Dimanche alors que je profitais des biens faits de la climatisation d’une salle de cinéma –pour m’abrutir, il est vrai, devant ce nouveau « TOTAL RECALL – MEMOIRE PROGRAMMEE » de Len Wiseman (et sur lequel je reviendrai bientôt), de l’autre coté de l’Atlantique l’un des réalisateurs de toute une génération décidait de mettre fin à ses jours. Son nom était :
TONY SCOTT
(21 JUILLET 1944, NORTH SHIELDS, ANGLETERRE -
19 AOUT 2012, SAN PEDRO, CALIFORNIE, USA)
Né le 21 juillet 1944 à North Shields en Angleterre, Anthony David Scott était le frère cadet de sept ans de son frère ainé
et aimé Ridley Scott, avec qui une profonde complicité et un esprit d’équipe l’amènera à créer plusieurs boites de production cinématographique, tout en rivalisant avec lui de génie et maestria
derrière la caméra. Mais avant de devenir ce réalisateur (typique des eighties ?) qui nous manquera après avoir marqué nos rétines d’enfants et adolescents, le petit Tony aura tout
de même vécu d’autres expériences.
Son ainé, passionné de dessin et diplômé de design à l’âge de 21 ans (en 1958), entre au Royal College of Art de Londres, où il se lance, en 1960, dans la
réalisation avec un premier court-métrage : « Boy and Bicyle »… dans lequel Ridley (23 ans) fait tourner un certain Tony, alors âgé de
seize ans et qui va être inconsciemment piqué lui aussi par le virus du Septième Art. Mais pas seulement.
Comme Ridley Scott, Tony va exploiter ses talents graphiques en étudiant à la Sunderland Art School puis au même Collège londonien –dont il sort diplômé en art graphique avant de suivre des études complémentaires au Leeds College of Arts, où là aussi il dévie vers le
cinéma !
1968, son frère (31 ans) ayant quitté la vénérable BBC, pour qui il se sera exercé aux postes débutants de chef-opérateur et décorateur mais aussi de réalisateur sur
des séries britanniques populaires- pour prendre le risque de fonder une (première) maison de production : Ridley Scott
Associates avec Alan Parker, Hugh Hudson et Hugh Johnson, Tony Scott (24 ans) y trouve un poste
d’employé avant de faire lui aussi et à son tour ses armes dans la publicité durant les seventies –non sans avoir écrit et
réalisé deux courts-métrages : « Lovine Memory » et « One of the Missing »
S’il tente de développer son propre style, pourtant, Tony ne pourra pas effacer plusieurs similitudes, gimmicks publicitaire et effets de styles semblables
au style aussi très personnalisé de son aîné, Ridley –avec qui il s’est associé en 1973 pour fonder leur (première et) propre compagnie de production
publicitaire, RSA (acronyme pourtant de la société précédente de Ridley et les autres).
Si sept années séparent les deux jeunes gens, cinq ans séparent leurs deux premiers films.
Alors que Ridley Scott s’est fait connaître en 1977 (à 40 ans) avec ses « DUELLISTES », éblouissante
reconstitution historique qui met en scène deux Hussards (Keith Carradine et Harvey Keitel) se faisant la guerre durant quinze ans, et remporte le prix de la meilleure première
œuvre au trentième Festival de Cannes, c’est à l’orée de cette décennie éclatante d’images et de visuels, en 1982 (à l’âge de 38
ans), que Tony Scott se lance dans l’aventure-son nom de publiciste ayant été proposé par Alan Parker, le réalisateur à succès de « THE
WALL » pressenti au départ par les producteurs, MGM et United Artists- avec l’une des plus belles actrices françaises (d’alors), Catherine
Deneuve, et de la pop-star, David Bowie, incarnant un
couple de vampires vieillissant dans ses « PREDATEURS » (« THE HUNGER » en version originale qui se traduit normalement par « la faim ») d’après le roman de Whitley Strieber
Echec critique et commercial à sa sortie en salles, le film pourrait avoir rebuté le public de l’époque -avec cette ambiance obscure et froide mêlant éros et
thanatos (sans oublier du saphisme aujourd’hui célèbre), qui derrière cette réalisation léchée voire stylisée pour ne pas dire sophistiquée (pour l’époque : Scott y incluant des effets venus
de la publicité, monde dans lequel il s’est fait remarquer) va donner les bases d’une iconographie du futur mouvement musical et visuel gothique (ah, cet ankh symbolique !) à venir- avant de
gagner son aura de film kult, au-delà de la scène et du public goth’, avec ses rares diffusions
télévisées mais surtout son exploitation en vidéoclubs.
Pour plus de commentaires et analyses détaillés, avec bien plus de photos, je vous renverrai vers ce blog.
Mais, il est vrai qu’entre-temps, en 1979, Ridley Scott a frappé très fort les rétines de millions de spectateurs dans le monde (plus de 2,8
millions d’entrées en France et près de 103 millions de dollars à travers le monde de recettes) et dû en salir des fonds de culottes en même temps que ceux-ci arrachaient les accoudoirs des
salles de cinéma avec son kultissime second film : « ALIEN, LE HUITIEME PASSAGER », chef d’œuvre séminal de tout un pan de la cosmologie SF, référence
oscarisée (pour ses effets spéciaux) maintes fois imitées mais jamais égalées, et film fondateur et formateur des générations suivantes de réalisateurs. Comme dans la vie, passer derrière son
aîné devient un handicap.
Et il ne s’arrête pas là, puisque c’est cette même année 1982 que Ridley Scott vient s’opposer à lui voire vampiriser les salles obscures avec son second
film kult : « BLADE RUNNER », adaptation d’un roman de Philip K. Dick, « Do Androïds Dream of Electric Sheep? » (les androïdes rêvent-ils de moutons électriques
?), avec l’un des héros de « STAR WARS », Harrison Ford , en figure du film noir dans un film futuriste à l’imagerie et imaginaire des plus réalistes que d’anticipation, opposé à un
magnifique Rutger Hauer en cyborg finalement plus humain que l’humain. La musique de Vangelis ne gâchant rien en plus de la réalisation maitrisé de Ridley Scott, « BLADE RUNNER »
rejoint son « ALIEN » au panthéon des films de la SF si ce n’est pilier fondateur du cyberpunk –courant littéraire hérité du romancier William Gibson. Et ce sera face à une telle
figure créative que le jeune Tony Scott devra encore lutter pour se trouver une place au sein de la Mecque hollywoodienne et se faire un prénom…
Ce
prénom –ou du moins célèbre diminutif- Tony, Scott va se le faire en 1986 avec ce qui va rester son plus
grand succès au box-office et l’un des films symboliques des eighties et de ce cinéma reaganien : « TOP
GUN » !
Si une rumeur persistante et peut-être des analyses capillotractées veulent que ce film soit fortement crypto-gay, l’opposition des deux
pilotes de l’US Navy Maverick et Iceman est restée surtout et longtemps, en pleine Guerre Froide, une superbe campagne d’enrôlement au sein des forces aéronautiques de tous ces pays où le film a
été un succès : plus de 350 millions de dollars au box-office international (pour un
coup de 15 millions : chiffre qui parait dérisoire aujourd’hui)! Et des millions d’adolescents qui ont rêvé d’affronter leurs virtuelles
compétences de pilotage de F-14, le cul vissé dans leur siège et un balai à chiottes en mains, vue la piètre qualité alors des simulations informatiques de vol en monochrome vert sur des
moniteurs de salon.
Dont peut-être votre serviteur (qui découvrit ce film dans une salle de classe de quatrième ou troisième pour occuper notre après-midi de
juin), même si je pourrai prétendre que l’héritage de pilote de l’aéronavale à Lann-Bihoué de mon géniteur me prédestinait à ces rêves inabouties. La musique de Queen m’attirant alors peut-être
plus vers l’« AIGLE DE FER » de Sydney J. Furie, même si je dois reconnaître avoir peut-être secrètement rêvé aussi d’enfourcher un bolide japonais, cheveux au vent,
des Ray Ban sur le nez et un cuir de pilote sur le dos au bord de l’océan et au son du sirupeux rock FM de Berlin : (leur hit « Take My Breath Away » remportant tout de même
l’Oscar et le Golden Globe de la meilleure chanson originale de 1987) pour aller retrouver une blonde et
espérer qu’elle me demande à moi aussi de lui faire l’amour, sinon elle ne répondra plus de son corps.
Succès international, publicité géante de 110 minutes pour l’école d’aéronavale US plus qu’objet de propagande pro-américaine et révélation d’un acteur –si ce n’est deux (Tom Cruise, qui venait de jouer dans le très beau film de fantasy mésestimé de Ridley Scott, « LEGEND », gagnant ses galons de star en même temps que
ceux de pilote et n’était pas encore associé dans mon esprit à sa foutue et prétendue Eglise sectaire, et le second-rôle antagoniste mais complémentaire d’un Val Kilmer aux allures de débutant) – « TOP GUN » restera pour beaucoup de monde LE film de Tony Scott et celui qui va caractériser à tort son cinéma à venir.
Après
une sequel (« LE FLIC DE BEVERLY HILLS 2 ») et un film avec Kevin Costner,
(« VENGEANCE » dont je dois reconnaître ne plus avoir trop de souvenirs), Tony retrouve Tom,
mais pas seulement (Don Simpson et Jerry Bruckheimer, oui celui des « Experts », également), en 1990, pour accepter de répéter –grosso merdo- l’histoire de leur précédent succès, « TOP GUN », mais cette fois dans le monde de la course automobile américaine, le
NASCAR.
Ecrit par Robert Towne, sur une idée de la nouvelle star hollywoodienne (et
Scientologue reconnu, désormais) Tom Cruise, ce « JOUR
DE TONNERRE » avec ses 60 millions de budget (quatre
fois donc celui de « TOP GUN » en 1986 pour les derniers rangs du cours de math) est, en plus d’être un blockbuster de cet été (près de 158 millions au box-office international),
le film qui va permettre à Tom Cruise de rencontrer celle qui sera sa seconde épouse, la très belle et flamboyante rouquine Australienne Nicole
Kidman alors fraichement débarquée de son pays de kangourous et de koalas. Cette anecdote people passée, le succès de « JOUR DE
TONNERRE » ne fera que confirmer la médisance de certains professionnels de la profession prétendant que le cinéma de Tony Scott n’est que vitesse, opposition, séduction machiste et
plantureuse femme sexy quand son public et ses fans savent reconnaître, au-delà d’un agréable divertissement et de scènes époustouflantes qui font profiter la salle des nouvelles
améliorations techniques des cinémas, la mise en scène et la maitrise de multiples caméras pour vous en foutre plein la gueule !
Oui, peut-être, je n’sais pas, etc, Tony Scott a surement gardé des réflexes techniques et des raccourcis scénaristiques hérités de la publicité qui en ont fait un
réalisateur de long-métrages peu appréciés de critiques intellectuisant et auteurisant (aïeuls des bobos donneurs de leçons d’aujourd’hui ?) mais à la sortie du double mandant de Ronald
Reagan et de la Guerre Froide (le Mur est tombé l’année précédente) ce cinéma a su séduire et plaire à une génération d’adolescents, qui, ont fait vivre le cinéma en allant se bâfrer de popcorns
et de sodas devant des films hebdomadaires, et sont devenus aujourd’hui ces réalisateurs, scénaristes, acteurs, producteurs ou plus simplement blogueurs ou spectateurs qui savent aussi bien
apprécier les vieux films en noir et blanc fondateurs et référentiels de l’Histoire du Septième Art que ces actionners et autres grosses bourrinades –décérébrées ou non- des
eighties : Sly, Schwarzie, Van Damme ou Bruce Willis et autres films pop-corn –dans lesquels vous pouvez peut-être y glisser aussi et œuf corse ce « JOUR DE
TONNERRE ».
Anoter que « JOUR DE TONNERRE » est aussi la première collaboration entre le
réalisateur Tony Scott et le futur compositeur de renom Hans
Zimmer, qui vient de travailler sur le « BLACK RAIN » de Ridley Scott. Les deux hommes travailleront ensemble encore trois
fois :« TRUE ROMANCE » en 1993, « USS ALABAMA » en 1995 et « LE FAN » en 1996.
« LE DERNIER SAMARITAIN », en 1991, confirmait Bruce Willis dans son rôle de flic poissard qui doit sortir tout le monde
de sa merde, John McLane. Ou presque.
Produit par Joel Silver, l’un des pontes des productions pétaradantes et explosives
des eighties (ce qui expliquera l’insert dans le film de « L’ARME FATALE » qu’a également produit Silver), cet actionner divertissant nous présente,
en fait, Joe Hallenbeck (Bruce Willis), un ancien agent des services secrets devenu détective privé et alcoolique (dormant dans sa voiture comme une cloche –morte ou non ?) qui travaille
pour son meilleur ami, qui lui se tape sa femme !
Film punchy (et doublement, au moins) qui confirme la reconversion dans
l’action du héros de séries TV pépère, Bruce Willis, ce « SAMARITAIN » révèle également deux acteurs : son sidekick de Damon
Wayans, l’un des quatre frères et acteurs Afro-Américains talentueux, qui se taille une petite carrière depuis six ans (et va la terminer, lui, dans
une série TV familial pépère), mais surtout dans le rôle de la petite amie de celui-ci la très belle actrice Afro-Américaine Halle
Berry, ayant commencé deux ans plus tôt dans des sitcoms avant de tourner la même année pour Spike Lee.
Et si ce divertissement explosait, en plus des têtes des vilains, le sacro-saint football US du week-end, il n’explosera malheureusement
pas pour Tony Scott et Joel Silver les scores du box-office, étant considéré comme un échec commercial en n’atteignant même pas 60 millions $ de recettes. Mais ce n’est pas un reproche qu’il me faudra attribuer au réalisateur, son producteur ou leurs acteurs, mais à ce public
qui, comme le chantent si bien les Svinkels, sont des cons d’avoir boudé ce petit plaisir hérité de nos eighties explosives et jouissives.
Quant à ceux qui viendront comparer cet échec au succès du road-movie féminin « THELMA & LOUISE » de son ainé, la même année,
qu’ils aillent se faire mettre et réalisent que si, oui, à ses débuts, le jeune Tony affichait consciemment ou non une ressemblance dans le travail avec Ridley, il a su désormais maintenant s’en
détacher pour créer, produire (au sens littéral pour le moment) et imager et illustrer son propre cinéma.
Ainsi,
alors qu’avec le succès, Ridley s’empêtre peut-être un brin dans une mouise aux aspects hollywoodiens qui sent bon la superproduction de commande par un studio (Gaumont, en l’occurrence et entre
autres, pour offrir l’épopée historique de Christophe Colomb, avec la star française Girard Dipardiou, dans ce « 1492 » visant à commémorer les 500 ans de la
découverte des States) et signe l’un de ces films les moins personnels (avec « HANNIBAL » en 2001), Tony, lui, s’engouffre dans une voie plus alternative avec cette « véritable romance » qui vient éclabousser de sang et de cinéphilie les écrans des salles.
Sans m’attarder sur ce film, qui comparé à de nombreux autres porte réellement le nom de film
kult, mais sur lequel je reviendrai prochainement (tant avoir essayé de résumer le film et un court avis de celui-ci m’a donné envie de
ressortir de mes étagères le dividi), il ne faudra pas oublier qu’il s’agit du premier travail de scénariste d’un employé de vidéoclub qui a accepté de le vendre à un Français, le
Samuel Hadida de « ONLY THE STRONG » à l’époque (mais il faut bien commencer par
kekchose), pour 30 000$ afin de financer son projet de premier film concernant un chenil animal teinté de noir et de blanc mais aussi de sang. Et si vous n’avez pas compris :
avec « TRUE ROMANCE », Tony Scott allait mettre en images pour un modeste budget de 12,5 millions de dollars (encore moins que son premier « LES PREDATEURS », dix ans plus tôt) une
histoire de Quentin Tarantino –et Roger Avary, son colocataire et complice en écriture qui réécrira justement
la fin de ce road-movie sentimental qui témoigne de l’amour d’un employé de vidéoclub (bah, tiens !) pour une prostituée dans le sang, la drogue et les rêves de cinéma à la demande du
réalisateur tant il s’était attaché au personnage de Clarence.
Et Clarence, dans le film, il s’agit du jeune surdoué de sa génération X d’acteurs Christian Slater, entouré dans ce
casting prestigieux malgré ce budget minimal mais pour des cachets réduits de seconds rôles de Christopher Walken, Dennis Hooper, Gary
Oldman, mais aussi de la jeune et enfantine Patricia Arquette dans le rôle d’Alabama, celle dont Clarence tombe éperdument amoureux, et d’un certain Brad Pitt qui, après avoir débuté comme objet sexuel dans le « THELMA & LOUISE » de Ridley Scott, joue ici un enfumé second rôle de salon ou plutôt de canapé qui ne laissait
pas prédestiner sa réussite professionnelle…
Mais pourtant, malgré cette distribution étincelante, des scènes qui ne font qu’ajouter au kult le statut du film (raaah, la
confrontation entre Christopher Walken et Dennis Hooper dite « scène des Siciliens ») et la réalisation de Tony Scott, « TRUE ROMANCE » sera un véritable échec commercial (12 281 551 $ de
recettes américaines et environ 390 000 d’entrées en France)… en ce qui concerne les studios et distributeurs (Warner Bros et
Metropolitan Filmexport), car, en ce qui concerne, le faible public qui s’est déplacé pour le voir, ce septième film de Tony
Scott mérite encore plus que « TOP GUN » (blockbuster friqué et rentré plus que largement dans ses frais) et peut-être autant que
« LES PREDATEURS » (qui lui en a hérité peut-être pour son héritage kulturel proto-visuel goth’) le statut de kult ! Et je n’écris pas ça car le script est signé
Tarantino, vu que je ne suis pas fan de face d’andouille et bien au contraire ; non, si je dois bien être fan de quelqu’un là, c’est de Tony Scott et de son film, l’histoire, le casting, le
scénario et cie passant en seconds. Mais, pourtant, encore une fois le public n’y aura rien compris et aura encore plus boudé ce film que le précédent « DERNIER SAMARITAIN » avant de
prétendre l’adorer et l’encenser de kult à son tour après la sortie en VHS de rattrapage.
A noter qu’au-delà de ce nouvel échec professionnel, « TRUE ROMANCE » voit Tony Scott se séparer de son fidèle
directeur de la photographie : Jeffrey L. Kimball, qui avait travaillé avec lui à ce poste sur « TOP
GUN », « LE FLIC DE BERVERLY HILLS 2 » et « VENGEANCE ».
En 1995, Tony Scott rencontre le magnifique acteur Afro-Américain oscarisé
Denzel Washington, qui sort de succès comme « MALCOM X » de Spike Lee mais surtout
le « PHILADELPHIA » de Jonathan Demme (2 741 445 d’entrées en France pour l’un de ces premiers films de majors a se confronté frontalement au sida), avec qui à
partir de cet « USS ALABAMA » -sur lequel je ne m’attarderai pas, bien qu’ancien de la Marine
également- il va travailler à plusieurs reprises et le plus grand nombre de fois : cinq ( « USS ALABAMA » en 1995, le remake du film franco-italien d’Elie
Chouraqui « MAN OF FIRE » en 2004, de la SF temporel « DEJA VU » en 2006, un nouveau remake « L’ATTAQUE DU METRO
123 » en 2009 et leur dernier film en commun « UNSTOPPABLE » en
2010), pour terminer sur trois autres films. Oui, je passerai également son « FAN » en 1996.
Mais je n’oublierai pas de parler de Scott Free Productions, qui comme son
nom l’indique est une nouvelle maison de production et de financements de projets cinématographiques et télévisuels que les deux frères fondent en
1995 à Los Angeles en s’associant, maintenant qu’ils ont gagné plus de responsabilité et se sont fait un nom (et des prénoms) au sein des studios et
majors de Hollywood. Ayant acquis ainsi leur indépendance –ou presque- financière et artistique, les deux frères via Scott Free Productions financent cette même année leurs deux
prochains films : ce « FAN » avec Robert de Niro et Wesley Snipes pour Tony Scott et « LAME DE FOND » avec Jeff Bridges pour Ridley Scott –et tous leurs prochains films. Mais aussi d’autres projets sur lesquels ils ne seront
que producteurs (Ridley étant plus souvent l’exécutif et Tony délégué), comme ce biopic « CITIZEN WELLES » de Benjamin Ross, téléfilm abordant la vie d’Orson
Welles et la réalisation de son chef d’œuvre, « CITIZEN KANE », « DRAGON ROUGE » du tâcheron Brett Ratner (qui replonge les Scott dans l’univers de Hannibal
Lecter après le « HANNIBAL » de Ridley Scott), « L’ASSASSINAT DE JESSE JAMES… » d’Andrew Dominik, la filmographie de Joe Carnahan mais aussi et surtout celle
de Jake Scott et de Jordan Scott, le fils et la fille de Ridley.
C’est aussi Scott Free Productions qui produira et financera les deux saisons –entre 1997 et 1999- de la série
« The Hunger », qui s’éloigne du film de Tony Scott, même si elle met en scène des vampires urbains et contemporains et dont le réalisateur
prend en mains chaque pilot de saisons quand son neveu, Jake Scott (sorti de son premier film « GUNS 1743 », qui le fait ressembler plus à son oncle qu’à son père, Ridley, avec
cette production historique MTV), réalisera également un épisode. Soignée et bénéficiant de moyens importants, ces épisodes verra y naitre du futurs réalisateurs de cinéma (le Canadien Christian
Duguay) ou des noms du cinéma se recycler sur petit écran et tenter de sauver leur filmographies (comme Russell Mulcahy)…
Alors
présenté -en 1998- comme un film d’espionnage,
« ENNEMI D’ETAT » devrait être revu aujourd’hui comme un film d’anticipation (peut-être paranoïaque) sur les dérives d’une technologie
quotidienne, qui est aujourd’hui implicitement admise par des millions d’utilisateurs : avocat, Robert Clayton Dean (Will Smith
et ses grandes oreilles) refuse de croire son épouse lorsqu’elle prétend que sous prétexte de protéger le pays, les autorités américaines vont être autoriser à
espionner via les caméras de surveillance et des écoutes téléphoniques leurs citoyens au détriment des libertés individuelles.
Et pourtant notre grand dadais aurait peut-être mieux fait de rester du coté de Bel Air, puisque lorsqu’il se retrouve accidentellement en possession d’une vidéo
compromettante prouvant que la NSA a assassiné un sénateur opposé à cette loi et maquillé cela en accident, il va devoir arrêter de rire comme lorsqu’il balance un coup de poings dans la face ou
ce que l’on peut espérer être la face d’un alien belliqueux pour se mettre à courir en caleçon dans les rues de Washington.
Non, ce film n’est pas une parodie de « FORREST GUMP » mixant d’autres blockbusters de l’époque mais juste mon commentaire qui part un peu en
vrilles pour ne pas me dire, avec effroi dans le dos, combien pendant plus de deux heures Tony Scott, Will Smith et son allié paranoïaque Gene Hackman tentent d’échapper à cet
enfoiré de Jon Voight prêt à tout pour soi-disant préserver et protéger son pays.
Trois ans après, après un 11 septembre historique, ce film ne se serait peut-être pas tourné ou pas de cette façon, je pense, mais reste aujourd’hui
unpréambule inconscient ou alarmiste des futures dérives législatives de l’administration US et de leur
tristement célèbre « Patriot Act » qui sous prétexte de sécurité de l’Etat se permet de priver tout citoyen de liberté et de droits : n’importe qui, même n’importe quel Américain
(et je reste centré sur cette nationalité vu le film) peut devenir du jour au lendemain ennemi d’Etat –un Etat qui se chargera bien de lui trouver quelques preuves à charge…
Blockbuster paranoïaque de 90 millions que le public n’aura peut-être pas perçu ainsi, « ENNEMI
D’ETAT » (plein de seconds rôles népotiques ou télévisés, à l’image de sa star: Jake Busey, Scott Caan, Jack Black, Jason
Lee ou Seth Green) aura au moins fait renouer Tony Scott
avec le succès commercial : plus de 250 millions au box-office international pour plus de 2
millions d’entrées en France.
Et
alors que mon paragraphe précédent dérivait sur les attentats (à venir) du World Trade Center, le dixième film de Tony Scott, « SPY GAME, JEU
D’ESPIONS » (sorti en novembre 2001 aux Etats-Unis) s’est, lui, retrouvé confronté à cette tragédie : un attentat-suicide se produisant
dedans, les distributeurs pensèrent un moment annuler tout simplement la sortie de ce film après les événements… avant de le tester et de préférer remonter la séquence.
Une annulation qui n’aurait pas permis au public d’assister au passage de relais entre le séduisant Robert Redford et
celui qu’on présente comme son héritier Brad Pitt, si vous n’aviez pas vu auparavant le film du premier « ET AU MILIEU COULE UNE
RIVIERE » en 1992 dans lequel il dirigeait le second.
Retrouvant celui qui le faisait comater sur le sofa de Christian Slater (Tony Scott si vous êtes déjà perdus), le bôgoss blond Brad Pitt vient donc ici se
confronter à celui dont on l’accuse d’être le clone : Redford !
Espion par deux fois (que je me souvienne) dans le passé –« LES TROIS JOURS DU CONDOR » de Sydney Pollack et « LES
EXPERTS » de Phil Alden Robinson- le Californien de 65 ans incarne cet officier des services secrets américains qui part en retraite mais va devoir reprendre du service le soir même
pour sauver celui qu’il a formé.
Un pitch qui ferait pensé à une superproduction de Joel Silver avec ce retraité qui est « trop vieux pour ces conneries » si ce n’était pas Tony
Scott (et non le réalisateur Néerlandais Mike van Diem prévu à l’origine) qui avait pris les commandes de ce film… que le spectateur peut imaginer, à la vue des premières images, comme un long
flashback concernant la carrière de l’officier Nathan D. Muir (Robert Redford) empêchant la rencontre attendue avec Brad Pitt avant de bien comprendre qu’il s’agit bel et bien (un bel
que je devrais écrire « beaux » vu le physique des deux acteurs principaux) deux personnages différents et que ces flashbacks vont nous permettre de les voir se croiser, se
confronter et se parler. C’est officiel, Robert Redford passe en 126 minutes le relais à Brad Pitt dans
le rôle du séducteur blond de Hollywood et Tony Scott confirme être un réalisateur talentueux des films d’espionnage, ces années-là, revenu dans le top des listes (avec ces 140 millions de recettes pour 90 de budget : mais faut ce qu’il faut pour avoir Robert et Brad, devenu une star
montante) avant d’accepter l’année suivante de retourner à la publicité de ses débuts.
Une pub d’accord mais pas des moindres et on parlera d’un court-métrage commercial pour une célèbre marque automobile teutonne : « The Hire : Beat the Devil », second volet de la campagne qu’il réalise et produit quand son frère ainé
Ridley Scott produit les premier et troisième volet, respectivement réalisés par John Woo et Joe Carnahan, qui deviendra un réalisateur que les frères vont
produire encore –via leur boite Scott Free Productions- dans l’avenir : « L’AGENCE TOUS RISQUES » et « LE TERRITOIRE DES
LOUPS ».
Après
avoir lancé, avec son frère et toujours Scott Free Productions, avec plus de succès une nouvelle série procedurial (qui met en scène deux frères : un agent fédéral et l’autre génie
des mathématiques) « Numbers », dont Tony Scott réalisera un épisode de la quatrième saison- cette même année 2005, il va surtout nous proposer un superbe biopic graphique
et musical (par la foisonnante béo) sur lequel ses deux acolytes, Harry Gregson-Williams à la musique et Christian Wagner au montage, vont pouvoir s’en donner à cœur :
« DOMINO »
Fille de l’acteur méconnu Laurence Harvey, qu’elle n’a quasiment pas connu –puisqu’il est mort alors qu’elle n’a que quatre ans, la véritable Domino Harvey aurait été mannequin avant de
multiplier les petits jobs et de se tourner vers celui testostérone de chasseur de primes.
Epaté depuis plus de douze ans par cette vie incroyable, le réalisateur développe avec elle un biopic de sa vie
qu’il parvient à mener à terme en cette année 2005. Mais, ce sera cette même année que le 27 juin, Domino Harvey, en proie aux drogues dès son plus jeune âge, meurt d’une overdose, non sans avoir
eu le temps de tourner un caméo : Tony Scott ne pouvant qu’ajouter « en mémoire de Domino Harvey » à la fin de ces 127 minutes explosives, sorties en octobre 2005 outre-Atlantique.
Le Français Samuel Hadida (qui est devenu entre
temps un producteur un peu plus important avec des succès comme « LE PACTE DES LOUPS » ou la saga « RESIDENT EVIL ») revient soutenir
financièrement ce budget étrange et décalé de 50 millions de billets verts que Richard Kelly, le réalisateur des tous aussi étranges voire barrés « DONNIE DARKO » et
« SOUTHLAND TALES » accepte de scénariser pour Tony Scott.
Projet étrange, un brin atypique, réunissant un producteur qui aime les risques financiers et ne produit pas que les blockbusters
propres sur eux que font d’autres majors et sur lequel planche un réalisateur et scénariste iconique pour ses jeux de l’esprit et tortueux de ses propres films, le nouveau film de Tony Scott
promet d’être un film biographique pas comme les autres pour un destin hors-du-commun. Mais, reste-t-il
encore à trouver l’actrice principale qui incarnera cet ancien modèle qui a su prendre les armes et tenir les burnes de ses équipiers mâles que tête.
L’Anglaise de vingt ans, Keira Knightley (proposée à
Scott par Kelly) viendra faire illusion avec sa petite poitrine et confirmer après des films comme le « ROI ARTHUR » d’Antoine
Fuqua et le premier volet de la saga « PIRATE DES CARAIBES » de Gore Verbinski qu’elle n’est pas qu’un porte-manteau mais aussi et surtout une actrice de
talent qui avait raison de se la jouer « COMME BECKHAM » trois ans plus tôt. Mickey Rourke, qui vient de connaître un retour fracassant avec le succès de « SIN CITY », lui donnera la réplique.
Semi-échec commercial en n’accumulant que 23 millions de dollars,
« DOMINO » est, comme pour les autres échecs numéraires du réalisateur, une réussite technique, visuelle et scénaristique
de Tony Scott qu’un public trop formaté par les récents blockbusters n’aura pas su comprendre et apprécier à sa juste valeur.
Des
revers dans le tapis rouge de Hollywood qu’il ne connaîtra plus avec ses trois dernières productions (toutes avec Denzel Washington, qui confirme être son acteur fétiche plus que
porte-bonheur) : « DEJA VU » rapportant plus de 64 millions de recettes, « L’ATTAQUE DU METRO 123 » 152 millions et « UNSTOPPABLE » près de 170
et le rapprochant du succès de « TOP GUN » (dont il était question d’une future sequel)- au-delà du fait que son dernier film ferroviaire a également en commun avec les pirouettes
aériennes de Maverick et Iceman, mais aussi « JOUR DE TONNERRE » ou « DOMINO », que ce sont des films qui aiment à narrer la
réussite d’un individu, le dépassement de soi pour accepter sa destinée et devenir ce qu’au fond d’eux-mêmes ces individus veulent ou peuvent être : des modèles, des héros. Sortir du commun
des mortels pour se hisser au-dessus du lot et entrer dans la légende. A l’instar des frères Scott et de Tony, plus particulièrement, qui su se faire
un prénom pour sortir de l’ombre de son célèbre ainé. Oui, Tony Scott aimait les histoires de réussite et de dépassement pour nous offrir des films où les protagonistes prennent leur destin en
main.
Ce que fit, malheureusement, aussi le réalisateur de 68 ans en garant son véhicule sur un pont de San Pedro, en Californie, avant d’y
laisser une lettre sur le tableau de bord, selon des sources policières, et d’aller contempler peut-être une dernière fois l’Océan Pacifique dans lequel il se jetait l’instant suivant. Comme dans
un film. Le film de sa vie, dont il a signé ici la dernière scène. Réalisateur jusque dans la mise en scène de sa mort pour notre plus grande surprise. Et notre tristesse.
Même si vos trois derniers films furent pour moi moins personnels que ceux que j’ai sélectionnés et rapidement critiqués ici, Mister Scott, j’aimais votre cinéma,
dont certains titres restent pour moi emblématiques de mon adolescence cinéphage des eighties, et il faudra bien reconnaître que vous manquerez à des millions de kids de cette
époque-là. Et plutôt que se déchirer au sujet de votre filmographie et apportez de l’eau au moulin (à paroles) de conneries de certains critiques et d’une certaine presse qui s’est fait remarquer
en début de semaine, je préfère me souvenir de vous en allant regarder encore vos films.
Merci encore, Mister Scott.
Photo de Tony Scott récupérée sur le site de RTL.fr