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J'ai croisé la route de Max Von Sydow un soir de mars...

Par Tred @limpossibleblog
J'ai croisé la route de Max Von Sydow un soir de mars...Difficile de dire que j’aie été excité à l’idée de voir Extrêmement fort et Incroyablement près ces dernières semaines. Quand le film avait été annoncé, il y avait certes des raisons de l’attendre. Un roman de Jonathan Safran Foer que j’avais lu et aimé. Un réalisateur, Stephen Daldry, à la filmographie plus que respectable avec Billy Eliott, The Hours et The Reader au compteur. Une distribution intéressante, entre Tom Hanks, Max Von Sydow, John Goodman, Viola Davis ou Jeffrey Wright (comment ça j’ai oublié Sandra Bullock ? J’ai peut-être fait exprès, non ?). Et une bande annonce au son de « Where the streets have no name » de U2 qui a fait son petit effet la première fois que je l’ai vue l’automne dernier. Pourtant ces dernières semaines, ma curiosité pour le film s’était nettement affaiblie.
La faute à une critique et un bouche-à-oreille étonnamment pauvres, pour ne pas dire médiocres. Certes le film avait décroché une nomination à l’Oscar du Meilleur film en janvier, mais celle-ci arriva à la surprise générale en faisant du long-métrage de Stephen Daldry le film le plus mal critiqué à se voir ainsi nommé à l’ère de Rotten Tomatoes. J’avais donc finalement besoin d’une motivation supplémentaire pour me pousser à aller découvrir Extrêmement fort et Incroyablement Près. Celle-ci est arrivée lorsqu’a été annoncée une projection spéciale du film à l’UGC Ciné Cité Les Halles en présence de Max Von Sydow himself. Max Von Sydow ! L’acteur d’Ingmar Bergman ! L’exorciste ! Le tueur à gages des Trois jours du Condor ! Pelle le Conquérant ! (bon d’accord il a aussi joué dans Vercingétorix avec Christophe Lambert, mais bon, on lui pardonne). Max Von Sydow ? Bon d’accord, je vais aller le voir le film de Stephen Daldry, puisque vous m’offrez de rencontrer le grand acteur suédois.
La projection n’étant pas une avant-première (le film était sorti la veille en salle, réalisant au passage un score proche de l’anémie au box-office), il restait encore près de 150 places à vendre à 20 minutes de la séance (hein ? ah non moi j’avais réservé ma place, quand même…). Mais à l’heure dite, les rangs étaient complets, et lorsqu’arriva l’acteur qui était quelques jours plus tôt au Kodak Theater pour sa nomination à l’Oscar du Meilleur acteur dans un second rôle pour ce même film (un prix remporté par Christopher Plummer), la salle ne fut pas loin de la standing ovation. A l’origine, Von Sydow n’était censé faire qu’une apparition pré-projection, mais une fois la petite bafouille d’introduction au film faite, l’acteur vint s’asseoir dans la salle à nos côtés et resta tout le long de la projection, deux rangs plus bas que moi, annonçant qu’il serait présent une fois le film fini pour répondre à nos questions. C’est suffisamment rare lors de ce genre de projection pour être souligné.
J'ai croisé la route de Max Von Sydow un soir de mars...J’avais lu le roman de Jonathan Safran Foer quand il était sorti il y a quelques années, mais je dois bien avouer que je ne me souvenais que de la trame principale, et pas vraiment des détails. Difficile donc de juger par rapport au roman. Plus facile de juger par rapport à la réputation, peu flatteuse, du film. Est-ce aussi mauvais que j’ai pu le lire ici et là ? Non. Cela valait-il une nomination à l’Oscar du Meilleur Film ? Certainement pas, à mes yeux.  Extrêmement fort et incroyablement près s’est avéré pour moi une véritable frustration. Frustration parce qu’il y a suffisamment de belles choses dans le long-métrage de Stephen Daldry pour que l’on puisse regretter qu’il n’en tire pas un autre film que celui-ci. Frustration parce que le cinéaste émaille son scénario d’un pathos lourd, très lourd, trop lourd.
Si l’émotion effleure la surface de la pellicule et dessine en filigrane un drame poignant, notamment lors des scènes qui voient se confronter le jeune héros Thomas Horn avec Max Von Sydow ou celle, à la fin du film, face à Jeffrey Wright, le film est empesé par son traitement du deuil. Le scénario d’Eric Roth est alourdi par des dialogues nunuches à souhait et un sens du larmoyant trop appuyé. C’est l’histoire d’un garçon dont le père est décédé dans les attentats du 11 septembre et qui quelques mois plus tard trouve une clé dans les affaires du défunt. Il se met en tête de trouver ce qu’ouvre cette clé, dusse-t-il rencontrer et retourner tout New York pour le faire. Ce sont particulièrement les séquences du jeune garçon avec sa mère, incarnée par Sandra Bullock, qui plombent le film de cet excès de sentimentalité mal maîtrisé. Frustration, donc.
Mais les applaudissements qui ont accompagné le retour de la lumière dans la salle furent on ne peut plus mérités pour Max Von Sydow, qui brille en vieil homme muet qui aide l’enfant dans sa quête et ne communique que par les gestes et l’écriture. L’acteur venait apparemment de rentrer le jour-même de Los Angeles, où il s’était rendu pour les Oscars. Mais c’est bien en France que l’acteur a élu domicile depuis quelques années, expliquant par là-même ses facilités avec notre langue lorsqu’il s’est agi de discuter avec nous. Je dis nous, mais non, je n’ai pas pris la parole pour poser une question à Von Sydow. D’autres s’en sont chargé à ma place, poussant même à se demander si « Extrêmement fort et incroyablement près » ne faisait pas référence à la façon dont il convient de s’adresser à Max Von Sydow, l’acteur transformant presque involontairement chaque question en sketch, tendant l’oreille, s’approchant de celui qui posait la question et lui demandant de répéter sa question deux ou trois fois. Mais l’homme a passé les 80 printemps depuis plusieurs années, sans perdre de sa prestance, il ne s’agit donc certainement pas là de se moquer de Max Von Sydow, pour qui mon admiration est intacte.
J'ai croisé la route de Max Von Sydow un soir de mars...Lorsque ce n’était pas Von Sydow qui forçait le sourire, c’est l’équipe d’UGC qui jouait la farce, ou plutôt la cabine de projection automatisée, à qui l’on n’avait pas signalé que Max Von Sydow avait choisi de rester après la projection, repoussant donc la séance de 22h15 à plus tard (ceux qui se sont déplacés pour la dernière séance devaient être content de poireauter 30 minutes avant que l’on vide la salle...). C’est donc en plein phrasé de l’acteur que les publicités se sont lancées dans son dos, sur l’écran, coupant du même coup le son des micros. Deux minutes plus tard, l’écran reprenait son teint blanc et le son revenait. Il y en a un dans la cabine de projection, si vraiment quelqu’un s’y trouvait, qui se verrait certainement passer un savon une fois la soirée terminée…
Pendant une bonne demi-heure, Von Sydow nous parla donc avec force détails de son personnage de vieil homme muet, mais également du plaisir de se voir nommé aux Oscars, de ses souvenirs de ses jeunes années au côté de Bergman, au théâtre et au cinéma, de Pelle le Conquérant, son film le plus marquant à ses yeux, et de son attachement à la France dont il a fait son pays de cœur. Imposant et pourtant abordable, Max Von Sydow s’en alla finalement à l’ombre de la salle, laissant un souvenir bien plus marquant que le film qu’il était venu présenter. Et moi, je suis content de pouvoir dire que j’ai croisé la route de Max Von Sydow un soir de mars 2012.

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