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Noel Gallagher @ Casino de Paris

Publié le 07 décembre 2011 par Betcmusic @betcmusic

Noel Gallagher @ Casino de Paris

Retour sur le concert de Noel Gallagher au Casino de Paris, par Clément Scherrer.

Un jour on est jeune, fringant, plein d’hormones, et on écoute en boucle les disques de son groupe de rock préféré pour pouvoir rejouer les morceaux à la guitare et évidemment changer le monde dans la foulée.
Et puis un autre jour – généralement une quinzaine d’années plus tard – on est moins jeune, on a annulé ses projets de devenir rock-star et on sort du boulot à 20 heures un mardi, avec son ordinateur en bandoulière, pour aller voir en concert le leader dudit groupe, en solo, et qui, à défaut d’avoir changé le monde, a tout de même bien chamboulé le vôtre.

Noel Gallagher se produisait ce mardi au Casino de Paris.

Le voici en tête d’affiche de sa première tournée en solitaire, après avoir envoyé valser Liam et les 3 gentils portefaix qui usurpaient le nom d’Oasis depuis le départ de Bonehead et Guigsy. Paris a toujours eu un contentieux avec les concerts du gang mancunien depuis 2 Bercy consécutifs annulés au faîte de leur gloire. Et puis aussi depuis que l’ultime mouture du groupe s’est officiellement séparée à Saint-Cloud en 2009… Là même où j’ai grandi en les écoutant en boucle. Parfois la vie vous crache à la tronche avec goguenardise. Enfin bref, les billets pour ce Casino de Paris 2011 se sont arrachés.

La population est étonnamment jeune : beaucoup n’avaient manifestement pas conscience de ce qu’était une Gibson le jour où sortit « (What’s The Story) Morning Glory ». Cela prouve que Noel et Oasis ont réussi de continuer à séduire ces dernières années, malgré une musique drastiquement à côté de l’air du temps et malgré aussi une poignée d’albums plus que moyens. Passée la première partie, la foule poireaute avec une bande son apparemment établie par Noel lui-même (Ticket to Ride, notoirement sa préférée des Beatles, un extrait du dernier Arcade Fire, qu’il a déclaré récemment apprécier, …). Puis la sono balance un remix fadasse d’un de ses nouveaux titres, la lumière baisse, la foule glapit de bonheur. Ca fait bizarre une foule enthousiaste : je n’avais pas vu ça depuis longtemps à force d’enchaîner les concerts de hipsters.

Noel débarque et enquille d’office avec « It’s Good To Be Free », une face B d’Oasis grande époque. Tout le monde est content : on l’aime bien son dernier album, mais on l’aurait eu mauvaise qu’il ne joue que ça. Au moins le message est clair. Passée cette entrée en matière, le patron enchaîne les extraits de son effort solo : « Everybody’s on the Run », « Dream On », « If I Had A Gun »,… C’est plus couillu que sur disque et ça passe très bien. Le groupe qui l’accompagne n’a pas vraiment de charme, mais fait super bien le boulot sans commettre de faute de goût. Ils laissent toute la lumière au maître des lieux. On reconnaît Mike Rowe au clavier, vieux compagnon de route qui accompagnait déjà Oasis sur la tournée « Be Here Now ». Et celui qui tire son épingle du jeu, c’est le batteur : barbu, chapeau melon à la Bonham et frappe de bûcheron sous stéroïde… À la Bonham aussi. Dieu sait que les rythmiques de l’aîné des Gallagher ne sont pas précisément des œuvres de dentelles, il en faut donc de la puissance et de la justesse pour parvenir à donner envie de taper du pied sur certains morceaux. Et il y arrive, le bougre.
Passé un « The Death of You and Me » plutôt épique, où l’on sent tout de même que les aigus du refrain sont un challenge, Noel prend la parole et annonce « Freaky Teeth », un titre qui fera la BO du prochain James Bond : un bon gros hymne de stade, qui tourne bien, avec, sur les couplets, des claviers qui reprennent de loin des notes du thème de 007. Définitivement chouette.
Le guitariste et le bassiste quittent alors la scène pour laisser Noel reprendre en version dépouillée « Wonderwall » et « Supersonic ». Avec le titre d’ouverture, ce seront les deux seuls morceaux d’Oasis enregistrés par Liam qu’il chantera. Alors il les tord, modifie les mélodies, les ralentit comme pour se les approprier. Du coup, on a un peu moins le frisson : quand on a peint la joconde, on ne lui rajoute pas une moustache.

Le reste du concert alternera entre les morceaux de son dernier album et des titres d’Oasis qui lui appartiennent indiscutablement. Les nouveautés sont tout de même formidablement écrites et bien meilleures que les trucs qui remplissaient les derniers Oasis. Elles sont gallagheriennes en diable. La foule est heureuse, chante, connaît tout par cœur. Ce doit être rempli d’anglais pour être aussi fervent. Entre chaque morceau, Noel change de guitare. Ca prend un peu de temps, alors il parle, il blague avec le public avec son accent incompréhensible, prend un ton bravache qui fait remonter des souvenirs de ses meilleures interviews des 90′s sous cocaïne. Par contraste, cela souligne combien le bonhomme semble enfin humble maintenant qu’il est tout seul à la tête de l’orchestre, un peu voûté sur son micro, s’accrochant à ses incroyables chansons pour ne pas avoir à se soucier d’avoir du charisme. Et boum ! Il balance un « Talk Tonight » survitaminé. Cette extraordinaire face B de « Some Might Say », initialement écrite lors d’une escapade à LA après un micro-split avec Liam, prend toute sa place dans la setlist du bonhomme en solo. « Half The World Away » achèvera de combler les fans de la première heure.

Noël quitte la scène dans les larsens d’un excellent « Stranded on the wrong beach » et revient pour un rappel sous les hourras. Quasiment tout l’album solo étant éclusé, le rappel ne sera que du nougat pour les fans de la première heure et commence par « Little by Little ». Sitôt terminé, chacun dans la salle semble y aller de sa suggestion. Noel rabat les caquets : s’il y en a un ici qui sait ce qu’il doit jouer c’est lui. Il enchaîne avec un « Importance of Being Idle » parfait, tellement bon qu’on le croirait millésimé 1997. Puis il esquisse un au revoir et achève d’assassiner la salle en sueur avec un « Don’t Look Back In Anger » en tout point fidèle à l’original, comme s’il voulait signifier à tous que cette chanson avait toujours été la sienne, peu importe le groupe qui la jouait derrière. Noel quitte la scène, les kids se massent devant les roadies en tendant les bras pour se faire jeter des reliques. On sort les oreilles embuées en remerciant le ciel.

Le maître a mûri, le rock incandescent est loin, mais définitivement ça ne sent pas encore le sapin pour le père Noel.


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