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Tangentopoli n'aurait jamais eu lieu...

Publié le 11 mars 2011 par Jean-Marie Le Ray

Version italienne...
La catastrophe Berlusconi n'en finit pas de faire des dégâts ! Je crois qu'à la fin de sa carrière, même en espérant qu'elle arrive le plus vite possible, ce triste sire aura fait plus de mal à l'Italie que Mussolini himself ! Difficile d'imaginer pire...
Depuis toujours, les deux obsessions de Berlusconi sont la justice et la Constitution italienne. La justice parce qu'elle est un risque constant qui menace - justement - de sanctionner ses innombrables méfaits. Et la Constitution car son système subtil d'équilibres et de contre-pouvoirs l'empêche de gouverner l'Italie à sa guise, c'est-à-dire dans l'impunité la plus totale pour lui et pour tous les clans de maléfiques qui lui tournent autour.
Berlusconi a donc présenté aujourd'hui sa grande, grande, grande "réforme" de la justice, qu'il n'hésite pas à définir "épocale" et n'a pour but que d'entériner la fin de la démocratie en Italie, arrivant en droite ligne du "plan de renaissance démocratique" de Licio Gelli, et copiant mot pour mot nombre de mesures destinées à casser les relations police-parquet et à placer les magistrats et la "justice" à la botte du pouvoir exécutif.
Dans un article intitulé "Les relations police-parquet en Italie : un équilibre menacé ?", Massimo Vogliotti rappelait dès 2004 « le processus qui a amené le ministère public italien à la conquête progressive de son indépendance et au renforcement de son rôle. Cette évolution a pesé sur ses rapports avec la police judiciaire, organe tenu à une double loyauté : à l’égard du Gouvernement et de la magistrature. Si pendant le régime fasciste ce système était très déséquilibré du côté du pouvoir politique, la Constitution républicaine et le nouveau code de procédure pénale ont accru le pouvoir du parquet dans la direction effective de la police. Actuellement, ce cadre institutionnel – suffisamment équilibré – est menacé par des projets de réforme qui affaiblissent l’indépendance du ministère public et contestent – au profit de la police – son rôle actif durant l’enquête. »
Donc cette soi-disant "réforme épocale" berlusconienne réintroduit le fort déséquilibre au profit du pouvoir politique propre au fascisme, et ce n'est qu'un début. Dans l'affaire bunga-bunga, par exemple, où Berlusconi est intervenu directement auprès de la préfecture et des services de police pour faire relâcher la mineure, si la réforme avait été en place, personne n'aurait jamais rien su de cette histoire...
Lors de la présentation de la "réforme épocale" au côté de son "ministre de la justice", Angelino Alfano (le même qui embrassait un chef mafieux en 1996 au mariage de sa fille, sans savoir de qui il s'agissait, c'est clair, un peu dans la lignée des Dell'Utri et des Schifani...), un journaliste lui pose la question suivante : « comment imaginez-vous l'histoire de la république si cette réforme avait déjà été approuvée il y a 20 ans. »

Réponse de Berlusconi :
Il n'y aurait eu aucun débordement de la magistrature, les juges n'auraient pas envahi l'espace politique, nous n'aurions pas vécu les situations qui ont induit des changements de gouvernements, ni l'annulation des classes dirigeantes des années 92-93, ni le renversement d'un gouvernement élu en 1994 (le sien), etc.
En clair, Tangentopoli n'aurait jamais eu lieu...
Cette seule image donne une idée précise de ce que Berlusconi a réussi à faire - ou, pour mieux dire, à défaire - en 20 ans : en 92, Tangentopoli fut saluée par tout le peuple italien honnête comme un "tournant épocal", justement, un changement d'époque pour raser la corruption politico-mafieuse et entrepreneuriale généralisée qui gangrénait l'ensemble du corps social et repartir sur de nouvelles bases, et tout le peuple italien honnête était extrêmement reconnaissant au pool de magistrats du parquet de Milan, formé par le procureur général Francesco Saverio Borrelli et les juges Gerardo D'Ambrosio, Piercamillo Davigo, Francesco Greco, Gherardo Colombo, Ilda Boccassini et Antonio Di Pietro, le plus médiatisé à l'époque :
Tangentopoli n'aurait jamais eu lieu...
Grazie : le peuple des gens honnêtes remerciait donc les magistrats, sans savoir qu'au même moment les nouvelles classes politiques pactisaient sur son dos avec les chefs historiques de la mafia, qui avait déjà décidé de miser sur un nouveau cheval cavalier...
Et voilà qu'aujourd'hui, moins de 20 ans plus tard, alors que la mafia progresse de partout, Berlusconi avoue tout heureux au peuple italien qu'avec sa réforme, Tangentopoli n'aurait jamais eu lieu, et que, désormais, le ministère public devra se présenter devant le juge en saluant d'une courbette (pour rendre l'expression utilisée par Berlusconi : "col cappello in mano", qui signifie "servilement") !
Laissons tomber toutes les autres bestialités prononcées par ce mensonge vivant (je jure sur mes enfants que jamais, jamais, jamais ma qualité d'homme politique n'a influé sur mes procès, desquels j'ai toujours été absous, etc. etc.), pour souligner l'effronterie sans vergogne de cet énergumène qui tient l'Italie sous le joug de la corruption institutionnalisée, au point de faire sortir de son habituelle réserve Gian Carlo Caselli, actuel Procureur général de la République, chef du Parquet de la Cour d'appel de Turin, généralement plutôt mesuré dans ses paroles, qui déclare dans un éditorial intitulé "La démocratie est en jeu, aux hommes libres de la défendre", que, selon lui, confier la réforme de la justice à un tel personnage - maintes fois prévenu, qui méprise tout principe de légalité en prétendant que la loi doive être la même pour tous les mortels sauf pour Lui, un personnage qui hait les juges et passe son temps à les insulter -, c'est comme confier la réforme du catéchisme à un bouffe-curé athée et blasphème !
Certes, la réforme propose que le double conseil supérieur de la magistrature soit sous le contrôle direct du Président de la République, une garantie donc, mais au même moment Berlusconi annonce qu'il vise désormais la ... Présidence de la République en 2013 ! Donc imaginez quelle espèce de garantie peut donner un homme actuellement accusé - entre beaucoup d'autres choses mais avec un dossier épais comme une encyclopédie de l'injustice en 50 volumes -, de favoriser la prostitution des mineures.
Il est vrai qu'il va même jusqu'à nier que Ruby était mineure, en annonçant des preuves de son assertion ! Il y a tout juste huit jours, le 3 mars, le journal de famille (l'éditeur est son frère) titre en une : « Berlusconi optimiste, Ruby était majeure ». Et en page 5 : « Berlusconi joue son atout, Ruby était majeure ».
Tangentopoli n'aurait jamais eu lieu...D'ailleurs, le même jour, l'info était reprise sur le Corriere della Sera, en page 9 : « J'ai les preuves, Ruby n'était pas mineure », avec en sous-titre : « Berlusconi déclare aux députés : Ruby a été enregistrée à l'état-civil deux ans après sa naissance, je serais totalement absous », selon les résultats d' « une enquête défensive menée jusqu'au Maroc », dans « la ville d'origine de la jeune fille », Fki Ben Salah...
Or hier, le Fatto quotidiano annonce en exclusivité un scoop surprenant, selon lequel une des responsables du service de l'état-civil dénonce avoir subi le mois dernier une tentative de corruption de la part de deux italiens pour anticiper de 2 ans la date de naissance de Karima El Mahroug, surnommée Ruby, qui aurait dû devenir le 1er novembre 1990 au lieu du 1er novembre 1992...
Tangentopoli n'aurait jamais eu lieu...Voir en P.S. la vidéo, sous-titrée en italien.
Les avocats de Berlusconi ont immédiatement porté plainte en niant toute implication de Berlusconi dans cette "falsification", il n'en reste pas moins qu'il faudrait quand même trouver une explication rationnelle et plausible aux affirmations du journal de famille huit jours auparavant...
D'ailleurs il se pourrait bien que l'affaire devienne un cas diplomatique entre l'Italie et le Maroc, maintenant qu'une honnête fonctionnaire de l'état-civil marocain risque d'en voir de toutes les couleurs à cause de cette triste histoire.
Donc penser une seule seconde que Berlusconi Silvio, dénommé Ubunga-bunga, actuel hors-la-loi institutionnel et accessoirement président du conseil des ministres italien, qui n'est d'ores et déjà plus présentable ni défendable hors d'Italie (en Italie non plus, mais malheureusement il est encore soutenu par un parlement de vendus et ce n'est pas l'opinion publique ni l'opposition lobotomisées qui risquent de trop le contrarier), puisse devenir demain Président de la République italienne, c'est pour le coup que je me casse définitivement d'Italie.
Il est vrai que si la majorité des italiens est encore assez conne pour le voter contre ses propres intérêts (l'expression n'est pas de moi, je ne fais que paraphraser Berlusconi lui-même en campagne électorale...), le pays n'aura que la classe politique qu'il se mérite, on le voit bien aujourd'hui. Mais ça c'est une autre histoire...
Jean-Marie Le Ray
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