Tous les ans, la dernière semaine de janvier met aux aguets ceux qui comme moi suivent avec curiosité la saison des récompenses. L’Académie des Oscars, puis celle des César, ont toutes deux annoncé les nominations pour les cérémonies qui se tiendront à la fin du mois. Tous les ans, je guette cette liste de films, d’acteurs, de réalisateurs, de techniciens, destinés à être récompensés, opinant (voire me réjouissant) pour les nominations qui me semblent justes et me désolant d’en voir d’autres laissées sur le bas côté. L’année 2012 ne déroge pas à la règle, et que ce soit du côté des Oscars ou des César, satisfaction et regrets se mêlent allègrement. Et comme les satisfactions nous paraissent des évidences, on retient plus facilement les erreurs. Quoi qu’il en soit, voici les treize choses que je retiens de cette semaine de nominations (non, je ne suis pas superstitieux)…
Terrence Malick a ses fans (sauf chez les pros des effets spéciaux)Après la Palme d’Or glanée à Cannes, je m’attendais plus à voir The Tree of Life nommé au César du Meilleur Film Étranger qu’à l’Oscar du Meilleur Film. Pourtant, Terrence Malick est présent dans la compétition reine des Oscars, et se paie même le luxe d’être nommé dans la catégorie Meilleur Réalisateur. En revanche, les pros des effets spéciaux n’ont pas eu l’audace de distinguer le film, lui préférant des blockbusters plus classiques.
The Artist bénéficie d’autant d’amour des deux côtés de l’AtlantiqueDix. C’est le nombre de nominations que le film de Michel Hazanavicius récolte des deux côtés de l’Atlantique. Et contre toute attente, c’est peut-être aux Oscars que le film a le plus ses chances, favori qu’il est dans bon nombre de catégories, dont Meilleur Film, Meilleur Réalisateur et Meilleur Acteur. En France, tout est encore flou.
Jonah Hill sera pour les 50 prochaines années (et au-delà !) un « Academy Award nominee ». Dingue.J’adore Le stratège. S’il ne s’est pas trouvé dans mon Top 15 de mes films préférés de l’année, il s’en est fallu de peu. Mais des six nominations amplement méritées que le film de Bennett Miller a décroché aux Oscars, celle du Meilleur Acteur dans un seconde rôle décernée à Jonah Hill laisse assez perplexe, tant la qualité de l’acteur est plus d’avoir opté pour un contre emploi que pour avoir délivré une performance véritablement remarquable. On aurait préféré voir Albert Brooks pour Drive dans cette catégorie…
Les américains se sont trompés de Jessica ChastainNon, il n’y a pas plusieurs Jessica Chastain. L’actrice a suffisamment prouvé ces neuf derniers mois qu’elle est unique et remarquable à chacune de ses apparitions à l’écran. Mais que l’Académie, entre tous les rôles qu’a incarné Chastain, ait choisi de mettre en avant celui de La couleur des sentiments plutôt que celui de The Tree of Life ou Take Shelter déçoit. Un tout petit peu.
Intouchables ne souffre pas du syndrome des Ch’tisIl y a trois ans, Dany Boon et Pathé se désolaient de voir le raz-de-marée public Bienvenue chez les Ch’tis absent des nominations aux César, hormis pour une nomination au César du Meilleur Scénario (tiens tiens, ça me rappelle un film nommé cette année…). Cette année, Intouchables décroche lui neuf nominations, dont Meilleur Film, Meilleur Réalisateur et Meilleur Acteur (pour lequel sont nommés François Cluzet et Omar Sy). S’est-on souvenu de l’embrouille ? Bof, c’est tout simplement qu’Intouchables est un meilleur film que celui de Boon.
Tintin est un incomprisIl n’y a pas eu de meilleur film d’animation cette année que Les aventures de Tintin de Steven Spielberg. Il n’y a pas eu plus virevoltant et exaltant. Pourtant Tintin, s’il est nommé aux Oscars pour la musique de John Williams, est absent de la catégorie qu’il aurait dû écraser de sa grandeur. La motion-capture aurait-elle fait peur aux pros de l’animation ?
Le César du Meilleur Film étranger vaut plus que l’Oscar du Meilleur Film en langue étrangère (même si c’est sûrement le même film qui va les remporter !)Un jour, il faudra que l’Académie des Oscars se penche sérieusement sur la catégorie du Meilleur Film en langue étrangère, qui reflète rarement ce qui se fait de mieux hors des États-Unis. Les contraintes semblent trop grandes pour choisir le fameux film, quand les César sont plus ouverts et affichent une compétition autrement plus excitante. Même si le jour J, Une séparation pourrait bien se voir récompensé des deux côtés de l’Atlantique.
Les américains n’ont pas cédé aux sirènes d’Harry PotterCertains petits malins pariaient, ou espéraient, que le dernier volet de la saga Harry Potter parviendrait à se glisser dans les nommés à l’Oscar du Meilleur Film. Ils ont eu tort, et le film n’a eu droit qu’à des considérations techniques. Ouf !
Que sont les chansons devenues ?A une époque, l’Oscar de la Meilleure Chanson avait l’occasion de départager des morceaux à l’impact réel dans la psyché du public, au cours d’une compétition riche. Mais les chansons au cinéma n’ont peut-être plus autant la cote (comme le rappelait Fun, Culture & Pop il y a quelques temps), et cette année, seules deux d’entre elles sont nommées. Aux César, c’est la jeune catégorie du Meilleur Film d’animation qui se montre faible, l’Académie allant même chercher des courts-métrages pour compléter les nominations…
Drive est décidément mieux considéré en France qu’aux États-Unis En mai, Drive avait hérité avec évidence du Prix de la mise en scène au Festival de Cannes. Quelques mois plus tard, le film a connu une carrière décevante aux États-Unis, quand elle fut éclatante en France (plus d’1,5 millions de spectateurs). Et en février, alors que les Oscars boudent honteusement le film (seulement une nomination pour l’Oscar du Meilleur montage sonore, sérieusement ??), les César nomment le film de Nicolas Winding Refn au César du Meilleur Film étranger. La France sauve l’honneur du film.
13 nominations pour Polisse… dont sept d’interprétation (dont 3 pour le second rôle masculin ??) ?! Qu’est-il passé par la tête des votants aux César ? Je ne vous cacherai pas que le fait que Polisse domine les débats est déjà en soit une déception, mais c’est surtout devant la répartition des nominations du film que mon sourcil gauche se dresse : sept nominations aux acteurs et actrices du film ??? Parmi celles-ci, trois pour le César du Meilleur second rôle masculin, annexant du même coup plus de la moitié des nominations possibles dans la catégorie ? Je croise les doigts pour que Bernard Le Coq en Chirac ou Michel Blanc en conseiller politique rafle la mise (ce dernier surtout)… même si Joey Starr est favori. Heureusement que Maïwenn n’a pas eu droit elle aussi à sa nomination pour son rôle dans le film (on aurait touché au ridicule). Par contre elle a tout de même décroché une incompréhensible nomination au César du Meilleur Scénario original.
Pater est là, c’est énorme ! Mais où est Vincent Lindon ?Le beau film d’Alain Cavalier, la proposition de cinéma la plus folle de l’année, aurait pu être oublié aux César comme il a été oublié au Palmarès Cannois. Il n’en est rien. Pater concourt pour le César du Meilleur Film et celui du Meilleur Réalisateur, et l’on se prend seulement à regretter, après ces nominations qui me réjouissent, que Vincent Lindon soit absent de la compétition des acteurs.
L’ordre et la morale n’a droit qu’à une petite nomination. Même pas pour la mise en scène de Kassovitz.Le web et la presse a bruissé ces derniers jours du coup de gueule de Mathieu Kassovitz devant sa quasi absence aux César, n’ayant droit qu’à une nomination dans la catégorie Meilleur scénario adapté. Le cinéaste a probablement été des plus maladroits dans son coup de gueule, mais il est à n’en pas douter des plus justifiés tant L’ordre et la morale méritait mieux (et quitte à ne lui donner qu’une seule nomination, il aurait mieux valu le faire concourir à celui de Meilleur Réalisateur, mais il semble que l’Académie ne fasse pas de différence entre la qualité d’un film et celle d’une mise en scène, les nominations Meilleur Film / Meilleur Réalisateur étant l’exact reflet les unes des autres…)
Et sinon, où est Donoma ?