Le cinéma a la bande-annonce, le livre, dans sa version électronique, a désormais pour équivalent l'extrait gratuit, qu'il est possible de télécharger sur ordinateur, liseuse ou tablette. J'en suis devenu assez friand, et avouerai que mes habitudes sinon de lecture, du moins de découverte des livres en ont été modifiées. L'extrait lu, je puis désormais élire d'acheter le livre, papier ou électronique, ou encore de le réserver à la bibliothèque -- ce qui est le plus souvent le cas. Reste toujours, cela dit, le plaisir de bouquiner chez son libraire...
Témoin l'extrait du dernier livre d'Éric Fottorino, ci-devant directeur du Monde, qualifié de récit, mais qui ressemble fort à des mémoires. L'éditeur offre une bonne soixantaine de pages qui, rapidement, m'ont séduit. Je suis, depuis près de trente ans, un « compagnon de route », et peut-être même un fidèle du grand quotidien parisien, d'une part, et, d'autre part, j'ai beaucoup apprécié, en 2007, le roman Baisers de cinéma de Fottorino : je ne pouvais, en conséquence, qu'être intéressé par son « tour du Monde ». Dès les premières pages, j'ai été pris par le style vif et direct -- journalistique, au bon sens du terme en quelque sorte, de l'auteur, par le côté « comment cela se fait » certes, mais surtout par l'évocation très vivante du monde parisien de la presse, et l'incroyable mutation qu'il a connu sur une trentaine d'années. Sans parler quelques conseils d'écriture, dont le fameux « Sujet, verbe, complément, et pour les adjectifs vous repasserez me voir... » -- que dire des adverbes ? Ou, de Françoise Giroud : « Si vous avez du talent, n'attendez pas la cinquième ligne pour le montrer, ou on ne lira pas la cinquième »... illustré, dans telle de nos gazettes matinales, par le fort en gueule de service. Captivé au point de mettre de côté le Duras...
Je sais quelques uns de mes lecteurs, fort curieux, et ce n'est pas la moindre de leurs qualités, que ce récit devrait, comme il l'a fait pour moi, captiver.
Présentation :
« Longtemps j'ai rêvé du Monde. J'y serais entré même à genoux ! Depuis mon premier article, paru en 198, j'étais encore étudiant, jusqu'à mon départ, en février 2011, près de trente années se sont écoulées. Je me souviens de tout. La rue des Italiens, les séances de Bourse au palais Brongniart, mes premiers reportages. Je revois les affamés d'Ethiopie, le visage de Mandela, la trogne de Noriega. Je revois les kolkhozes d'Ukraine, le marché aux grains de Chicago, les élégantes du Viet Nam. J'entends la voix de Jacques Benveniste, qui croyait à la mémoire de l'eau, Jane Birkin parlant de Gainsbourg, tant de silhouettes, tant de reportages. Le journalisme fut mon pain de tous les jours. Je suivis d'un coeur léger ses mots d'ordre : voyager, rencontrer, raconter. Puis recommencer. Elu directeur, j'ai plongé dans l'aventure collective. Il a fallu garder confiance quand les dettes s'accumulaient, et que le Net ébranlait la galaxie Gutenberg. Il a fallu réinventer ce journal dans l'urgence et la douleur, sans gros moyens, avec la foi du charbonnier. Il a fallu aussi approcher le pouvoir et le tenir à distance. La mer était souvent agitée. J'ai tout revu, tout revécu. J'ai tout aimé ou presque, sachant avec Cioran qu'il faut parfois avaler l'amer avec le sucré. J'ai quitté Le Monde mais Le Monde ne m'a pas quitté. »P.S. Un clic sur le titre de l'ouvrage vous conduira à la page des éditions Gallimard où vous pourrez lire quelques pages.