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Quarin & Dupont

Par Mauss

Deux sommes de travail sont parues ces dernières semaines sur les vins de  Bordeaux.

Le pavé de Dupont (Le Point), vainqueur au poids et à la campagne publicitaire de son patron Giesbert, et l'ouvrage plus fouillé et plus personnel de Monsieur Quarin.

Ce sont là des auteurs n'ayant pas pour objectif de se faire aimer par les multitudes, chacun prenant soin de bien marquer son territoire, et s'évertuant avec beaucoup de tenacité à être considéré comme étant ailleurs.

Attitude assez paradoxale dans le monde du vin où le mot "convivialité" est pourtant fondamental. Bon, passons.

On sait ici que j'en veux à Dupont d'avoir totalement manqué à son éthique de journaliste qu'il porte pourtant à un niveau où il se croit seul, tant il est inadmissible qu'il ne m'ait même pas téléphoné pour recueillir en direct les informations qui lui eussent éviter de nous traiter de tricheur lors de la dégustation "Lascombes" du GJE à l'aveugle. De la part d'un quidam, je m'en serai balancé. De la part de ce journaliste, non. Passons. Fermons.

Il n'empêche que dans son pavé, il évoque le principe qui nous tient à coeur de la dégustation à l'aveugle en disant des choses particulièrement sensées. C'est noble, juste, et cela devait être souligné.

L'ouvrage est loin des gossips habituels du bordelais, l'auteur ayant à coeur de mettre en évidence des propriétés où les vignerons sont proches de ses vues sociales et on doit tirer notre chapeau au moins devant ce travail colossal de saisies de notes, quand bien même de nos jours l'ordinateur est là un puissant outil inconnu de nos vieux exemples.

Le hic est qu'il ne faut surtout pas oublier que le vin est un produit par définition vivant et donc, comme nous le répétons régulièrement ici, les notes de dégustation sont fondamentalement dépendantes de lieux, de temps, d'humeur, de circonstances (à table, en dégustation, à la propriété). En d'autres termes, ce livre est avant tout un livre d'histoire d'un amateur détaillant, avec un vocabulaire riche, des plaisirs, des émotions, des déceptions… mais loin, bien loin, d'un Guide comme le Bettane-Desseauve qui peut servir efficacement à la constitution d'une cave.

C'est ce qui fait un peu la différence entre le Dupont et le Quarin. Si effectivement le Quarin est aussi un livre d'histoire où il relate ses vues, ses dégustations sur ± deux décennies, il  a pour chaque château présenté une courte note qui décrit le style de la propriété, aimé ou pas, mais toujours argumenté en fonction des principes détaillés dans les 59 premières pages du livre. On a naturellement le droit de ne pas être d'accord avec Quarin, un auteur qui a le défaut de s'estimer à sa juste valeur. On n'écrit jamais que pour soi : on écrit toujours pour être lu, favorablement si possible, par autrui. Là, en sus, il s'agit d'être lu par beaucoup de lecteurs car ce sont eux qui vous font vivre… sans oublier qu'il vaut mieux garder de bonnes relations avec les costumes 3 pièces qui possèdent Bordeaux. C'est autre chose sur les forums et blogs où il n'y a pas de rentabilité financière à envisager. Bon, c'est un autre sujet.

Revenons à Quarin avec quelques exemples. Ce qu'il dit de Duboscq à Haut-Marbuzet, ce qu'il écrit de Haut-Condissas, correspond à une réalité dont nous partageons l'analyse. 

Ce qu'il écrit sur Pavie appelle d'urgence une dégustation à l'aveugle avec quelques crus notés autrement, histoire de séparer le bon grain de l'ivraie d'un commentaire où il n'y a pas qu'un neutre point de vue sur le contenu. Ce qu'il dit de Cos d'Estournel pourrait probablement être dit de bien d'autres propriétés dont les souplesses "primeurs" sont en droite ligne d'harmonie avec une politique marketing si nécessaire aux belles notes parkériennes qui font toujours la pluie et le beau temps à Bordeaux.

Moins lourd, au format plus souple, le Quarin a quatre intérêts : 

- comprendre les bases sur lesquelles s'appuie cet auteur pour parler du vin. La bouche avant le nez.

- lire un point de vue singulier sur les propriétés recensées

- pouvoir consulter des notes de dégustation de millésimes anciens avec le bémol (qu'il n'y a pas chez Dupont) d'avoir une idée précise de la date de dégustation du millésime référencé.

- découvrir des noms pas nécessairement cités ailleurs : qui connaît Château Dubois-Grimon ? (page 292).

Le classement final de 329 châteaux suscitera naturellement des critiques, tant certains vins comme Reignac et Rollan de By (pour ne prendre que deux crus que le GJE pratique régulièrement) méritent d'y être, et à très haut niveau. Au moins, les liquoreux ne sont pas oubliés : merci pour eux.


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