Magazine Beaux Arts

Max | Décérébration

Publié le 20 décembre 2011 par Aragon

Proverbes.jpgJuste un peu revenir sur "Noces éphémères" de Reza Serkanian dont j'ai parlé dans un post précédent. Le metteur en scène iranien laisse deux fois à notre réflexion, en tout premier et ultime plan, une vision des "Proverbes" de Brueghel l'Ancien. Brueghel est sans doute le peintre qui, par son oeuvre sibylline, encourage à laisser l'homme le plus libre possible. Ce dernier doit avoir ou non le choix de "s'accomplir". Il doit, seul, décider de sa vie. Contrairement à Bosch qui sentait que les carottes étaient cuites et que l'homme avait déjà un pied, sinon deux en enfer, Brueghel veut encore croire un peu en lui. En tout cas, c'est son credo, l'homme doit seul décider de son destin. Les systèmes décérébrateurs-ravageurs (politiques, religieux, matriarcaux) sont moqués, pointés, dégommés dans son oeuvre. L'homme doit seul et librement décider également de sa nature. Il doit même avoir la possibilité de chier sur le monde ainsi que le montre le proverbe en pleine fenêtre au premier plan de l'oeuvre du cher peintre. Brueghel est cher à mon coeur, je l'ai déjà dit, tout comme ses amis de cette fabuleuse époque flamande du XVI ème... Serkanian l'est tout autant car il est courageux, très courageux de nous offrir ce film comme Brueghel nous lègue ses tableaux.

La scène où le jeune Kazem est embarqué au poste de police avec la nana voilée-capotée intégrale qu'il avait simplement suivie dans la rue - regardée, zieutée quoi - par deux gardien(nes) de la religion, est aussi terrifiante que la morale impitoyable des mollahs zélés gardée par leurs implacables gardes-chiourmes, celle ou pour boire un petit coup il faut aller piquer de l'alcool médicinal, de même que la scène de la circoncision des deux petits moutards - ... Incroyable que l'on puisse encore mutiler de nos jours des milliards de petits mecs juifs et musulmans au nom de principes religieux despotiquement iniques, on dénonce l'excision, on devrait dénoncer la circoncision...- Oui, ces trois scènes pourraient parfaitement figurer dans un tableau de Brueghel l'ancien !

Réflexion sur une autre forme de décérébration dans notre temps actuel, toujours au cinéma, avec "Shame" de Mc Queen. Il, Brandon, a un très bon job. Il est addict au sexe sans âme mais ça c'est le fil rouge. Le problème c'est la capacité de vivre ou non. D'échapper à une vie solitaire terne et glauque dans un luxueux appartement glacial comme mille banquises, terne et glauque comme les extérieurs-nuits admirablement filmés. Capacité d'émotion, de parole retrouvée, d'échange, de sexualité normale. Se recérébrer tout simplement.

Comment ? Tout est décérébrateur, annihilateur : religion, pauvreté, illétrisme, traumas divers, argent, business. Comment réintégrer l'espace-vie fondamental ? Mon regard au vu de ces deux films était déchiré, comme le dit ce petit opuscule de ciné que j'ai encore près de mon clavier, par un constat terrible et par tant de beauté.

http://www.pieter-bruegel.com/proverbe/proverbe2.htm


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Aragon 1451 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog

Magazines