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There will be blood

Par Kinopitheque12

Paul Thomas Anderson, 2008 (États-Unis)

There will be blood

Un sol arride et désert, deux collines en plan fixe, et un son, une note, qui monte et crée une angoisse : le procédé est emprunté à 2001 : l’odyssée de l’espace (la vue du monolythe) et annonce une menace, celle du titre, qui est le résultat de toutes les tensions et les frustrations cumulées durant le récit. Cette première image qui ouvre le film combine déjà tout ce que le film concentre : ce sol, américain en l’occurrence, pauvre en apparence, et une ambiance quasi mystique. Le sol c’est Daniel Plainview (Daniel Day-Lewis) qui l’incarne, le self-made man dont Paul Thomas Anderson entreprend de raconter l’histoire. Les premières scènes nous montrent cet homme au fond d’un trou en train de piocher et casser la roche à la recherche d’or et d’argent. Il se blesse dans ce puits mais qu’importe, l’important est ce qu’il trouve au fond. Après avoir mis la main sur le précieux minerai, il s’extrait du trou et le spectateur a l’impression que ce sont les entrailles de la terre qui le mettent au monde. L’aspect mystique se retrouve dans le personnage d’Eli Sunday (Paul Dano), prêtre et prophète qui, lui, cherche à faire de son Eglise une institution influente. L’histoire prend place aux Etats-Unis, au début du XXe siècle, de l’apogée de la seconde révolution industrielle à la crise de 1929. C’est donc l’avènement de l’Amérique moderne que nous voyons à travers ces deux individus : la toute puissance du capitalisme s’installer et la religion s’adapter au monde moderne, l’un se servant de l’autre et inversement pour se développer. Comme de nombreux films biographiques (et Citizen Kane en premier lieu puisque c’est surtout à ce film qu’a été comparé There will be blood), nous assistons à la gloire du personnage avant de le voir plonger dans la déchéance. La vie de Daniel Plainview suit ainsi la courbe de croissance économique du pays. Plainview fait fortune avec l’exploitation de gisements pétroliers : il rachète à petit prix les terres d’exploitants agricoles regorgeant d’or noir et fait élever les derricks qui lui permettent forage et extraction. Les premiers mots que l’on entend dans le film font partie du discours que l’entrepreneur tient à chaque communauté à qui il envisage le rachat de terres : on pense tout d’abord au patron paternaliste tel qu’il en existait à cette époque-là (il nourrit ses ouvriers et leur famille, les installe à proximité du lieu de production, les surveille…), mais Plainview est un misanthrope qui n’envisage que l’enrichissement personnel. Il utilise les autres pour parvenir à ses fins, trompe et assassine. Il préfère s’occuper d’une nouvelle source de pétrole que de son garçon blessé par une explosion de gaz. Enfin, il est le dernier entrepreneur indépendant et refuse catégoriquement toute association ou tout compromis avec les compagnies d’exploitations pétrolières en plein développement. Pourtant, Plainview est contraint à l’association, même tacite, avec ce prêtre sans lequel il ne peut racheter toutes les terres convoitées. Le spectateur est fixé quant aux objectifs du prêtre lors d’une scène. Il va trouver Plainview pour lui proposer un marché ; nous le voyons alors descendre d’une colline vers un ciel reflété dans la large étendue de pétrole : le prophète atteindra le ciel par le biais de l’or noir. Les deux hommes s’humilient tour à tour afin d’obtenir satisfaction et ce jusqu’à l’exutoire final où même la musique, qui était jusque-là saccadée et percussive (comme des coups de marteaux et de pioches mais aussi comme les relations humaines décrites), devient mélodique et enjouée. S’il ne réalise pas un chef d’œuvre (le temps nous le dira), Paul Thomas Anderson réalise au moins un très bon film où les images servent de façon convaincante une histoire qui comporte plusieurs degrés de lecture.


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