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Avant-propos de « Stop Stealing Dreams » de Seth Godin : Pour une transformation de l’éducation

Publié le 01 mars 2012 par Diateino

Ne me sous-estimez pas, et je vous rendrai la pareille. Bob Dylan

Alors que je finissais d’écrire ce manifeste, un ami m’emmena visiter les Harlem Village Academies (HVA), un réseau d’écoles sous contrat situées à Manhattan.

Harlem est un quartier immense, plus grand que la plupart des villes des États-Unis. S’agissant d’une population aussi dense, il est difficile d’avancer des généralités ; l’on constate néanmoins que le revenu moyen par foyer est inférieur de moitié à celui des quartiers voisins, que le taux de chômage est beaucoup plus élevé et que de nombreuses personnes (habitants du quartier mais aussi acteurs extérieurs) ont abandonné tout espoir de voir la situation s’améliorer.

Nous savons, grâce au cinéma et à la télévision, à quoi nous attendre en mettant le pied dans une école de l’est de Harlem : une sorte d’usine à formater les élèves, en manque de fonds, fonctionnant à peine, où le manque de respect, l’insécurité et surtout l’absence d’apprentissage réel règnent en maître.

Bref, ce n’est pas là que vous iriez chercher l’avenir du système éducatif.

Pendant des générations, notre société n’a eu rien d’autre à offrir aux écoles de quartiers comme celui-ci que des paroles guère encourageantes : « voici quelques enseignants (mais pas assez) et voici quelque argent (mais pas assez) ; quant à nos attentes, nous n’en avons guère, alors faites du mieux que vous pourrez ». Personne ne s’étonnera que cette stratégie ne donne pas de résultats.

Ces dix dernières années, j’ai consacré plus d’une douzaine de livres aux changements considérables qu’Internet et l’interconnexion croissante de l’économie continuent de causer dans notre société. Par-dessus tout, j’ai essayé de faire comprendre à mes lecteurs que ce que nous prenons pour des vérités absolues sont en réalité des inventions relativement récentes, condamnées qui plus est à une mort prochaine. J’ai essayé de démontrer que le marketing de masse, les marques grand public, la communication de masse, les médias non centrés sur l’usager et le complexe télévisio-industriel n’étaient pas les piliers de notre avenir, comme ils voudraient nous le faire croire. Il est souvent difficile de s’en rendre compte lorsque l’on vit plongé dans ces choses au quotidien.

Dans ce manifeste, je vais montrer que le modèle éducatif industrialisé actuel, fondé non sur le dialogue mais sur une relation strictement hiérarchique entre le maître et l’élève, est lui aussi voué à disparaître, et pour de très bonnes raisons. Accéder à la connaissance est aujourd’hui moins difficile grâce à l’interconnexion croissante de l’économie ; cela s’accompagne en outre d’un bouleversement des capacités et attitudes que nous recherchons chez nos diplômés.

S’il est vrai qu’Internet a permis à ces nombreux changements de se produire, il n’occupe pas pour autant une grande place au programme de la Harlem Village Academy que j’ai visitée. Celle-ci a choisi de se concentrer tout simplement sur les personnes et sur la manière dont toute personne doit être traitée. Les HVA rejettent l’approche hiérarchisée et quasi-industrielle de l’enseignement : plutôt que comme usine à formater des élèves, l’école est conçue comme un environnement intensément humain et personnel, capable, grâce à des outils puissants, de produire une nouvelle génération de leaders.

Il y a littéralement des milliers de façon d’accomplir ce que Deborah Kenny et son équipe des HVA ont réussi à accomplir. Ce n’est pas à la méthode que je m’intéresse, mais au résultat. Ce que j’ai vu lors de ma visite, c’étaient des élèves que la passion pour un cours auquel ils avaient choisi de consacrer toute leur attention tenait penchés en avant sur leur siège. C’étaient des enseignants motivés parce qu’ils avaient choisi de l’être, parce qu’ils étaient enthousiasmés à l’idée d’enseigner à des enfants qui avaient envie d’apprendre.

Les deux avantages dont disposent dès le départ la plupart des écoles de qualité sont des ressources financières abondantes et un corps étudiant présélectionné et très motivé. Il importe de souligner ici que les HVA ne choisissent pas leurs élèves : ceux-ci sont répartis par tirage au sort. En outre, le financement par élève dont elles bénéficient est moindre que la moyenne de celui des autres écoles publiques de New York. La qualité des HVA repose sur leur culture d’entreprise : elles ont réussi à créer un modèle qui attire les enseignants les plus talentueux, encourage l’appropriation de l’environnement par les acteurs, favorise la liberté et la responsabilité, et communique cette passion aux élèves.

Benjamin Zander, chef d’orchestre du Boston Philharmonic, parle de la transformation qui se produit lorsqu’un enfant apprend à vraiment aimer la musique. Pendant un, deux, voire trois ans, l’enfant fait mécaniquement ce qu’on lui demande : il suit le rythme, produit des notes, sans s’y intéresser vraiment.

Puis il abandonne.

Mais pas tous. Pas les enthousiastes. Pas les passionnés.

Ceux-là ne sont pas très nombreux. Mais ils se passionnent pour la musique et commencent à jouer. Ils jouent comme si cela était la chose la plus importante du monde, parce que pour eux, cela l’est. Loin d’être affalés sur leur siège, ils se penchent en avant, l’amour de la musique les fait décoller leur derrière de la banquette, les voilà soudain, pour reprendre les mots de Ben, devenus des « musiciens à une fesse ».

Ils jouent comme si cela était la seule chose qui compte.

Les universités se battent pour attirer les élèves qui sortent de l’école de Deborah et je suis certain que l’on entendra bientôt parler des capacités de leader et des contributions intellectuelles des anciens élèves des HVA, ces élèves « à une fesse » passionnés d’apprentissage, mais aussi de transmission du savoir. Parce que l’enthousiasme est ce qu’il y a de plus important.

Traduction : Inès Michelini. La suite sur notre wiki (les 4 premières sections sont disponibles, aidez-nous à traduire la suite !).


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