Magazine Culture
Nous sommes le 02/02 et voici déjà le Tome 2 !
Le début de l' Interview ICI
et je remets le texte d'introduction de Mathieu car je ne m'en lasse pas !
« Mardi 31 janvier 2012, sept heure trois.
Je termine mon café, les yeux rougis de fatigue. J'allume une première cigarette. Un visage s'esquisse dans un nuage de fumée bleuâtre. Une gueule marquée qui évoque celle d'un farfadet sous acide titubant à la sortie d'une boite de nuit.
- Monsieur Gaborit ?
Les yeux plissés, je fixe le fond de ma tasse
- Monsieur, il faudrait tirer sur votre cigarette. J'ai la bouche floue.
Je m'exécute. Mon Imago ne plaisante jamais.
- Monsieur, nous sommes à la veille de votre rendez-vous
- Je sais
- Il faut prêter serment.
Je grommelle et m'adosse au plan de travail de notre cuisine
- Vas-y, soupiré-je, balance...
- Un instant. Dois-je rappeler à monsieur qu'en cas de manquement à vos obligations, l'article « clé de sol sur fond turquoise » du code de déontologie des artisans de l'imaginaire stipule un an de cauchemars récurrents et une peine incompressible de sommeil agité sur taie d'oreiller mal repassée ?
- Je sais, grommelé-je du bout des lèvres
- Bien. Promettez-vous de parler sans faux semblant ni artifice verbeux, de dire toute la vérité, rien que la vérité ?
- J'ai le droit à un joker ?
- Dup et Emma le décideront.
- Une dérobade, au moins ?
- Non, monsieur.
- Une diversion ou une omission ?
- Non plus.
- Une panne de mon « provider » ? Une grand-mère sur le Concordia ?
- Refusé, monsieur.
- Bon.... je le jure, laché-je d'une voix pâteuse.
J'écrase ma cigarette et me verse une nouvelle tasse de café en sachant qu'il faudra être à la hauteur.
Sur Book en Stock, on ne badine pas avec les songes. »
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Question de Lord Orkan Von Deck , dit LOVD :))
Ouais ! Génial ! Je suis super content, j'attendais ça depuis un moment ^^ Je vais me dépêcher d'écrire mon article sur chronique du soupir En attendant, voilà les questions que je vais poser. Encore merci à Dup et Phooka pour leur boulot.
Bonjour Mathieu, c'est un plaisir de vous "revoir" et de pouvoir discuter avec vous. J’espère que vous tiendrez la cadence car je ne vous cache pas que j'ai plein de questions à vous poser !
Alors je commence : Chronique du soupir a été longuement attendu par tous vos lecteurs les plus fidèles, et on a parlé du "grand retour du maître de la fantasy française". Depuis Faery City, nous vous attendions. Pouvez vous nous expliquer pourquoi vous avez fait une pause avec l'écriture ?
Si l'ensemble de vos romans sont aujourd'hui édités en oeuvres intégrales, ils ont à l'origine été publiés en 3 (chroniques des crépusculaires, Féals) ou en 2 (Abyme, Bohème) parties. Ce qui nous fait à la base une multitude de romans relativement courts. Pourquoi ? Est-ce la volonté de l'éditeur ou bien la votre ?
Les héros de vos romans ne sont jamais très "héroïques" : Agone à Souffre-jour, la pragmatique Louise bien moins idéaliste que ses parents, Maspalio l'ancien prince voleur de la Maraude, Lilas prête à tout pour sauver son fils ... Pourquoi vos personnages principaux sont-ils tous aussi sombres et si peu chevaleresques ?
Mathieu :
Bonjour Orkan,
Ok, je vais essayer de tenir la cadence !
Pour la pause, il n'y a pas de mystère. J'ai perdu confiance en moi. J'ai noirci des cahiers d'histoires, de mondes, de personnages sans oser ni pouvoir les écrire. La page blanche n'est pas une maladie de l'idée mais du choix. Un choix arrêté qui consiste à dire : "ok, maintenant, je m'engage, je prends la responsabilité de figer mon imaginaire dans cette direction et seulement celle-ci". C'est pour cette raison que j'ai toujours tant aimé le JDR et ses libertés. Je n'étais pas prêt à assumer ce renoncement que l'écriture d'un roman impliquait. Aujourd'hui, je vais mieux, merci ;)
Sur les romans courts, je n'ai pas d'explication hormis celle-ci : j'écris tant que cela a un sens. En règle générale, mes histoires n'ont pas vocation à se raconter sur des milliers de page. Quand j'écris, je veux être dans l'instant, dans un rapport dépouillé aux personnages. Je me livre à eux, je les laisse me guider. Mes synopsis ne sont que des feuilles de route, pas des chemins balisés. Cette résonance n'est pas toujours au rendez-vous. Chaque jour, il faut pouvoir descendre en apnée dans son imaginaire et il arrive que vous loupiez un palier. Dans ce cas, ce que vous écrivez ne ressemble à rien. Cette expérience de l'écrit nécessite une implication intense, comme un funambule engagé sur son fil qui vit pour la traversée mais doit arriver de l'autre côté au prix d'un équilibre fragile.
Les héros de vos romans ne sont jamais très "héroïques" : Agone à Souffre-jour, la pragmatique Louise bien moins idéaliste que ses parents, Maspalio l'ancien prince voleur de la Maraude, Lilas prête à tout pour sauver son fils ... Pourquoi vos personnages principaux sont-ils tous aussi sombres et si peu chevaleresques ?
Je n'en sais rien. L'héroïsme, premier degré et trop béat, ne m'intéresse pas. Je ne vais pas décliner ici tous les lieux communs sur la fragilité des héros, leurs failles, etc. Toujours est-il que des personnages plus sombres questionnent mieux ce que j'ai envie de raconter. Encore une fois, je ne suis pas dans une volonté délibérée. Je ne crée jamais un personnage en me disant, au préalable : "celui-là, il faut qu'il soit sombre et hanté". Non, vraiment, je laisse les personnages advenir. En revanche, aujourd'hui, je veux faire plus attention et tendre vers une forme plus optimiste. C'est l'enjeu de mon prochain bouquin.
Roz :
Bonjour,
Pour le moment juste un petit message, car j'ai lu il y a fort longtemps Abyme et les chroniques crépusculaires qui font partie de mes premiers livres de fantasy...
Alors 2 petites questions :
Comment ca va? (faut bien être polie :p)
Pourquoi tant de "Chroniques" dans vos titres ? (on a le droit aux questions pourries non?
Bon je me lance dans les chroniques de Feals et je repasse par la !
PS merci Dup et Phooka
Mathieu :
Bonjour Roz,
Ca va bien. On survit, dirons-nous ;)
Et vous ?
Pour les Crépusculaires et les Féals, c'était une volonté d'être au plus près de la Fantasy. En fait, tout cela est un peu accessoire. Pour le Soupir, c'était une volonté de l'éditeur que j'ai accepté bon gré mal gré. Compromission légitime à l'heure où beaucoup préfère imprimer plutôt qu'éditer. Au Pré aux Clers, pour ma part, j'ai vécu une vraie volonté d'édition. Dont acte.
Hécléa :
Bonjour Mathieu et merci de vous prêter si joliment au mois de...
J'ai vu beaucoup de questions assez générales pour le moment donc je vais plus me consacrer sur Bohème que je viens de finir.
Ce roman me fait penser à un OVNI qui emprunterait à plusieurs genres, si vous deviez le décrire et le classer que diriez-vous ? Concernant son univers très particulier et son ambiance, avez-vous fait des recherches avant l'ecriture ou vous êtes vous basé sur des faits connus particuliers ?
Encore merci ;)
Mathieu :
Bonjour Heclea,
Bohème se revendique clairement d'un genre baptisé le Steampunk. Une vision souvent uchronique de la révolution industrielle qui fait la part belle aux inventions, à un design suranné et aux mystères de l'époque.
Des recherches, oui, mais pour mieux les oublier. Il faut s'imprégner de l'époque en veillant toujours à préserver sa singularité. Je me méfie des recherches : on peut très vite glisser dans un formalisme professoral. Faire entendre sa voix nécessite une imprégnation en amont, pas une connaissance dogmatique. Cet équilibre s'apprend et je continue à faire des erreurs à ce sujet.
Pour Bohème, il y a, en tout cas, un hommage appuyé à la Russie. Depuis que je suis en âge d'avoir des souvenirs, la Russie a toujours exercé sur moi une influence inexplicable. C'est un sentiment que j'éprouve dans ma chair, comme des racines intangibles qui plongeraient dans ses paysages, son histoire, sa culture. J'éprouve une excitation presque sensuelle à entendre parler le russe. Dans la généalogie de notre famille, rien, a priori, ne nous y rattache. D'ailleurs, la Russie, aujourd'hui, me ferait plutôt faire des cauchemars.
Re Crunches :))
(Les crocodiles verts ?? ah non ! ils sont trop beaux ceux-là, il ne faut pas les manger !! les rouges et jaunes à la limite... mais les verts !! Je suis sûre qu'il y a un point sur ces crocodiles dans la convention de Genève !)
"Ensuite... hum.... c'est une question complexe, honnêtement." Euh je sais... mais ça fait une bonne dizaine d'années qu'elle mijote, alors forcément ! Pour le café-bar, j'ai du bon café à la maison, alors si vous passez par la Sibérie française (apparement c'est comme ça qu'on appelle l'Alsace à "l'intérieur"), faites moi signe ! Et emmenez votre martingale, elle m'intrigue ;) !
Même si cette réponse mériterait des heures de discussion, elle est déjà bien suffisante pour me donner matière à réflexion pour les 5 prochaines années au moins =) !
autre question, vous avez écrit un roman avec Fabrice Colin. Comment cela s'est-il passé ? une idée à vous ? à lui ? à quelqu'un d'autre ? un pari hasardeux ? un délire ?
Est ce que c'est une expérience que vous reconduirez (avec lui ou un autre auteur) ? Peut-on vraiment différencier ce qui vient de vous de ce qui vient de lui ?
Maintenant que ça fait un petit moment que cette collaboration a eut lieu, est ce que vous vous rendez compte qu'il a influencé (un peu, beaucoup, à la folie, pas du tout) votre façon d'écrire ?
Bon je vous laisse, je dois aller travailler et y a plein de neige sur la route !
PS1 : Vous avez dit que votre père a une énorme bibliothèque, mais est ce qu'il y en a signé Mathieu Gaborit qui y ont trouvé leur place ?
PS2: sérieusement, vous n'aimez pas les M&M's ? c'est l'association cacahuète/chocolat ? Ou vous n'aimez pas le chocolat ? ou les cacahuètes ? (oui... ça m'intrigue.....)
Mathieu :
Bonjour Crunches,
Noté pour l'Alsace. A condition, bien sûr, que vous me promettiez une partie de Master Mind sur un tapis de crocodiles verts. Je vous laisse le choix de la tenue.
Avec Fabrice, le bouquin est né d'un désir commun. On s'est dit un beau jour que ce serait amusant d'écrire à quatre mains. Juste comme ça, le reste s'est fait naturellement. On a créé l'histoire et l'univers dans un café, à côté de Mnémos et on s'est lancé dans l'écriture avec un principe simple : deux regards subjectifs pour mener l'histoire en alternance. En l'occurrence, Fabrice a rédigé sa partie avec les yeux de Margo tandis que je racontais la mienne avec Théo.
L'écriture est une chanson trop intime pour que l'influence de l'un ou de l'autre soit perceptible ou même quantifiable. Fabrice a nécessairement infusé ma relation à l'écriture parce que c'est un ami.
Attention à la neige, surtout !
PS1 : oui, j'ai ma place même si le fantastique n'est pas du tout sa tasse de thé ^^
PS2 : l'association, je crois. Et oui, sérieusement, je n'aime pas du tout les M&M's : )
Phooka :
Bonjour Mathieu,
Encore merci d'être avec nous.
J'ai cru comprendre que vous veniez de finir d'écrire un nouveau roman. Peut-on en savoir un peu plus?
merci
Mathieu :
Bonjour Phooka,
Ce n’est pas encore dans les tubes, je ne peux pas en dire beaucoup, mes excuses. Pour résumer, c’est un roman interactif, contemporain, sur le thème des zombies (que j’aime depuis bien trop longtemps), disponible uniquement en version numérique. Une expérience tout à fait inédite pour moi. Je me suis engagé parce qu’il y avait des gens biens et talentueux (chef de projet / programmation / illustration), et une envie de faire quelque chose de nouveau en prise avec les nouvelles technologies dites nomades (mon dieu, je me fais peur en parlant comme un jeune cadre au marketing). Dans le fond, c’est toujours rigolo/perturbant/passionnant de travailler pour celui qui va vous tuer, j’entends par le numérique qui se généralise, la mort des libraires indépendants et la mutation annoncée de l’édition. Mais c’est un autre débat. En particulier sur les libraires.