. Avec la présentation d’une culture israélienne dans sa diversité, chacun participe à une meilleure compréhension de ce qu’est Israël.

Deux publics dialoguent ou du moins se côtoient dans un même festival. C’est le cas de la plupart de ceux organisés par Xavier Nataf où l’on trouve autant de Juifs que de non juifs.

Même mixité lors des Designer’s days. «Durant le concert organisé au Comptoir général (NDLR, café parisien), on a vu affluer des dizaines de personnes qui ne sont pas de la communauté juive et qui ne se soucient pas d’Israël» note Zvi Nevo Kulman.

Si la créativité des Israéliens séduit partout, leur cinéma pourrait-il se banaliser à force d’être encensé? «C’est une vraie question depuis un an. Il ne faudrait pas écrire des scénarios pour plaire aux festivals. En même temps, on assiste à l’émergence d’autres formes de création, le film d’animation et les webséries» conclut Xavier Nataf.

De quoi se renouveler. Pourvu que ça dure!
Paula Haddad pour le journal Hayom


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