Régulièrement, un petit groupe de brivistes se réunit autour d'une bonne table pour partager quelques bouteilles. Clients de ma cave, ils m'ont proposé de me joindre à eux. Les hasards de la vie ont fait que le jour J, j'étais le seul à pouvoir accueillir ce petit groupe. Ainsi fut fait. Il n'empêche que chacun a participé à l'élaboration du repas, plus proche d'un resto gastronomique que d'un casse-croûte improvisé.
Pour démarrer le repas, j'avais remonté de la cave une bouteille de champagne. J'ai servi avec celui-ci du jambon cru et du "lomo" normand très légèrement fumé. Le mariage fonctionne toujours impeccablement. Après quelques hésitations et deux-trois indices, Julien (travaillant pour une célèbre maison champenoise) devine le producteur et la cuvée (bravo à lui !). Ce champagne aux notes briochées, de pomme mûre et de noisette fraîche, à la bouche dense, pure et droite, aux bulles fines et discrètes, est une Vigne d'Antan 2000 de Tarlant. Issu de vignes non greffées – grâce à un sol sablonneux – ce champagne a une belle expressivité qui a beaucoup plu à mes invités.
Puis Claire avait amené du tartare de saumon que nous avons finalisé sur place en le mettant dans des petites assiettes. Un peu de sel noir, quelques baies roses, et puis voilà :
Avec celui-ci, Claire a amené un vin qui a fait beaucoup causer, car nous avons eu beaucoup de mal à identifier le cépage (ce qui est plus pratique pour trouver la région). Il faut dire qu'il semble dans une phase de fermeture et qu'il est peu causant. Son nez évoque plutôt un chardonnay septentrional, sa bouche un terroir calcaire lui apportant une certaine austérité. Genre Chablis, quoi. En fait, à notre grande surprise, c'est un Sauvignon : un Menetou-Salon 2009 (!) "les Renardières" du domaine Philippe Gilbert. Rebu un peu plus tard, même à température quasi ambiante, il reste peu loquace.
Mathieu avait ramené un reste de lotte à l'armoricaine, cuisinée la veille par son paternel. Nous nous le partageons avec un vin initialement prévu pour le dessert, mais qui manquait pour cela d'un peu de gras et de richesse : un Riesling Auslese 1999 "graacher Domprobst" de JJ Prümm. L'accord avec la lotte était très particulier, plutôt sur le contraste salé-épicé/sucré-acide. J'ai trouvé cela intéressant quand d'autres ont un peu bloqué. Le vin lui-même a déconcerté. La plupart n'avait jamais bu de vin qui pétrolait autant (l'impression de faire son plein à la station). Par contre, la bouche sur le citron confit, droite et pure, a beaucoup plu.
Nous passons ensuite à des ris de veau préparés de main de maître par Franck, accompagnés par les premières girolles de la saison et d'oignons blancs nouveaux.
Avec ceux-ci, un blanc beaucoup plus expressif que les précédents, sur les fruits jaunes mûrs, les épices. La bouche est ample, avec une matière généreuse, équilibrée par une belle acidité. Peut-être sudiste mais remarquablement fait. Je lâche au hasard "Grange des pères" et il se trouve que c'est bien cela. Je n'en suis toujours pas revenu... C'est le millésime 2004.
Les pigeons qui ont suivi ont fait l'objet d'une longue discussion pour savoir comment les cuisiner. Il fut finalement décidé de séparer les filets et les cuisses de la carcasse, et de faire un jus de cette dernière. C'est Franck qui s'est chargé de ces tâches, et en le voyant à l'oeuvre avec son couteau, j'ai pu voir tout le chemin qui sépare un amateur d'un professionnel... J'ai également pris un cours sur la façon de faire les fonds.
Pour accompagner les pigeons, Mathieu avait amené un vin tout en finesse, avec de la fraîcheur et du fruit. La bouteille a été descendue rapidement tant la buvabilité était grande. Sur l'origine du vin, c'est Franck qui s'en est approché le plus en supposant que c'était un cabernet. Et effectivement, c'était un Chinon "l'huisserie" 2007 de Philippe Alliet. Tout en étant très bon aujourd'hui, ce vin tiendra assurément dans le temps.
Comme souvent, je n'ai pas pensé à photographier les fromages. Ils auraient mérité de l'être car ils étaient très bon. Avec ceux-ci, nous avons démarré avec un rouge aux accents languedociens, mêlant les fruits noirs aux herbes méditerranéennes. Lui z'ossi offre une grande buvabilité, renforcée par une fine volatile. J'ai bien aimé ce vin de Rémi Pédreno : Roc d'Anglade 2004.
Le vin suivant remonté de ma cave ne cachait pas vraiment ses origines : les notes de cassis, cèdre, tabac ont mis tout le monde sur la piste médocaine. Par contre, personne ne lui aurait donné 10 ans tant il est encore plein de sève. Par contre les tannins sont remarquablement bien fondus, ce qui peut expliquer qu'il fût imaginé provenir de Saint-Julien. En fait, c'est un Pauillac : Pontet Canet 2002.
Le dessert que j'avais préparé avait un double fond : sous le sablé qui supportait les fraises et le sorbet pêche/yuzu, il y avait des morceaux de nectarine immergés dans une gelée à la citronnelle et au combava.
Comme écrit plus haut, je l'avais imaginé pour un Riesling Vendanges Tardives, mais ce dernier ne m'avait pas paru assez raccord. Du coup, j'ai sacrifié une autre bouteille qui a beaucoup plu aux convives. Du genre impossible à trouver puisque c'est un Vin de Constance 2006 du domaine Klein Constantia (Afrique du Sud, 100 % Muscat de Frontignan, non muté, 170 g de sucre résiduel, 3.5 de pH). Le nez est sur la mangue, la rose, la verveine, la bouche est fraîche et onctueuse, sans une once de lourdeur. C'est un véritable régal et un très bel accord avec le plat, très peu sucré. La recette de ce dessert paraîtra prochainement...
En tout cas, un chouette moment de partage qui j'espère se renouvellera régulièrement...
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