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Des hauts débats, Part VIII

Publié le 11 septembre 2012 par Bertrand Gillet

Ariel Pink est-il le nouveau messie de la pop ?

Des hauts débats, Part VIII
Dieu sait du haut de son paradis vaporeux à quel point les années 2000 furent celles de la rétromania*, et par la même, d’une pop music incapable de se réinventer si ce n’est en chipant des idées dans les décennies précédentes. Chaque semaine, chaque mois, chaque année depuis douze ans, c’est le même rituel insipide qui se répète : l’attente molle, parfois la curiosité mêlée de surprise devant un objet discographique apparemment non identifié et trop souvent, à l’arrivée, la douloureuse déception auditive, la frustration musicale. Dans ce monde où les technocrates calibrent jusqu’à la forme d’une simple pomme, le rock de notre enfance semble suivre le même destin, implacable, irrationnel ; injuste. Il arrive cependant, trop rarement à mon goût, de ressentir le sentiment contraire : l’emballement puis la soudaine exaltation qui suit l’écoute gourmande et attentive d’un album à nul autre pareil. Tel est l’effet quasi psychotrope que procure Mature Themes, la dernière livraison d’Ariel Pink’s Haunted Graffiti. Retour sur le phénomène en question. Ariel Marcus Rosenberg a un CV long comme le bras. Comme dirait l’autre, l’homme a produit. Installé depuis plus de dix ans à Los Angeles, il opte pour la synthèse et le rose. Couleur éminemment pop. Il sera donc Ariel Pink. Très vite, il ajoute à son patronyme l’ésotérique qualificatif de Haunted Graffiti sous lequel le musicien sévit depuis, je dis bien sévir tant la musique qu’il propose nous propulse dans un univers dont lui seul a le secret, dont lui seul connaît l’étroit passage.
Des hauts débats, Part VIII
Parmi les innombrables Lp et maxis, Before Today sorti en 2010 marque les esprits par son radicalisme accessible. Deux années ont passé, le rusé californien nous revient avec un album riche de treize titres, dans la droite ligne de Before Today. A la façon d’un Frankenstein psychédélique, Ariel Pink brasse les genres, malaxe les époques avec ce qu’il faut d’audace et d’intuition, non pas celle des modes passagères ; avec l’envie de déchiffrer le passé de la pop pour mieux en défricher l’avenir. Car c’est bien l’impression qui saisira l’auditeur averti. Ariel ne fait pas du neuf avec du vieux. Il crée. Façonne. Son crédo, délivrer une musique fondamentalement contemporaine en y incorporant les sons, les trouvailles, les instruments qui ont sa préférence et qui ont fait son éducation. La production, elle, s’avère dans l’ensemble plus polie qu’auparavant. Au mieux, on ne se dira pas « Chouette, ça sonne comme les Fab ! », au pire on conviendra que certains titres réalisent une fulgurante union entre Strawberry Alarm Clock et New Order comme sur le morceau d’ouverture, le jouissif Kinski Assassin. Surtout, le talent d’Ariel Pink s’impose lorsqu’il arrive à produire des hit singles potentiels (Mature Themes, Only In My Dream, Live It Up) au milieu des chansons à la texture plus proprement expérimentale (Driftwood, Early Birds Of Babylon, Symphony Of The Nymph, Nostradamus & Me).
Des hauts débats, Part VIII
Respectueux des traditions, il se fend même d’une nouvelle reprise geek et après Bright Lit Blue Skies des Rockin’ Ramrods c’est au tour de Baby, composition signée Donnie & Joe Emerson (obscur duo récemment réédité par le label archéo-rock Light In The Attic), de trouver sa place dans la tracklist de Mature Themes. Reste qu’à chaque fois on pense bien à du Ariel Pink, non à des références disco-kraut-prog comme tant d’autres en déclinent au kilomètre. Il y a aussi chez ce sympathique singer-songwriter un esprit de dérision, une manière de clown que l’on découvre à travers ses paroles. Légèreté apparente lorsque les couplets font surgir les mots « Lesbian » et « Blowjobs of the death ». Même topo pour ses clips à l’esthétique volontairement cheap. Ce qu’Ariel Pink ne met pas dans la Posture, ce mal du XXIème siècle, il le glisse dans ses albums. Voilà pourquoi malgré les conventions, les clichés, les redites, les vogues et la hype, cette œuvre à part saura trouver à n’en point douter son public. Un public d’amateurs fidèles et vaguement barrés, ayant foi en l’avenir ; cette gageure. Il a d’ores et déjà trouvé sa chronique.

*Expression tirée du livre du même nom signé Simon Reynolds

http://www.deezer.com/fr/music/ariel-pink-s-haunted-graffiti/mature-themes-5314671



11-09-2012 | Envoyer | Commentaires (2) | Lu 379 fois | Public
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