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"Le labrador de Mitterrand"

Publié le 07 mai 2012 par Macadam Cowgirl

La phrase malencontreuse était de Chirac en 1981 lors des élections législatives. François Hollande était alors son adversaire dans la 3ème circonscription de Corrèze, et faisait ricaner le futur souffre-douleur de Mitterrand. Notre Fan-Fan aujourd'hui national ne s'était pas privé de lui renvoyer la phrase à la tronche quand ils se sont rencontrés sur le terrain.

31 ans plus tard, François Hollande est le 7ème président de la Vème République. Et Chirac a l'air bête.

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Après Chirac... Hollande. La Corrèze, terre de champions.

Entre ces deux événements, d'aucuns diront que le chemin parcouru est logique, d'autres qu'il est inattendu. Mais en politique, où l'on ne meurt jamais de toute façon, il faut se méfier de plusieurs choses :

1. De ceux qui n'ont l'air de rien : ils ne la ramènent pas, ou moins que d'autres, mais ils avancent patiemment, lentement. Et comme on se méfie moins d'eux, ils ont un avantage pour tuer leurs concurrents. Fabius (qui l'appelait "Fraise des Bois" et qui disait aussi "François Hollande président ? On rêve"), Aubry (qui le traitait de "couille molle"), DSK le prouvent (même si ce dernier s'est tiré une balle dans le pied tout seul, bref). 

A ce titre, je me permets une petite remarque envers nos amis américains, qui voient d'un sale oeil l'élection d'un socialiste à la tête de la France. Précisons tout de même que pour les Américains, même aujourd'hui, "socialiste" = "marxiste-léniniste" (j'exagère à peine). C'est que ça ne les arrange pas trop, le programme de Hollande, à commencer par le retrait des troupes d'Afghanistan d'ici la fin de l'année. Quand ils ne sont pas dans l'angoisse totale, ils sont dans le mépris, comme en témoigne cette réflexion de Rahm Emmanuel, ancien chef de cabinet de Barack Obama et maire de Chicago : "Il a plus l'air d'un ministre que d'un président, et il ne remplira pas le costume." Quand on fait partie d'un peuple qui a élu deux fois un enfoiré doublé d'un crétin comme Deubelyou, on ferme sa gueule (fin de la petite remarque).

2. De ceux qui croient à leur destin : excluons d'office François Bayrou, dont la pseudo-prédiction que la Vierge lui aurait faite servirait presque à elle seule à démontrer la non-existence de Dieu. Mais François Mitterrand a attendu de 1965 à 1981 en se présentant à chaque élection présidentielle avant d'être élu. Bon, Hollande a décroché le jackpot du premier coup, mais sa stratégie s'est révélée plus proche de la tortue que du lièvre. Il ne faut pas se leurrer : il n'est pas là par hasard. Même s'il n'a jamais eu de ministère, jamais très ouvertement (du moins jusqu'à l'année dernière) manifesté une envie de longue date de briguer la magistrature suprême, nombreux sont ceux dans son entourage politique qui confirment que l'idée traînait dans sa tête depuis longtemps, pour enfin se muer en véritable ambition.

3. Des coups du sort :  il y a encore un an, jour pour jour, qui pariait sur François Hollande ? Le 7 mai au matin, DSK était favori dans les sondages. Une semaine plus tard, il avait les menottes aux poignets, et Hollande avait le champ libre à gauche. J'aime bien les ironies de l'Histoire : toute la géopolitique du Moyen-Orient et de l'Empire Romain chamboulé parce que Marc-Antoine préférait l'Egypte à Rome, le schisme d'Angleterre dû aux histoires de cul d'Henri VIII... Notez que c'est souvent le sexe qui bouleverse la politique.  Je dis ça, je dis rien.

4. Des rigolos et autres Monsieurs petites Blagues : quand ils ont fait Sciences Po, HEC, l'ENA, navigué dans les sphères du pouvoir depuis 30 ans, il faut les prendre au sérieux. Quand ils s'appellent Patrick Sébastien, moins.

5. Des gens qui aiment les gens : j'ai rencontré François Hollande il y a quelques mois à l'Assemblée, après un débat sur la laïcité. Devant un ascenseur. Ca fait con à dire, mais je n'avais jamais vu autant de gentillesse spontanée dans les yeux et le sourire de quelqu'un quand il m'a saluée. Je suis restée toute chose. Même avant ses 5 ans de mandat, c'est par Sarkozy qui m'aurait fait avoir des papillons dans le ventre avec un simple bonjour. Multipliez ça par tous les déplacements de terrain, les rencontres avec des citoyens, quelle que soit l'occasion (Libé de ce matin rappelait l'épisode plutôt méconnu, lors des émeutes de 2005, où François Hollande avait rencontré, sans pub, les familles de Bouna et Zyed, les deux gamins qui s'étaient tués alors qu'ils étaient poursuivis par des flics), ça fait mettre plus sûrement un bulletin dans l'urne que tous les discours.

Alors réjouissons-nous, mais ne rêvons pas au miracle. Hollande malgré sa gentillesse n'est pas Jésus, et il devra faire les réformes structurelles qui s'imposent et qu'aurait fait la droite si elle avait été réélue. Mais au moins, on peut espérer que ce sera fait dans les règles de l'art...

Prions seulement pour que les 5 prochaines années ressemblent à celles entre 1997 et 2002, et ne voient pas une vautre magistrale de la gauche qui porterait, cette fois sûrement, le FN au pouvoir. Car comme l'écrivait Brecht "le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde"...

 

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LES COMMENTAIRES (1)

Par MBM
posté le 07 mai à 18:40
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Pour la forme, il est vrai que le règne de Mitterrand se distinguait déjà notablement mais il commit aussi des erreurs inéluctables. Hollande en commettra aussi. Mais pour le fond, si l'on observe la posture de Hollande, on sent l'admiration, non tant pour la personne que pour les actes souterrains de François Mitterrand. Hollande, sous son air bonhomme et amuseur de galerie (bon père de famille) pourrait cacher un tempérament de feu insoupçonné qui le pousserait à suivre les pas du précédesseur en matière de relations extérieures et de relations européennes avec les USA et l'Otan. N'est-ce pas la véritable raison du blackout sur le rappport à l'Europe durant la campagne, excepté la réforme? Hollande, nous étonnera-t-il en montrant qu'il est le digne héritier des François qui ont repris la ligne gaullienne anti Otan américaniste? Si l'on s'arrête aux symboles, Mitterrand avait pour conseiller de Grossouvre, qui sera celui de Hollande? Qui se prénommerait François et serait susceptible de tenir la place qu'occupait le pseudo suicidé de 1994 (assassiné par les sbires du réseau Gladio pour entraver la mise sur pieds d'une armée qui aurait poussé au démantèlement des bases de l'Otan en Europe et à la conclusion d'un partenariat stratégique avec la Russie). N'est-ce donc pas pour cette raison que, jusqu'à il y a quelques heures du 2ème tour, Hollande ne faisait toujours pas la une des média du Bloc Américaniste Occidentaliste (BAO), et notamment outre-Atlantique? Personne ne peut nier le peu d'empressement médiatique sur sa personne à l'étranger. Le 4/4 de François, sera-t-il nappé du glacé eurasiatique version multipolaire?

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