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Dégustation : un protocole de rêve avec deux variantes : solo ou collectif

Par Mauss

Un des sujets d'actualité étant la sortie des GUIDES annuels avec toutes les questions légitimes sur les méthodes de cotation des vins, qu'il soit permis au GJE qui a une expérience de plus de 15 ans en la matière, de présenter une sorte de protocole idéal qui, finalement, change peu par rapport à celui appliqué à notre première session, au St James à Paris en 1996.

D'abord, le principe (qui se discute, j'en conviens).

"Un critique se doit de donner son opinion, (naturellement en fonction de ses propres goûts, le contraire étant contre nature)  plus sur le contenu que sur le contenant."

Si vous voulez un point de vue sur l'étiquette, demandez à madame Michu : ça vous coûtera moins cher !

Si on accepte le fait qu'une partie des points attribués à un vin est liée à son étiquette, c'est la porte ouverte à beaucoup d'aléas, d'autant plus forts que le vin est réputé historiquement. S'il est facile de critiquer Tartenpion, ce n'est pas la même chose que de critiquer Latour. Chacun en conviendra. Donc deux poids, deux mesures. Inacceptable pour bibi.

Donc, avec les inconvénients que cela comporte, la dégustation du seul contenu, c'est à dire une dégustation à l'aveugle, est moins porteuse de biais qu'une dégustation avec étiquette. Je vais vite, j'en conviens. Continuons.

On me répondra à juste titre que l'inconvénient majeur de l'aveugle, est la difficulté réelle à juger du potentiel du vin. Ce qui veut dire, on l'a compris, que pour juger ce potentiel, on ne trouve pas les infos dans le contenu mais sur l'étiquette : à chacun de donner le poids éventuel à une telle modalité. Pour bibi, on est proche du zéro.

Conclusion 1 : déguster à l'aveugle, si cela a également des faiblesses, sera toujours un mode de travail déontologiquement supérieur à une dégustation avec étiquette.

En anglais : mon moto qui accompagne ma signature sur le forum de Parker/Squires :

"Whatever is said about the necessity to avoid sometimes blind tastings, most of the time the reasons behind are simply to "protect" our tiny confidence in our own capacity to judge clearly a wine and accepting the results"

Oui, oui, je sais : c'est de l'anglais de cuisine. Excuses.

Origine des vins

Obtenir, en payant ou pas (finalement un point mineur) les vins à la propriété, c'est s'assurer qu'on a des bouteilles gardées dans des conditions optimales (hum!) alors que si acquises ici ou là, le propriétaire mal noté vous dira qu'on a eu des vins mal gardés. Cela nous est arrivé plusieurs fois.

L'autre inconvénient, auquel je ne croyais pas trop mais on me cite de plus en plus de cas aussi bien en France qu'en Italie, est que certains crus venant de la propriété sont "travaillés" et ne correspondent pas à ce qui est dans le commerce. C'est grave, et cela justifie que pour des dégustations d'importance (comme la commande de Lascombes au GJE) on se doit d'appliquer impérativement une règle d'or : acheter les vins, et si possible tous à la même source.*

Tous ? Que cela veut-il dire ? Simplement que jusqu'à nouvel ordre, une notation de choses est toujours plus sérieuse et complète quand elle se fait sur une base comparative. Bien sûr, il faut une homogénéité dans les choix : millésimes, région, appellations, etc…

POINTS SECONDAIRES MAIS POTENTIELLEMENT IMPORTANTS

1 : contrôle des opérations

Pour éviter tout sous-entendu, avoir un huissier ou un homme de loi qui contrôle l'organisation de la dégustation, c'est mieux. A lui de décider, au hasard, de l'ordre de service des vins. A l'organisateur d'exiger des dégustateurs qu'ils commencent par le vin portant le n° de leur table, avec une moitié dégustant dans le sens des aiguilles d'une montre, l'autre moitié en sens inverse. Règle de base au GJE.

2 : pure aveugle

Si parfois on peut informer les dégustateurs qu'il s'agit de crus de tel millésime et/ou de telle région, il peut être intéressant d'exiger une double aveugle : strictement aucune information.

3 : nombre de vins

L'expérience nous l'a montré : au delà de 34 vins par demi-journée, cela devient problématique. Le palais se fatigue, et donc les derniers vins peuvent en pâtir.

4 : dégustation collective ou individuelle ?

On me dira ce qu'on voudra : un individu, fatalement, dans une dégustation, à un moment ou un autre, "passe" à côté d'un cru. Rien de dramatique pour lui, mais pour le producteur : une année de travail qui passe à la trappe de la fatigue. Dur à accepter. Alors que, comme on le dit au GJE :

"15 dégustateurs de haut niveau ne peuvent pas se tromper au même moment sur le même vin".

Et si on ajoute qu'en collectif international bien choisi, on a une belle palette de sensibilités différentes au vin (un Poussier ne déguste pas toujours comme un Bettane ou un Bonobo), on arrive à des résultats intéressants. Bien sûr, il est évident que lorsqu'on se calque à un nom précis de critique, on comprend parfaitement qu'on puisse préférer la dégustation "solo" à la dégustation "collective".

5 : honnêteté de traitement

Là, on marche sur des oeufs car personne n'a de preuve concrète. Disons, pour faire simple, que je n'accepte pas qu'on me dise que tel ou tel déguste et s'affiche même à l'aveugle, alors qu'il garde ses notes pour les travailler ou pas dans son bureau. Bref, si les notes ne sont pas remises avant découverte des crus, c'est du pipeau (pour bibi). Et au GJE, avec nos debriefings à l'aveugle (voir les films sur YOUTUBE), on se rend évidemment compte que bien des fois, les commentaires auraient été tournés bien plus jésuistiquement si mes zozos avaient appris de qui il s'agissait ! Nature humaine : jamais très loin :-)

On l'a bien compris : tout cela, c'est du rêve debout. Mais en établissant un tel protocole, c'est une façon de dire aux GUIDES : ne nous la jouez pas fortissimo avec honneur outragé, alors même que nous avons compris à quel point vous vous accordez une flexibilité débordant très largement ces principes qui devraient être règles a minima.

* : bien des initiés savent que quelques propriétaires bordelais ont piégé dans le temps (encore maintenant ?) des journalistes en mettant dans une bouteille le contenu d'une autre, histoire de voir le biais de leur jugement. Suivez mon avis : si dans tel ou tel château on vous sert un vin déjà carafé ou d'une bouteille débouchée, demandez gentiment et poliment qu'on en ouvre une devant vous avec la subtilité cistercienne de dire qu'ainsi vous pourrez évaluer l'évolution du contenu du moment zéro à T+.

Si on refuse, ne donnez qu'un jugement, qu'une opinion généraliste, avec moult points d'interrogation. Ça fait aussi bon genre :-)

Bon, j'arrête car je deviens mauvaise langue. On va me morigéner grave :-)


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