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De la crise à la guerre, de Laurent Artur du Plessis

Par Lecriducontribuable

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Laurent Artur du Plessis est bien connu de nos lecteurs. Il est le rédacteur en chef des Dossiers du Contribuable. Économiste, il est aussi un éminent expert en géopolitique, qui, bien avant la crise de 2007 et à rebours du discours émollient de nos sommités politiques, financières et médiatiques, avait anticipé nos déboires actuels et à venir.

Son nouvel essai, « De la crise à la guerre, La faillite des élites » (Éditions Jean-Cyrille Godefroy) est paru. Interview.

Cet ouvrage s’inscrit dans la perspective de vos précédents essais, qui relient économie et géopolitique…

Oui. Dans mon premier essai, «La Troisième Guerre mondiale a commencé» (Éditions Jean-Cyrille Godefroy), publié en septembre 2002, je soutenais que le krach de l’économie du Net de 2000-2001 avait inauguré une crise économique mondiale qui s’avèrerait pire que celle de 1929.

Je m’appuyais notamment sur les analyses d’un économiste allemand inconnu en France, Kurt Richebächer, décédé le 24 août 2007 à l’âge de 88 ans. J’en déduisais que, de même que la crise de 1929 engendra la Deuxième Guerre mondiale, de même celle-ci entraînerait la troisième.

Quel est le rôle de la monnaie dans cette crise ?

Il est crucial. Alan Greenspan, qui dirigea la banque centrale américaine (Federal Reserve Bank, Fed) de 1987 à 2006, abaissa ses taux directeurs à des niveaux très bas, injectant d’énormes quantités de monnaie dans l’économie et provoquant une orgie de crédit.

Résultat : la formation de bulles spéculatives de plus en plus gigantesques, voués chaque fois à l’éclatement. Jusqu’à la bulle de trop, dont la désintégration fossoierait l’économie réelle.

Après l’éclatement de la bulle Internet en 2000, se forma cette bulle de trop, celle de l’immobilier, qui éclata en 2007 : ce fut la crise des « subprimes ». La création de richesses basée sur le crédit trop bon marché et la dette, et non sur l’épargne et l’investissement, et les excès spéculatifs de Wall Street, ont abouti à la catastrophe.

Richebacher qualifiait cette économie américaine droguée au crédit de « bubble economy », « économie bulle d’air ». « L’École autrichienne » tient pour décisif le rôle de la monnaie et du crédit. Leur manipulation par les États fausse l’activité économique.

Les banques centrales maintiennent des taux d’intérêt artificiellement bas, fabriquent de la monnaie en quantité trop abondante et engendrent des booms artificiels, des bulles spéculatives.

Et du « malinvestissement » : l’argent s’égare dans des investissements inutiles, improductifs, ne correspondant pas à une demande véritable.

Le mouvement de vagues affectant le système économique, l’alternance répétée de périodes de boom et de dépression-récession, résultent des tentatives récurrentes de baisser les taux d’intérêts au moyen d’une expansion du crédit.

Un boom provoqué par celle-ci mène à un effondrement. Soit plus tôt, après un abandon volontaire de l’expansion du crédit, soit plus tard, avec une catastrophe finale et une dislocation totale du système monétaire impliqué.

Est-ce à dire que les États-Unis sont l’épicentre de la crise ?

Les pays européens, surendettés, sont actuellement au cœur de la crise. Mais celle-ci est partie des États-Unis, qui risquent de se retrouver à nouveau sur la sellette bientôt. Les Américains se sont de plus en plus endettés «gratuitement» auprès des autres nations grâce au dollar dont ils contrôlent les émissions pour payer leurs dettes internationales.

Ils ont créé des quantités phénoménales de monnaie, principalement de la monnaie fiduciaire détachée de toute référence à la monnaie physique. Cet endettement américain massif a soutenu une consommation effrénée, alimentée par des importations massives accompagnées d’une désindustrialisation accélérée. De gigantesques bulles financières ont été créées.

Surendettés, les États-Unis sont débiteurs vis-à-vis du reste du monde. Naguère locomotive de la croissance mondiale, leur consommation s’effondre. Leur faillite entraînera celle de leurs créditeurs – Europe, Japon, Chine.

Les pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) entreront-ils en récession ?

Les économies fortement exportatrices entreront en récession à cause de la rapide diminution de leurs débouchés occidentaux. Les premiers signes sont là. En Chine, l’indice des directeurs d’achat est passé de 50,4 en octobre à 49 en novembre. En dessous de 50, l’activité se contracte. C’est le cas de 10 secteurs industriels, dont la chimie, les équipements pour les télécommunications, et les ordinateurs.

Les exportations vers l’UE ont régressé de 31,61 milliards de dollars en septembre à 28,74 milliards en octobre, celles vers les USA, de 30,11 à 28,6 milliards. De 10,4% en 2010, le PIB est descendu à 9,7% (en projection annuelle) au 1er trimestre 2011, 9,5% au 2ème trimestre, 9,1% au 3ème trimestre.

Est-il possible d’enrayer la crise ?

Les déséquilibres structurels ont atteint de telles proportions que la crise poursuit implacablement son action correctrice sans que les instances politiques et financières aient prise sur elle.

Il y a 20 ou 30 ans, des politiques draconiennes d’austérité monétaire et budgétaire enrayant les processus de surendettement et de formation de bulles spéculatives auraient remis l’économie occidentale sur les bons rails.

Mais, par la suite, le point de non-retour a été dépassé. Brutalement sevrée de son overdose de crédit, l’économie occidentale ressemble à un drogué en manque qui agonise.

Aucun gouvernement, aucune banque centrale, ne peuvent enrayer la crise, qui ira jusqu’à son terme, purgeant le système économique de ses actifs pourris.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Leon.

« De la crise à la guerre, La faillite des élites », par Laurent Artur du Plessis, éditions Jean-Cyrille Godefroy, 166 pages, 16,50 €.

Laurent Artur du Plessis est né en Algérie en 1952. Ancien journaliste du Figaro Magazine devenu géopolitologue, il est, entre autres, l’auteur du classique «La Troisième Guerre mondiale a commencé». Françoise Giroud, peu de temps avant sa mort, en avait fait un commentaire flatteur dans Le Nouvel Observateur en disant : « Un titre qui sonne comme le glas… » Paru en octobre 2002, cet ouvrage prédisait la crise économique actuelle, à contrecourant du discours dominant de l’époque.


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