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“Les Saphirs” de Wayne Blair

Publié le 12 août 2012 par Boustoune

Tout commence par un concours de chant dans un bled paumé au fond du bush australien, dans les années 1960.
Trois soeurs, Gail, Julie et Cynthia, sont déterminées à le remporter et à empocher les 10 $ en jeu. Elles ont de loin les plus belles voix et mériteraient de le gagner. Seulement voilà, elles sont aborigènes, et la population blanche, conservatrice et ségrégationniste, refuse de primer des femmes noires.
Frustrant… Mais ceci leur permet de taper dans l’oeil du musicien chargé d’animer cette parodie de concours. Le bonhomme, un irlandais prénommé Dave a tout du looser bon à rien, mais il possède des goûts musicaux très sûrs et un flair du tonnerre pour repérer les jeunes talents.
Il propose aux jeunes femmes de devenir leur manager et de veiller sur leur nouvelle carrière de chanteuses.

Les Saphirs - 3

Pour commencer, il les oblige à changer leur répertoire. La musique country, c’est gentil, mais un peu has been. Ce qui fait fureur à cette époque, c’est la soul. Alors les trois soeurs sont priées de s’inspirer des artistes qui marchent, comme Diana Ross et Les Supremes, Gladys Knight & the Pips ou Linda Lyndell, d’adopter un look plus glamour et de puiser au fond de leur âme les émotions à communiquer à leur chant.
C’est ainsi qu’elles pourront avoir une chance de rencontrer le succès. Et si l’Australie ne veut pas d’elles, peu importe! Il y a bien un endroit au monde où des gens seront ravis de les écouter chanter : le Vietnam. Bon OK, à cette époque, la zone est un peu dangereuse, puisque soldats américains et guerriers vietcongs s’y entretuent. Mais le travail est bien payé, car l’armée américaine a du mal à trouver des groupes prêts à jouer là-bas pour remonter le moral des troupes envoyées au casse-pipe, et les filles ont besoin de cet argent pour faire vivre leur famille dans le bush australien.
Rejointes par Kay, leur cousine de Melbourne, qui, enfant, a été enlevée et placée dans une famille blanche, elles reforment leur quatuor d’enfance et, encadrées par Dave, partent pour conquérir les coeurs des soldats américains au cours d’une longue et périlleuse tournée dans le delta du Mékong…

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Présenté hors compétition lors du dernier festival de Cannes, Les Saphirs est un efficace “feel good movie”, qui brasse avec plus ou moins de bonheur différents genre – film musical, comédie dramatique, film de guerre, film d’aventures, romance… – et différents sujets – guerre du Vietnam, ségrégation raciale, lutte pour les droits civiques des noirs américains, scandale des enfants volés aux aborigènes australiens…
Malgré le contexte, très pesant et sombre, dans lequel se déroule le récit, le cinéaste aborigène Wayne Blair réussit à conserver une certaine légèreté de ton et un rythme de comédie qui font de ce film un spectacle entraînant, à l’énergie communicative.

On s’attache très vite à ces quatre filles en route vers le succès, à la force de leur voix et de beaucoup de courage, d’autant qu’elles sont incarnées par un quatuor d’actrices épatantes :  Deborah Mailman, Jessica Mauboy, Shari Sebbens et Miranda Tapsell. Mignonnes, charismatiques, dotées d’un tempérament de feu et d’une sensibilité à fleur de peau, elles illuminent le film.
A leurs côtés, Chris O’Dowd campe un irlandais fantasque, à la fois irritant et sympathique. Il confirme un goût certain pour les films musicaux (Good Morning England)  et les “films de filles” (Mes meilleures amies, la série Girls).

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Les joutes verbales, engueulades et embrassades de tout ce petit monde rythment agréablement le film. On ne s’ennuie pas une seule seconde et on apprécie le spectacle proposé, des dialogues étincelants aux scènes mélodramatiques, émouvantes sans en faire des tonnes.
Le revers de la médaille, c’est qu’en se focalisant trop sur ces personnages et leur ascension vers la gloire, le cinéaste ne fait qu’effleurer l’aspect politique de son scénario. Oh bien sûr, l’essentiel est préservé. On comprend bien que le cinéaste cherche à mettre en avant le combat des “minorités” noires et aborigènes pour s’émanciper et bénéficier des mêmes droits que les blancs, aux Etats-Unis ou en Australie, à une époque où le monde évolue, où les mentalités changent et où les questions identitaires prennent de l’importance.
Mais finalement, aucun des sous-textes de l’oeuvre n’est pleinement exploité, à l’exception, peut-être, de la question des “générations volées”, toujours sensible en Australie. Et encore… Le sujet a été abordé avec plus de force dans des films comme Le Chemin de la liberté de Philip Noyce ou le méconnu Radiance de Rachel Perkins, qui ont en commun la présence de… Deborah Mailman, l’actrice qui incarne Gail, le leader des Saphirs.

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La partie vietnamienne semble également un peu trop rapide et trop “gentille”. Il y a bien quelques escarmouches meurtrières, et le cinéaste fait sensiblement monter la tension autour de ses héroïnes, à mesure qu’elles pénètrent en zone de guerre, mais l’ensemble ne fait qu’effleurer la réalité du bourbier vietnamien. Dommage…
On peut aussi regretter que Wayne Blair ne cherche pas à mieux utiliser ce contexte. La guerre du Vietnam aurait dû servir de point d’orgue au combat des personnages pour leur émancipation. Elle est en effet emblématique des profondes mutations géopolitiques de la planète après la seconde guerre mondiale :  décolonisation, bouleversement des rapports de forces idéologiques et militaires, fin de la supériorité de l’homme blanc…
Elle semble n’être ici qu’une péripétie parmi tant d’autres pour les personnages.

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Cela dit, le cinéaste n’avait pas vraiment de raison de modifier un script taillé pour plaire au plus grand nombre. En effet, le film est tiré d’un spectacle musical très populaire en Australie, gros succès sur les planches.
La partie purement musicale du film est d’ailleurs une franche réussite. Les quatre filles chantent (juste et bien) des tubes soul de l’époque (Otis Redding, Aretha Franklin, les Supremes…) et nous donnent une pèche d’enfer, en plus de l’envie de nous trémousser… Et c’est bien là le principal.

Alors tant pis si le sous-texte politique n’est pas mieux mis en valeur, tant pis si le film manque d’ambition, à l’image de sa mise en scène, parfois trop sage. On aime ces Saphirs qui scintillent à la lumière des projecteurs. Et on aime les quatre actrices qui les incarnent, quatre pierres précieuses taillées pour le succès et une belle carrière cinématographique…

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Les Saphirs
Les Saphirs
The Sapphires

Réalisateur : Wayne Blair
Avec : Deborah Mailman, Jessica Mauboy, Shari Sebbens, Miranda Tapsell, Chris O’Dowd
Origine : Australie
Genre : feel-good movie
Durée : 1h40

Date de sortie France : 08/08/2012
Note pour ce film :

contrepoint critique chez : Studio Ciné-live
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