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Ces annonceurs qui prennent la main sur la musique de pub

Publié le 14 février 2012 par Jeanne Walton

La démocratisation du design musical a eu une conséquence surprenante sur bon nombre de marques : les annonceurs sont devenus plus exigeants et parfois plus matures que certaines de leurs agences en matière de son et de musique. Moralité, beaucoup de directeurs marketing ou communication ne s’en laissent plus conter à l’heure de travailler la bande son de leur film. Ils commencent à s’approprier la question musicale en publicité d’une façon nouvelle.

Même si les faits parlent d’eux-mêmes, la question reste encore un peu taboue et il est difficile d’obtenir des informations sur ce sujet. Les agences font comme si elles ne savaient pas et les annonceurs nous disent qu’ils veulent bien en parler à condition de ne pas être cités. Même les agences de design musical se montrent discrètes : si elles tirent de plus en plus leur épingle du jeu, elles veulent ménager leurs relations avec les agences de pub.

Bizarrement, ce sont les responsables de production ou les studios qui en parlent le plus librement. Chez Else, la structure de production de TBWA, on ne voit pas de problème à évoquer la question. Alexandre Fay-Keller, qui a co-fondé et dirigé la structure conçoit que cela fait partie de l’évolution de la production musicale pour les marques. Certains font de la recherche des talents extérieurs un point saillant de leur ouverture créative.Valérie Montiel, la patronne de la production chez Young & Rubicam, avoue parfois être mise en compétition par ses propres clients sur la questions de la musique. C’est davantage avec les créatifs que les choses se corsent car ils en font parfois une question d’orgueil.

Côté annonceurs, les choses sont de plus en plus claires. « Les agences de publicité utilisent le son comme un de leur dernier espace de liberté. Jusqu’à présent, les annonceurs les challengeaient sur tout, sauf là dessus. Parfois le résultat est excellent et parfois non. Voilà pourquoi les annonceurs commencent à  prendre la main sur la musique publicitaire» explique Christian S., Acheteur Media chez un grand annonceur français. Là  aussi, anonymat requis et difficile d’en savoir plus.

Côté agence de design musical, tout le monde n’a pas la même stratégie. Chez Sixième Son, on avoue que le « soutien aux annonceurs pour la musique de pub» est devenu un pan important de l’activité de l’agence. Pourtant, nous n’obtiendrons pas de noms d’annonceurs. «Ce n’est pas une question de tabou. C’est une question de stratégie de marque. Les clients dont nous produisons les bandes sons publicitaires considèrent souvent que cette approche qui crée plus de valeur appartient un peu à leur secrets de fabrication». Pourtant il suffit de cinq minutes, pour trouver sur le net la vingtaine d’annonceurs dont la musique de pub est faite par Sixième Son. Chez Bymusic, on affiche la couleur : le site présente l’activité musique de pub avec les détails de la prestation, mais peu de références viennent étayer le discours. Chez Laps, on veut bien en parler. « On fait de temps en temps de la direction créative déléguée : quand les agences de pubs ne s’en sortent pas et qu’il faut mettre un peu de rationnel dans une démarche qu’elles gèrent habituellement de façon purement émotionnelle». On commence à comprendre.

Le sentiment croissant de nombre d’annonceurs est qu’il existe une expertise très forte sur la musique des marques et ce n’est pas forcément les agences de publicité qui la détiennent. Logiquement, il ne veulent pas s’en priver. Les choses ne se passent pas forcément mal pour une raison simple : si l’expertise musicale extérieure à l’agence de pub améliore l’efficacité du film, tout le monde en sort gagnant : l’annonceur, l’expert musical mais également l’agence de pub qui voit son film gagner en pertinence. C’est un peu le message que Jacques Séguéla est venu tenir devant Le Club des Annonceurs lors d’une intervention portant sur la musique. « La musique est une chance pour les marques». En aparté, il parle aussi de ce qui fâche. L’égo de certains publicitaires ne doit pas être un problème tant les annonceurs doivent aller de l’avant, coute que coute, côté musique. Si certains créatifs publicitaires en sortent un peu frustrés, cela ne dure généralement pas. Quand on demande à Alain Dupoux, ancien directeur de création de l’agence Change, ce qui se dessine sur cette question, sa vision se précise. «Dans un contexte concurrentiel croissant, l’exigence de l’annonceur ne faiblira pas. Soit l’agence de publicité prendra l’initiative de présenter elle-même à son client cette super expertise extérieure quand elle est nécessaire, soit l’annonceur s’adjoindra directement les services d’une agence de design musical pour l’accompagner tout au long de ses relations musicales avec l’agence de pub.»

Finalement, les annonceurs font déjà appel à des agences de design graphique, à des cost controllers, à des agences media,  qui sous une forme ou sous une autre mettent leurs expertises complémentaires au service de l’efficacité publicitaire. L’agence de design musical pourrait en toute logique rejoindre ce pool d’expertise. La musique n’est donc plus le pré-carré des agences de pub. De là à dire que la musique ne doit plus être de leur ressort, il y a un pas que certains franchissent, mais sans le dire encore ouvertement.

Jusqu’à quand ?


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