Magazine Cinéma
Théâtre du Gymnase
38, boulevard Bonne Nouvelle
75010 Paris
Tel : 01 42 46 79 79
Métro : Bonne Nouvelle
Ecrit par Gérald Sibleyras
Mis en scène par Isabelle Malin
Le thème : Sophie Mounicot est consensuelle… Ecologiste, progressiste, humaniste, généreuse, elle aime tout le monde avec une sincérité bouleversante. Le temps est enfin venu où elle va pouvoir déballer sur scène son trop-plein d’amour dans un grand spectacle œcuménique et fraternel. Son amour du prochain n’épargnera personne.
Mon avis : Trois ans après son précédent one woman show, C’est mon tour, Sophie Mounicot est de retour au théâtre du Gymnase avec un nouveau spectacle dont le titre annonce le propos sans détour : Consensuelle !...
C’est décidé, totalement assumé, elle se range du côté du plus grand nombre et se prend à vouloir aimer tout le monde. Ou presque. Car c’est plus délicat lorsqu’il s’agit des Nazis… Adepte de la pensée unique, elle chausse ses œillères et ne regarde que dans une seule direction, là où il n’y a pas de remous, de polémique, d’affrontement. Sophie (« sagesse » en grec) se fond avec détermination dans la majorité silencieuse. Son horizon, sa ligne bleue des Vosges, c’est quasiment le doux pays de Oui-Oui. La personnalité préférée des Français, c’est Yannick Noah ? Alors elle est yannickophile convaincue. Elle ne se pose pas de questions. L’écologie est à la mode ? Soit, elle sera une Ecolo Pratiquante Intégriste. Pas de problème, elle va dans le sens du vent…
Mais – car il y a un gros mais – derrière cette acceptation de façade, se cache en réalité une sacrée dose d’hypocrisie et de mauvaise foi. Sinon, il n’y aurait pas de spectacle. Et c’est presque en se tapant sur les doigts qu’elle susurre quelques vacheries, assène un certain nombre de vérités, distille force pointes assassines. Certes le ton est à la limite du fielleux. Elle dit les choses en faisant mine de ne pas les dire, se pose et nous pose des questions existentielles sur un ton quasiment jésuitique. Mounicot excelle dans ce double langage pernicieux. C’est un peu son fonds de commerce. Elle adore jouer avec la duplicité. Elle est une anti-héroïne professionnelle, une loseuse chronique. Elle dissimule son amertume d’une prétendue vie plate et monotone derrière un pseudo détachement qui ne trompe personne.
Dans « Consensuelle », il y a aussi « sensuelle ». Pourtant, elle s’ingénie à gommer tout excès de féminité. Elle se complaît à camper un personnage à la hussarde. Sauf quand elle danse, moment de grâce dans lequel elle est la séduction incarnée. C’est tout Mounicot, ça. En permanence dans la dualité. Ce n’est pas parce qu’on joue les faux-culs qu’on ne sait pas tortiller du popotin. C’est même loin d’être incompatible.
Vous l’aurez compris, ce nouveau one woman show de Sophie Mounicot n’a de consensuel que son titre. Pour elle, il doit être plus difficile à jouer que le précédent où le propos était plus direct, plus premier degré. Ici, elle nous la fait sournoise. Sans compter que, dans cette cuisine particulière, elle ne dédaigne pas utiliser des ingrédients comme l’absurde, la cruauté et l’humour noir. Elle se régale à passer du coq à l’âne (Johnny et Laeicia ?), des primaires (quelques vannes politiques) aux primates (les bonobos). Elle se livre même à plusieurs cascades hyper périlleuses, ou pour se servir un verre d’eau ou pour escalader un tabouret haut perché. Et son chapitre sur l’art et la culture est un pur moment de comédie… Sophie Mounicot est un personnage. Elle ne ressemble à aucune autre femme humoriste, et dans son registre et dans sa façon brute de décoffrage de se mouvoir sur scène. Elle ne compose pas, elle est elle-même, allant jusqu’à s’amuser de ses trous de mémoire passagers ou quand sa langue se met à savonner.