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Enjeux du sommet de Chicago (1/3)

Publié le 13 février 2012 par Egea

On commence à y voir plus clair dans la préparation du sommet de Chicago : le sommet de Lisbonne a été digéré, les premières décisions de réforme prises, Ben Laden a été abattu ce qui accélère le retrait d’Afghanistan, l’opération en Libye a été conduite avec succès, la crise économique frappe l’Europe de langueur, l’Amérique a rendu publique sa nouvelle politique de défense, la ministérielle défense vient de se tenir à Bruxelles et la conférence de sécurité à Munich. Les pièces du puzzle sont en place. On peut donc discerner cinq thèmes qui animeront les débats, de façon publique ou privée.

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1/ La question d’Afghanistan

La question n’est plus celle du retrait mais de son rythme. En effet, dès février 2011, le président Karzaï annonçait sa volonté d’accélérer le retrait de la FIAS. Ce qui était à l’origine considéré comme une posture politique a acquis une réalité opérationnelle à partir de la mort de Ben Laden. Surtout, cette question est revenue au centre du débat au cours de l’hiver, à la suite de la mort de quatre soldats français tués par un soldat de l’armée afghane : outre la question de la date du retrait (fin 2013 selon le président de la République, fin 2012 selon la proposition formulée par le candidat de l’opposition), c’est incidemment la pertinence de la stratégie d’afghanisation, décidée à Lisbonne, qui est interrogée.

On ne discutera pas ici de la meilleure date à choisir ou des contraintes logistiques qu’elles entraînent (l’auteur de ce blog est fort heureux de voir les meilleurs esprits expliquer enfin que la logistique est une dimension essentielle de la guerre actuelle), ni même des différentes positions nationales (les États-Unis qui déclarent qu’ils ne mèneront plus d’opérations de combat à partir de fin 2013, le Royaume-Uni qui reste dans l’expectative, l’Allemagne qui affirme qu’elle demeure présente conformément au plan). S’agissant de l’afghanisation, sa poursuite paraît cependant un impératif, ne serait-ce que pour continuer le travail commencé et accompagner l'armée afghane qui sera aux responsabilités. Il y a là une sorte d’honneur et de cohérence à poursuivre les efforts entrepris. Autrement dit, il y aura des soldats français en Afghanistan après 2014.

2/ Défense antimissile et questions nucléaires

Le principe d’une défense antimissile balistique (DAMB, BMD en anglais) a été adopté à Lisbonne. Les progrès sont assez mesurés. C’est pourquoi le Secrétaire général pousse à ce qu’on déclare une « capacité opérationnelle intérimaire » à Chicago. Si l’on avait bien traduit le mot « interim », il aurait fallu dire « capacité opérationnelle préparatoire » : alors, chacun eût compris ce dont il s’agissait : de quelque chose qui a lieu AVANT la capacité opérationnelle initiale (IOC) bien connue des praticiens de l’Alliance. Dès lors, cette capacité « intérimaire » a pour objet de manifester que le processus de construction de la DAMB a progressé au cours des dix-huit mois passés. En effet, des accords ont été conclus avec la Pologne, l’Espagne, la Roumanie et la Turquie pour que ces pays accueillent des éléments clefs du système. Je ne suis pas au fait des dossiers pour savoir si cela correspond à un vrai enjeu, et donc à une vraie décision.

J’ai toutefois le sentiment d’une réticence européenne, même si elle ne s’exprime pas ouvertement : en effet, pour l’instant la plupart des moyens semblent être américains, le projet allié ne s’occupant semble-t-il que d’un système de commandement, pour lequel des budgets dédiés sont nécessaires, ce qui n’est pas follement populaire en ces temps de restrictions. La question de l'effet d'éviction que j'ai déjà signalé par ailleurs revient au devant de la scène, même si ça à bas bruit. Par ailleurs, on n’a pas le sentiment que ce dossier de la DAMB permette le développement de relations très cordiales avec la Russie.

Outre la DAMB, Chicago risque de voir revenir la question nucléaire au devant des débats. Certes, le concept avait repris la déclaration du compromis d’Ottawa. L’alliance restera donc une alliance nucléaire, et qui admet la complémentarité de forces nucléaires nationales (France et Royaume-Uni). On peut craindre toutefois que certains, emmenés par l’Allemagne, reprennent leur position sur le sujet et déclarent qu’à cause de la DAMB, il n’est point besoin de continuer d’avoir des bombes nucléaires alliées, et notamment collectivement. La France persistera à expliquer que les deux questions sont disjointes et ne se recouvrent pas, puisque DAMB et dissuasion ne répondent pas à la même menace. Quant aux Américains, soutenus par les Turcs, les Italiens et les Britanniques, ils devraient persister à maintenir le caractère nucléaire de l’Alliance. Et comme le sommet se tiendra chez eux, cela ne devrait finalement pas poser trop de problèmes.

(à suivre)

O. Kempf


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