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Interview : Papier Tigre, intelligence noise

Publié le 04 mai 2012 par Eatart @eatartblog

Interview : Papier Tigre, intelligence noise

Papier Tigre douche

Place à l’interview de Papier Tigre réalisée à l’occasion d’un de leurs concerts donné récemment à l’Estaminet, haut lieu du rock que seules les personnes bien informées et assoiffées fréquentent.

Après vos deux premiers albums sortis sur le Collectif Effervescence, vous êtes désormais signé sur Africantape, le label qui monte en flèche ! Pouvez vous nous raconter la genèse de cette collaboration ?

Eric : Le Collectif a mué un peu en Murailles Music et on est resté en contact avec Julien qui avait crée la base d’Effervescence. On connaissait aussi assez bien Julien Fernandez d’Africantape, qui est aussi le batteur de Chevreuil. Il est originaire de Nantes, comme nous, et on avait déjà pas mal d’amis sur son label. Ils nous ont fait une proposition pour notre nouveau disque qu’on a produit nous-même. C’était la meilleure proposition qu’on avait, notamment financièrement.

Pierre-Antoine : C’est vraiment une co-production entre Africantape et Murailles Music !

Eric : Oui, il y a vraiment deux labels, il n’y pas juste Africantape. Murailles Music s’occupe de toute la France qui reste quand même l’endroit où nous tournons le plus et sommes le plus connu pour l’instant.

Vous êtes parti enregistrer Recréation au Etats-Unis avec John Congleton. Pourquoi ce choix ?

Pierre-Antoine : Le fait qu’on ai enregistré aux Etats-Unis, c’est surtout une histoire de circonstances ! Et pour Congleton, c’est un ami à nous qui a soumis l’idée à Eric.

Eric : Je cherchais avec qui on pouvait enregistrer et donc je demandais à la plupart des gens que je croisais qui font de la musique, ou sont ingénieurs du son : « Si tu devais enregistrer, tu enregistrerais avec qui ? ». Lui nous a dit : « Moi j’enregistrerais avec Congleton !». On connaissait ce qu’il avait fait, et ça nous a paru une idée assez intéressante par rapport à notre musique parce qu’il avait un passé assez proche de l’indie rock américain via son groupe Paper Chases et tout les groupes qu’il a pu enregistrer. En même temps, il a une grande ouverture d’esprit sur pleins de styles musicaux (Bill Callahan, etc…). On s’est donc dit que ça pourrait être intéressant de travailler avec quelqu’un qui a une approche à la fois moderne et bien ancrée dans les traditions d’Albini qui est une des références communes qu’on posséde. Ensuite on a enregistré aux Etats-Unis parce qu’il ne pouvait pas venir à Angers au Black Box, là où on devait enregistrer à la base. On a eu un taux de change euro-dollar favorable qui nous a permis de le faire sinon ça aurait été un peu chaud !

En quoi ce disque est il nouveau vis-à-vis des deux précédents opus ?

Arthur : Je pense que l’écriture des morceaux a été assez différente parce qu’on a pris notre temps. On avait la volonté de prendre un peu de recul et de ne pas faire un troisième disque dans la foulée des concerts et des deux précédents. Le premier est sorti en 2007 et le deuxième juste derrière en 2008. On avait vraiment envie d’autre chose, de réfléchir un peu plus longuement sur les morceaux, les structures, les sons… Il y a des morceaux qui sont sur des formats différents, certains sont plus longs. Il y a des textures de son que John Congleton a apporté au mixage qui sont des choses qu’on avait pas encore exploité. C’est un peu plus éclectique, mais pas forcément plus facile à aborder à la première écoute.

Pierre-Antoine : C’est un peu plus riche d’une manière générale.

La tournée qui s’annonce est déjà bien fournie en date. Espérez vous passer un petit cap sur celle-ci, notamment grâce à d’éventuelles programmations en festival plus nombreuses ?

Eric : Ce n’est pas un but en soi. Le but, c’est de pouvoir jouer nos morceaux devant des gens, autant les nouveaux que les vieux. De la manière dont on tourne, on n’est pas juste là pour défendre le nouveau disque en jouant l’intégrale de celui-ci, mais plutôt pouvoir piocher dans les trois albums et changer à chaque fois un peu, en fonction de ce qu’on a envie de présenter. Après, s’il y a de belles propositions de festivals tant mieux, si elles ne sont pas là ce ne sera pas non plus un drame. C’est toujours mieux de grandir que de faire du sur-place, mais au vu de la musique qu’on fait, qui est assez exigeante, on ne peut pas non plus la vendre comme du pop-corn. Ça ne peut pas marcher, il y a un juste milieu.

Vos deux premiers albums sont sorti sur le label Wangba Records en Chine, ce qui vous a donné l’occasion de tourner trois fois dans ce pays. Quel accueil a reçu votre musique là-bas ?

Pierre-Antoine : En fait on ne peut pas vraiment dire ! L’histoire c’est que le mec qui nous a fait jouer en Chine vient de Poitiers où on avait fait un concert, et c’est un de ses potes qui l’organisait et lui a fait découvrir le groupe. Il a vraiment adoré, et, puisqu’il vit à Pekin, il voulait absolument nous faire venir là-bas. Il y a aussi le fait qu’on s’appelle Papier Tigre, ce qui a un rapport avec ce qu’avait dit Mao par rapport aux Etats Unis, donc pour lui ça avait aussi une consonance un peu politique. C’est vraiment une question de circonstances nées de l’envie de Yohann de nous faire venir, et aussi pour nous d’y aller. On était vraiment dans une dynamique de jouer un maximum. On est aussi demandeurs de découvrir ce qui se passe tout autour de la planète, du coup on y est allé et même retourné. Après, en terme de musique c’est compliqué. C’est vraiment très différent de la manière dont ça se passe ici en Europe, aux Etats-Unis ou même au Japon. En Chine, il n’y a pas la même culture, surtout musicalement. C’est seulement en train de se passer sans la même histoire que celle que nous avons avec la musique pop et rock depuis les années 50.

Arthur : L’accueil a été très différent dans chaque ville. A Shanghai c’est comme si tu jouais à New York, il n’y avait quasiment que des australiens, des européens et des américains. Et parfois dans les plus petites villes, au Little Bar à Chengdu par exemple, la salle était remplie et les gens ne bronchaient pas, restaient stoïques. A Changsha, c’était chez les punks ! A chaque fois c’était vraiment différent, c’est un pays qui est tellement contrasté que tu ne peux pas résumer le truc.

Pierre-Antoine : Le public est complètement en découverte. C’est clair qu’on disait tout à l’heure que Papier Tigre fait de la musique qui est exigeante déjà ici pour les gens, alors là-bas c’est extrème !

Eric : Les mecs nous parlaient de System of a Down, de Metallica, des Guns… Des groupes très célèbres et très connus, et c’était vraiment très bizarre ! C’est comme s’ils avaient raté 20 ans de musique rock. Mais c’est assez enrichissant pour finir sur une note positive.

Comment résumeriez vous chacun en une phrase votre projet quadriphonique « La Colonie de Vacances » avec Pneu, Marvin et Electric Electric ?

Eric : C’est une expérience musicale, et humaine avant tout.

Pierre-Antoine : En tant que musicien, c’est très enrichissant de travailler avec des groupes dont tu aimes la musique et qui travaillent différemment de la manière dont travaille Papier Tigre. Vu qu’on joue les morceaux de chaque groupe on apprend aussi la manière de jouer de chaque autre batteur par exemple pour moi. Tu rentres un peu dans l’intimité du groupe. C’est non seulement une expérience humaine de copains ultra agréable, mais c’est aussi musicalement très intéressant.

Eric : On a déjà beaucoup plus que trois phrases là !

Arthur : J’aurais dit à peu près la même chose !

Eric : C’est vraiment un projet qui est né d’une amitié, très intéressant je pense pour le public parce qu’il se retrouve immergé à l’intérieur de ce truc. C’est un peu expérimental, car c’est assez compliqué techniquement à mettre en place. En tout cas c’est quelque chose de nouveau, et c’est intéressant de participer à ça et voir la réaction des gens.

Pierre-Antoine : C’est vrai que tous les gens qui ont pu assister à ces concerts nous ont dit que c’était une expérience qu’ils n’avaient jamais vécu. Ça change vraiment le rapport public/scène. Les gens peuvent se balader, soit être devant une des scènes, soit être au milieu et s’en prendre plein la tête ! C’est vraiment un rapport avec le son complétement différent que lors d’un concert traditionnel.

Pensez vous que ce projet qui se retrouve programmé dans des salles plus importantes que celles où vous vous produisez habituellement, du fait des moyens techniques nécessaires, peut vous permettre de faire découvrir à un public plus large la scène noise-rock française ?

Pierre-Antoine : Inévitablement je pense que la prouesse technique de ce projet va intéresser plus de gens que le public habitué et déjà adepte des musiques indés qu’elles soient noise, rock, punk… C’est un concept assez original : 4 systèmes son, 4 groupes sur 4 scènes différentes qui jouent en même temps ou séparément et c’est vraiment quelque chose d’inhabituel. Clairement il y a des gens qui s’intéresse au projet et pas aux musiques qu’on joue en tant que groupes. J’espère que ça fera aimer à ces gens là les groupes indépendamment.

Quelques mots sur l’actualité de vos projets parrallèles hautement recommandables : Room 204, The Patriotic Sunday

Pierre-Antoine : Pour Room 204, avec Romain le guitariste baryton avec qui je jouait en duo, on a demandé à un copain à nous, Nico le guitariste d’Alaska Pipeline de Rouen, de jouer avec nous. Du coup maintenant on travaille sur ce projet de trio baryton, guitare, batterie. On bosse un petit peu en dilletante quand on a le temps. Je joue aussi dans un autre projet que j’ai avec deux potes de Nantes. Un projet très calme, de la musique très lente mais avec un côté un peu martial, à base de deux guitares et un omnichord, un espèce de synthé japonais, un vieux truc un peu spécial et une batterie. Quelque chose d’assez mélodique, assez noir.

Eric : Avec The Patriotic Sunday on va refaire quelques concerts plutôt dans l’ouest de la France avec les membres de La Terre Tremble. Je me suis mis à écrire quelques nouveaux morceaux. Je ne sais pas trop comment ça va sortir, peut être l’année prochaine. Je vais faire quelques concerts tout seul aussi, où je vais jouer des morceaux des trois albums. Je ne sais pas si on va faire plus de concerts avec La Terre Tremble. Eux vont sortir un disque de leur projet en septembre.

Votre album du moment à conseiller aux lecteurs d’Eat Art pour conclure ?

Pierre-Antoine : Mon album 2011 c’est l’album de Death Grips. Un espèce de hip-hop light avec Zack Hill le batteur de Hella. Ce fut ma grosse claque de l’année dernière et je suis toujours encore un peu là-dessus. Ils sortent un nouveau disque dans pas longtemps je crois.

Arthur : Ce qui m’a vraiment beaucoup plu récemment c’est l’album de Dead Rider. C’est un groupe avec Todd Rittman un ancien membre de Singer, qui jouait aussi avant dans Us Maple. L’album s’appelle The Raw Dents et je le recommande vraiment !

Eric : Dernièrement je me suis pas mal plongé dans tous les trucs de Syd Barett, donc je dirais le premier album de Pink Floyd, The Piper at the Gates of Dawn. Et voilà !

Nicolas Antoine

Remerciements à Papier Tigre, Rudy, Ghislain, et toute l’équipe de l’Estaminet.


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