Probablement que l'humour n'a point les mêmes dimensions chez les uns ou les autres. Il peut commencer chez l'un alors même qu'il se terminerait là chez un autre.
Ainsi, les éditos de Patrick Besson dans Le Point peuvent déclencher des crises d'urticaire tout autant que des éclats de rire.
Comme les vacances approchent, les lectures d'été se doivent de privilégier le ton badin, l'humour français ou anglo-saxon, et, dans un esprit de belle mansuétude, qu'il me soit permis de vous donner quelques pistes d'ouvrages encore disponibles dans les bonnes librairies.
De Carlo M. Cipolla, décédé en 2000, on retiendra son opuscule (€ 7) intitulé
"Les lois fondamentales de la stupidité humaine"
avec une première loi majeure, indiscutable :
"Chacun sous-estime toujours inévitablement le nombre d'individus stupides existant dans le monde"
Je vous laisserai découvrir les lois 2 et 3, mais je ne peux résister à la citation de la loi 4 :
"Les non-stupides sous-estiment toujours la puissance destructrice des stupides. En particulier, les non-stupides oublient sans cesse qu'en tous temps, en tous lieux et dans toutes les circonstances, traiter et/ou s'associer avec des gens stupides se révèle immanquablement être une erreur coûteuse."
Force graphiques de compréhension élémentaire parsèment ce livret particulièrement jouissif, chacun ayant à la portée directe de sa mémoire immédiate, un nombre suffisant de "stupides" éclairant parfaitement les exemples fleuris de ce fleuron du PUF. 71 pages pour mieux évaluer votre entourage :-)
Pour les riches qui vont partir s'établir à Londres, là où on peut encore trouver quelques crus classés servis au verre dans des millésimes honnêtes, il est impératif, avant le grand saut, de lire soigneusement le livre de Régis Franc : "London prisoner". Il n'est pas certain que certains freins ne viennent caler un enthousiasme économique finalement relatif, eu égard aux si belles qualités de vie dans cette France que tous nous envient :-)
On y apprend que "Le renard aime narguer le Français" et que "Mc Cartney aime les renards".
Le conflit est clair : s'adapter (donc mourir un peu) ou revenir fissa du bon côté du channel.
Quelques belles descriptions de comportements britanniques nous rappelant que le major Thompson avait bien cerné la question.
Tom Sharpe est apparemment un auteur célèbre que je ne découvre qu'aujourd'hui dans son livre intitulé longuement :
"Comment enseigner l'histoire à un ado dégénéré en repoussant les assauts d'une nymphomane alcoolique"
Vous imaginez le contenu, à la limite du grivois. Bon, on est toujours en-dehors du continent là où les occupants ont d'étranges habitudes et des pensées pas forcément en adéquation avec leurs actes. Faut faire avec. A € 19, le risque n'est pas monstrueux. Pas encore entamé, mais ça ne va pas tarder. La quatrième de couverture reste un puissant appel à l'achat : elle a joué son rôle avec grande efficacité !
Vient enfin un sommet d'écriture d'un toubib manifestement amateur de mots simples, bien écrits. Chaque page crée un sourire ou un rire et si ce n'est pas le cas chez vous, il est urgent d'aller consulter.
Avant de vous donner la référence, quelques paragraphes copiés ici et là :
"La nature a inventé deux artifices pour noue retenir sur cette planète : le plaisir afin de nous inciter à nour reproduire sans bâiller et la peur de la mort pour éviter qu'on ne s'y précipite. Ce sont ces bases simples que nous avons perdues de vue. Le bonheur, création postérieure et humaine, n'était prévu par personne".
"Mon frère pratique le vélo avec un gilet phosphorescent, un casque en caoutchouc noir et un masque filtrant. J'ai toujours été surpris par la volonté de se protéger. A vélo surtout. Et plus généralement, je ne suis pas en phase avec les gens équipés. Les équipés ne plaisantent pas. Vous les retrouvez dans tous les sports, dans toutes les activités de la vie courante. Il y a dans l'équipement une volonté de nuire. Aux non-équipés précisément, c'est-à-dire à cette foule d'inconséquents qui n'anticipent pas les drames, les euphoriques du quotidien à rééduquer par l'exemple. Les équipés sont carrés. Ce sont souvent les mêmes qui vérifient que les lois sont bien appliquées, surveillent attentivement vos faits et gestes et représentent dans l'anonymat urbain une source de contrariété à peu près inépuisable."
"C'est toujours mystérieux de voir à quel point le rire des femmes peut faire succomber leur séduction. Je parle du vrai rire, en éclat, pas le rire de conversation. Il y a quelque chose de masculin dans cette fonction. Le rire est le propre de l'homme, pas de la femme. Une femme qui rit, découvre sa brutalité, son archétype masculin. C'est troublant, on sent l'écart fondre entre nous, la différence sexuelle s'indifférencier et le désir couler à pic. Il faut rester aux bords extrêmes du sourire, sur l'accent relevé des lèvres et interrompre le processus ensuite, quitte à devenir sinistre."
"Les femmes célibataires intéressées par les hommes de plus de 50 ans pullulent. Le veuf, sans tare physique repoussante, socialement présentable, qui peut prouver qu'il n'a pas assassiné sa dernière épouse, n'a que des efforts limités à fournir pour déclencher un intérêt surestimé. Je déçois ensuite mes conquêtes, comme tout homme normalement constitué, mais en douceur, en leur montrant que je ne suis pas celui qu'elles croyaient."
"Voilà. Je sentais qu'un jour, je serai confronté à une tentation délictueuse. Le cou de l'institutrice m'apparaît en gros plan. Paradoxalement l'image de Gandhi en méditation près de son rouet se forme. C'est un automatisme auquel j'ai habitué mon subconscient pour le pacifier. La poussée d'agressivité se dilue dans le symbole de la non-violence. Mais Gandhi est un homme de justice, il me prête un bout de sa tunique pour faciliter l'étranglement de cette femme."
On se rapproche du titre en citant l'incipit (© Grand Jacques) :
"La Vierge m'est apparue le 1er avril 2008. La date était mal choisie."
Sous le pseudo d'Antoine Sénanque, ce neuro-toubib est véritablement un grand écrivain d'humour. Publié chez Grasset (€ 17), ce Salut Marie doit être une de vos lectures d'été comme, côté énergie fondamentale et nécessaire, un Morgon de Bouland ou de Burgaud, ou un jouissif gamay "Première Vendange" de Marionnet. C'est vous dire la priorité que vous devez accorder à la chose !
Merci toubib de ce livre salvateur se rapprochant, par l'exemple, de celui de Cipolla !
Enfin, Evene conseille également de Charles Gancel "Scène de plage" chez Buchet Chastel. C'est clair : un appel discret à la luxure, péché véniel (?) qui intéresse tellement les religions monothéistes. Pas fondamental pour les moins de 50 ans : que les choses soient claires :-)
Bonnes lectures ! Musique conseillée : le Don Giovanni de Mozart et quelques adagios barbériens ou vocalises de Rachmaninov. On restera indulgent pour ceux qui préfèreront les musiques des films de Brian de Palma : elles vont bien aussi :-)