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My Chet, My Song. Riccardo del Fra rend hommage à Chet Baker au Duc des Lombards

Publié le 17 septembre 2012 par Assurbanipal

My Chet, My Song

Paris. Le Duc des Lombards.

Samedi 15 septembre 2012. 22h.

Riccardo del Fra : contrebasse, direction

Ariel Tessier : batterie

Bruno Ruder : piano

Pierrick Pédron : saxophone alto

Airelle Besson : bugle, trompette

Chet Baker, trompettiste et chanteur américain (1929-1988). Son dernier contrebassiste se nommait Riccardo del Fra. Ecoutez par exemple l’album « Chet sings again » (1985) avec Michel Graillier au piano et John Engels à la batterie. Un bijou à fleur de peau.

« Ombre e luci ». Riccardo del Fra nous lit un poème de sa création en hommage à Chet, en français avec quelques mots italiens. Cela me semble plus touchant que la chanson « Chet Baker » de Vanessa Paradis mais la chanson de Mademoiselle Paradis a l’avantage de faire connaître Chet Baker à un public qui ignore tout du Jazz. Le groupe enchaîne sur un hard bop des familles. Ca balance tranquillement. Airelle Besson assume la difficile tâche d’évoquer Chet Baker sans le copier et sans vivre une vie aussi chaotique, je l’espère pour elle. « Qu’est ce qu’il y a de plus dur dans la drogue ? » demanda un jour un journaliste à Chet Baker. « Le prix » répondit-il. Son voilé, tendre du bugle qui griffe en douceur. Pierrick Pédron nous sort le bon vieux son bebop aigre, mouvementé. Derrière, la rythmique tourne impeccablement. Solo de Riccardo del Fra : il Maestro al lavoro. Del Fra ne dirige pas le département Jazz du CNSMDP pour rien. Il fait autorité à la contrebasse. Sans autoritarisme bien sûr. Ca joue «  Nice and easy » comme disait Chet Baker à ses musiciens sur scène avant de lancer un morceau. C’était « Funk in a deep freeze » (Hank Mobley), un morceau que Chet aimait beaucoup. 

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La photographie de Pierrick Pédron est l'oeuvre du Romantique Juan Carlos HERNANDEZ. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.

« Leaving » (Richie Beirach). Moreau aussi cool que son titre l’indique. Ca ronronne. Airelle Besson reste au bugle pour l’instant. La rythmique roule doucement. Le départ se fait tranquillement, à pas de loup. Le sax alto vient ajouter un peu d’agitation mais pas trop. Tranquille. A Airelle Besson de jouer. Tout en douceur, en glissements progressifs du désir. L’ombre de Chet passe. Il y a à la fois la décontraction et l’écorchure dans son jeu, bref les ingrédients qu’il faut. 

Riccardo del Fra nous annonce «  J’ose, j’ose » et se lance. De la main gauche, il tient le micro dans lequel il chante. De la main droite, il joue de la contrebasse sur le haut de l’instrument. Chet Baker aimait autant chanter que jouer de la trompette ou du bugle. Il fallait oser chanter pendant ce concert. Riccardo del Fra l’a fait et il a bien fait. C’est une ballade, un standard « For all we know ». Piano et batterie le rejoignent doucement. C’est touchant, vécu. La rythmique reprend tranquillement. Le son aigre, tourmenté du sax alto s’élève. Nom de Zeus, c’est beau ! Le piano lance un autre tempo, plus dynamique. Le batteur chauffe, la contrebasse impulse, le piano vrombit et le sax tourne comme un moulin. Airelle prend son chorus, toujours rapide mais plus cool que le sax alto. Elle ralentit tout, nous tient en haleine au bout de son pavillon qu’elle ne baisse pas, bien entendu. 

Le pianiste attaque. Airelle reprend en duo. « But not for me ». La rythmique reprend avec le batteur aux balais. J’entends la voix de Chet dans les séances Pacific Records à Los Angeles au milieu des années 50. Ca swingue fort agréablement ma foi. Pierrick reprend les devants juste le temps de repasser le témoin à la Dame du temps présent, Airelle Besson. Puis il reprend la main, plus acide, plus viril forcément. Le piano part sur un autre air, plus rythmé, plus joyeux, plus funky avec le cliquetis des baguettes sur les bords de caisse. Le quintet est parti sur cet air funky, énergique qui nous élève l’âme. Plein de bonnes vibrations nous traversent.

« Beatrice » (Sam Rivers). Morceau dédié par le saxophoniste Sam Rivers à son épouse Béatrice. Il avait même créé une maison de disques nommée « Riverbea » pour éditer sa musique. Intro au piano. Puis la rythmique démarre pour lancer le sax alto tout en douceur. Airelle s’ajoute avec son chant de velours. C’est du miel pour les oreilles ce que joue cette demoiselle. Bruno Ruder a presque un nom de champagne. Il a d’ailleurs un jeu pétillant. Chorus de sax alto scintillant, bien relax, impulsé par une rythmique à la main d’acier dans un gant de velours. Au tour du Maestro Del Fra de s’exprimer, légèrement ponctué par la contrebasse et la batterie. « Dom, dom, dom » comme le chantonne mon voisin. Le quintette reprend tranquillement vers le final. Ca roule tout seul. Que du bonheur !

Après celui d’Eric Le Lann, que je recommande toujours ( à retrouver sur scène à Paris au Duc des Lombards les mardi 2 et mercredi 3 octobre 2012), je viens de découvrir l’hommage de Riccardo del Fra à Chet Baker. J’avais revu avec Mademoiselle I, dans un cinéma germanopratin, « Let’s get lost », le film documentaire sur Chet Baker. Mademoiselle I m’accompagnait ce soir au concert et si nous fumes tous deux charmés par la musique, nous fumes surtout impressionnés par une Dame du temps présent, la Citoyenne Airelle Besson. Beauté, présence, clarté dans le propos, émotion, sentiment sans sentimentalisme, technique impeccable. Elle a tout pour elle et nous le fait partager. Que les Dieux et les Muses nous fassent profiter encore longtemps de son talent !

Lectrices bienveillantes, lecteurs généreux, sachez qu'il est aisé de trouver sur la Toile des vidéos du précédent quintet " My Chet, My Song " de Riccardo del Fra avec Roy Hargrove (trompette) et Billy Hart (batterie) enregistré au Festival de Jazz de Marciac avec un orchestre à cordes. Pour Airelle Besson et Riccardo del Fra, je n'ai trouvé que ces quelques secondes enregistrées à la première Journée internationale du Jazz à l'UNESCO. Si vous trouvez plus et mieux, je suis preneur.


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