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La crise : ce que personne ne dit (suite N°5/6)

Publié le 10 novembre 2011 par Dubruel

par Louis Dalmas (son site) mercredi 2 novembre 2011

lu sur le site Agora vox


Nous en arrivons aux deux derniers points qui sont essentiels.

Le premier me laisse à la fois stupéfait et indigné. Voilà une opposition faite de socialistes qui se disent bâtisseurs d’une société nouvelle et de verts qui veulent sauver l’environnement. Or pas un parti, pas un leader, pas un programme, pas un interviewé ne parle de ce qui est la destruction même de tout ce qu’ils prétendent défendre, la ruine de leurs idéaux, le contraire de leurs buts les plus chers. Pas un mot sur le fléau qui décime les peuples et saccage la nature, le fléau qui devrait les émouvoir au cœur même de leurs convictions, qui devrait attiser leur colère. Ce silence ahurissant mesure la débâcle de cette opposition. Elle ne trouve rien à redire à ce qui devrait l’enflammer avant tout autre objectif : je veux parler de la guerre.

Non seulement cette opposition ne s’oppose pas aux guerres de l’OTAN, aux conquêtes impériales, au néocolonialisme pétrolier et aux ravages des bombardements, mais beaucoup de ses membres les ont soutenus. Ils ont applaudi la honteuse agression de la Yougoslavie, le ravage de l’Irak et de l’Afghanistan. Ils se sont vautrés dans les éloges à Sarkozy pour sa criminelle aventure en Libye.

Ce faisant, ils ne font pas que trahir leurs propres raisons d’être. Fouler aux pieds l’essence même de l’écologie. Ils passent à côté d’une des sources les plus criantes de l’endettement international. Leur appui, ou leur ignorance, de la guerre est non seulement un forfait moral ; c’est une faute politique et économique majeure, qui prouve à la fois leur incompétence et leur lâcheté.

Car la guerre coûte cher. Très cher. Elle engloutit les forces et les budgets. Voici quelques chiffres que je dois à mon confrère Jean-Loup Izambert et que nous avons publiés dans le dernier numéro de notre journal B. I. Pour ne parler que de la Libye, le “Groupe de contact” qui comprenait tous les Etats participant à la campagne criminelle de l'OTAN a fait état en mai 2011 de la création d'un “fonds spécial” pour aider financièrement les putschistes. Dès le début, les sommes virées aux “rebelles” par les Occidentaux et plusieurs pays arabes sont importantes. Et en juillet 2011, le financement des putschistes s’est encore renforcé. Qatar, près de 500 millions d’euros, Italie 400 millions, France 205 millions, Koweit 180 millions, Turquie 70 millions, etc. Ces sommes s’ajoutent à celles déjà versées. Début août 2011, l’aide financière peut être globalement estimée à plusieurs milliards d’euros. Selon François Heisbourg, conseiller spécial de la Fondation pour la recherche stratégique, le coût de l’intervention militaire française peut être estimé à au moins 1,4 million d’euros par jour. Récemment, des annonces officielles ont confirmé que le coût des opérations s’élevait à un minimum de 300 millions d’euros, non compris les livraisons d’armes aux putschistes, non compris le soutien financier direct décidé par l’Elysée, non compris l’engagement de troupes au sol au travers de conseillers militaires et de commandos opérant en civil ou en tenue camouflée. Et tout le monde sait que les annonces officielles sont souvent très en deça de la réalité.

Et il n’y a pas que la Libye.

En 2009, le coût des opérations militaires extérieures – OPEX– se montait déjà pour la France à 870 millions d’euros. Une somme à peu près équivalente – 867 millions d’euros – a été engagée l’année suivante pour les mêmes OPEX, dont 387 millions d’euros pour l’Afghanistan. Pour 2011 le budget prévoyait une enveloppe de 630 millions d’euros pour les OPEX. Mais à elle seule l’occupation de l’Afghanistan mobilise plus de 470 millions auxquels il faut ajouter les interventions en Côte d’Ivoire et en Libye. Les sommes engagées par la France pour la guerre sont croissantes. De 2003 à 2011, en huit années, les dotations de la loi de finance initiale (LFI) au titre des OPEX sont passées de 24 à 630 millions d’euros tandis que leurs surcoûts, en raison de l’importance de l’engagement dans des opérations militaires extérieures, explosaient de 630 millions à vraisemblablement plus d’un milliard d’euros pour l’année 2011. 

Voilà des ressources dilapidées qui contribueraient à la solution de la crise. Au lieu d’anémier les services publics, la santé, l’enseignement ou la recherche, par une politique de réductions de dépenses à courte vue, ou de carrément saigner le peuple comme en Grèce, les Etats concernés n’ont qu’à mettre un terme à leurs engagements militaires : ils retrouveront beaucoup d’argent gaspillé à semer la misère et la mort. 

Enfin, dernière solution aux problèmes actuels : le traitement de la dette. John Adams disait déjà au XIXe siècle : “Il y a deux manières de conquérir et asservir une nation. L’une est par l’épée, l’autre est par la dette”. A l’aune de cette observation, la France est en voie d’être vassalisée. Sarkozy a longtemps été le caniche de Bush en préférant le Pentagone américain à l’hexagone français, aujourd’hui il est celui de Merkel avant de couiner à la porte des Chinois. Nous sommes réduits à l’état de colonie par le poids de ce que nous avons à rembourser. D’après Le Figaro des 1 et 2 octobre, la dette française atteint à la fin du deuxième trimestre de cette année 1.692,7 milliards d’euros, soit 46,4 milliards de plus qu’au trimestre précédent. Et entre 1980 et 2008, les Français ont travaillé pour payer 1.306 milliards d’intérêts créés par les banques à partir de rien. Là encore, on est stupéfait de ne pas voir l’opposition dénoncer ce formidable enrichissement artificiel des banques à nos dépens qui aboutit à la dissolution de notre indépendance, et proposer les réactions draconiennes qui s’imposent.

On peut observer en passant que le principe de l’intérêt perçu sur un emprunt est condamné par les grandes religions sous le nom d’usure. Il est interdit par la Bible dans le Deutéronome, l’Exode, le Lévitique et le Livre d’Ezéchiel. Il est interdit par le Coran dans les versets de plusieurs sourates. Il est interdit par le Talmud (quoique parfois autorisé pour les non-juifs). Mais vous savez tous que la cupidité se fout de la morale, il est donc inutile d’insister.

Cela dit, puisque toute la géopolitique impériale se drape dans la moralité de la lutte du bien contre le mal, on peut tout de même souligner l’immoralité profonde de ces intérêts. D’autant plus qu’ils sont fixés de façon arbitraire, et avec des différences colossales, selon les indications des agences de notation, qui déclenchent une spirale mortelle : un pays qui a des difficultés à rembourser devra payer des intérêts accrus, ce qui augmente encore ses difficultés, et ainsi de suite.

Tout cela est évidemment inacceptable. Le célèbre poète allemand Friedrich Schiller écrivait en 1785 : “Que les dettes soient abolies et le monde entier réconcilié !” Par une superbe ironie du sort, ce vœu figure dans un des couplets de l’“Ode à la joie” de Beethoven, devenue l’hymne de l’Union européenne. Comme si les deux génies de la littérature et de la musique indiquaient la voie à suivre au cœur même d’un des édifices que la crise fait chanceler.

Une voie qui, comme dans le cas de l’impôt sur les grandes fortunes, a des précédents.

A SUIVRE...


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