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Critiques en vrac 71: Savages – Anna Karenine – Cogan: Killing them softly

Par Geouf

Savages

Critiques en vrac 71: Savages – Anna Karenine – Cogan: Killing them softlyRésumé: Ben (Aaron Johnson) et Chon (Taylor Kitsch) sont les meilleurs amis du monde. Ils partagent tout : leur maison, leur business florissant de production et vente de cannabis, et leur petite amie, O (Blake Lively). Et quand un cartel de drogue mexicain enlève O parce qu’ils ont refusé de s’associer avec eux, Ben et Chon vont tout faire pour la récupérer.

A l’instar de nombreux réalisateurs stars des 80s et 90s, la carrière d’Oliver Stone a pris une pente descendante depuis la fin des années 90 : son dernier grand film, L’Enfer du Dimanche, a été suivi de plusieurs œuvres au mieux bancales (W, Alexandre), au pire très embarrassantes (World Trade Center, Wallstreet 2). Avec Savages, l’espoir était permis, ce nouveau film semblant plein de fougue et lorgnant du côté de U Turn et Tueurs Nés.

Et en effet, dans ses premières minutes, Savages semble bien parti pour être une cure de jouvence pour le réalisateur de JFK. L’introduction est fluide et maitrisée, exposant les enjeux tout en naviguant avec aisance entre les nombreux protagonistes de l’histoire, au son de la voix off de Blake Lively. Stone semble retrouver son goût de l’expérimentation visuelle, avec l’utilisation de couleurs très saturées, de soudaines accélérations, des ruptures brusques, des explosions de violence sans concession, etc.

Mais une fois l’intrigue lancée, avec l’enlèvement de la jolie O, le film s’enlise quelque peu. Malgré de bons personnages, et tout particulièrement un excellent couple de méchants incarnés avec une évidente jubilation par Benicio del Toro et la toujours magnifique Salma Hayek, Savages manque paradoxalement cruellement d’enjeux. Alors que le spectateur devrait trembler pour le sort d’O, aux mains des membres d’un cartel prêts à tout pour obtenir ce qu’ils veulent, on ne ressent quasiment jamais d’urgence ni de danger imminent. Et il en va de même pour tous les climax émotionnels, systématiquement foirés : le gentil Ben (Aaron Johnson) est obligé de renier ses principes et de recourir une violence assez extrême pour sauver Ophelia, mais mis à part un petit vomissement lors de son premier meurtre, il semble par la suite totalement insouciant et imperméabilisé à ce qui se passe. Il en va de même pour O, qui semble au final très bien s’accommoder de sa captivité, et ce même si elle finit violée par un des personnages. Cette constance distanciation par rapport aux événements finit par malheureusement sérieusement diminuer l’intérêt du film, qu’on aurait aimé beaucoup plus viscéral. Et même l’excellent et tragique final est ruiné par un ultime pied de nez le transformant en happy end peu crédible.

Malgré cela, Savages est sauvé principalement par son excellent casting. Taylor Kitsch (John Carter) et Aaron Johnson (Kick-Ass) continuent de s’imposer comme deux des acteurs les plus prometteurs de la jeune génération, Travolta revient en très grande forme, et Salma Hayek et Benicio del Toro campent d’excellent méchants. Seule Blake Lively dépare un peu, se contentant de recycler sans grande conviction le rôle de petite fille riche qu’elle tient déjà dans Gossip Girl. Dommage car avec ce personnage de jeune femme partagée par deux hommes, elle avait matière à ouvrir un peu plus son répertoire…

Savages reste donc un spectacle d’un niveau plus qu’honnête, bien au-dessus des derniers essais de Stone, malgré un manque cruel d’implication émotionnelle. Un retour par la petite porte, mais qui prouve que le réalisateur de Platoon n’est pas encore mort.

Note: 6/10

USA, 2012
Réalisation: Oliver Stone
Scénario: Shane Salerno, Don Winslow, Oliver Stone
Avec: Blake Lively, Taylor Kitsch, Aaron Johnson, Benicio del Toro, John Travolta, Salma Hayek

Anna Karenine (Anna Karenina)

Critiques en vrac 71: Savages – Anna Karenine – Cogan: Killing them softly
Résumé: Russie, 1874. Lors d’un voyage à Moscou pour voir son frère, Anna Karenine (Keira Knightley), jeune femme mariée à un haut fonctionnaire de l’Etat (Jude Law) tombe sous le charme du jeune officier de cavalerie Vronsky (Aaron Taylor-Johnson). Refusant de céder aux avances de celui-ci, Anna repart pour Saint Petersbourg et tente de reprendre une vie de famille normale. Mais le destin ayant remis Vronsky sur sa route, elle finira par céder et entamer une liaison adultère avec celui-ci, au risque de scandaliser la bonne société russe…

Joe Wright est certainement un des réalisateurs les plus passionnants et talentueux du moment. Grâce à un style inimitable combinant expérimentations visuelles et sonores, celui-ci est en effet parvenu à dépoussiérer de façon éclatante des sujets dits « classiques », que ce soit le drame en costume (Orgueil et Préjuges), le drame romantique sur fond de guerre mondiale (Reviens-moi) ou encore le conte de fée (l’azimuté Hannah). Pour son quatrième film, il retrouve son actrice fétiche Keira Knightley pour s’attaquer à un très gros morceau, à savoir une nouvelle adaptation du roman Anna Karenine de Leon Tolstoy, déjà porté à l’écran maintes fois par divers cinéastes de renom.

Fort heureusement, cette nouvelle adaptation se démarque immédiatement de ses prédécesseurs (et voire même du tout-venant de la production cinématographique actuelle) par des choix de mise en scène radicaux. Car pour Joe Wright, qui dit tragédie dit théâtre. Le metteur en scène adopte donc le parti-pris assez audacieux de présenter une grande partie de son histoire sur une scène de théâtre (et dans ses coulisses d’ailleurs), scène qui déborde petit à petit de plus en plus sur la réalité. En résulte en début de film un sentiment de confusion immédiat pour le spectateur ne s’attendant pas à être ainsi bouleversé dans ses habitudes. On passe donc les premières minutes du film à tenter de donner sens aux images se déroulant sous nos yeux, observant les acteurs passer d’un décor à l’autre, se promener dans les coulisses d’un théâtre, jusqu’à ce qu’enfin on accepte ce parti-pris. Une fois ce « saut » effectué, il devient dès lors possible de suivre l’histoire se déroulant à l’écran.

Comme tous les films de Joe Wright, Anna Karenine bénéficie du soin maniaque du réalisateur, que ce soit en termes de recherche visuelle (le film est d’une beauté époustouflante), de mise en scène, ou encore sonore (Wright affirme une fois de plus son goût pour les ballets humains rythmés par les bruits d’objets du quotidien). Certaines scènes touchent même au sublime, comme la virevoltante scène du bal, qui cristallise en quelques minutes de grâce absolue la plupart des enjeux amoureux et émotionnels du film. Cependant, pour la première fois, cette recherche de la perfection visuelle se fera quelque peu au détriment de l’émotion. On peine en effet légèrement à s’attacher au personnage d’Anna Karenine, qui semble plus être une femme incroyablement égoïste et autocentrée qu’une femme prête à transgresser les codes et règles de son époque par amour. Il devient petit à petit assez difficile d’être ému par sa lente descente aux enfers, et sa fin tragique risque de laisser quelque peu indifférents certains spectateurs.

Anna Karenine souffre de plus d’une erreur de casting assez dommageable en la personne d’Aaron Taylor-Johnson (pourtant excellent dans Kick-Ass et Savages), qui ne semble pas du tout à sa place dans le rôle du fougueux Vronsky. Son couple à l’écran avec Keira Knightley ne fonctionne jamais vraiment, malgré les efforts des deux acteurs. Reste que le film de Joe Wright bénéficie par ailleurs d’un casting assez royal, de Jude Law en mari trompé prêt à supporter stoïquement les caprices de sa femme, à Matthew Macfadyen excellent en frère coureur de jupons débonnaire, en passant par Emily Watson ou Kelly MacDonald.

Au final, même s’il échoue partiellement à impliquer émotionnellement son spectateur, Anna Karenine version Joe Wright mérite largement le déplacement pour son originalité et sa haute tenue esthétique.

Note : 7/10

Royaume-Uni, 2012
Réalisation: Joe Wright
Scénario: Tom Stoppard
Avec: Keira Knightley, Aaron Taylor-Johnson, Jude Law, Matthew Macfayden, Kelly MacDonald, Emily Watson

Cogan: Killing them softly (Killing them softly)

Critiques en vrac 71: Savages – Anna Karenine – Cogan: Killing them softly
Résumé : Sur les conseils d’un de leurs potes, deux losers braquent un tournoi de poker clandestin, persuadés que le gérant du lieu va porter le chapeau. Les malfrats volés font alors appel à un tueur à gages (Brad Pitt) pour retrouver et éliminer les responsables…

Andrew Dominik est un réalisateur rare et précieux. Après son extraordinaire L’Assassinat de Jesse James par le Lâche Robert Ford, il retrouve Brad Pitt pour un film noir à tendance tarantinesque. A partir d’une situation assez peu excitante sur le papier (des mafieux embauchent un tueur à gage pour retrouver les types qui les ont braqués lors d’une partie de poker), Killing them softly dérive petit à petit pour se retrouver vite rempli de personnages un peu tordus et excentriques. De plus, contrairement à L’Assassinat de Jesse James, dans lequel le réalisateur privilégiait le silence aux dialogues sur explicatifs (mis à part au travers de la voix off hypnotique de Casey Affleck), Killing them softly met en scène nombre de personnages ultra bavards. Le personnage de tueur dépressif incarné par un excellent James Gandolfini notamment, parvient à hypnotiser le spectateur avec son débit de parole. Au milieu de tous ces personnages, Brad Pitt bouffe une fois le plus l’écran avec un personnage de tueur froid, logique et professionnel, qui n’est pas sans rappeler celui incarné par Javier Bardem dans No Country for old Men.

Mais contrairement à Tarantino, Andrew Dominik préfère le réalisme cru teinté d’onirisme aux personnages poseurs et à la coolitude. En résulte un étrange film au rythme nonchalant, enchainant les scènes décalées (Dominik n’a pas perdu son goût de la belle image et de la réalisation audacieuse, comme le prouvent la scène de la prise de drogue ou celle de l’exécution de Ray Liotta), les accès de violence sèche (le passage à tabac de Ray Liotta n’a rien à envier à certaines scènes de The Killer inside me) et les passages comiques (le film est bourré d’humour noir et on rit très souvent), le tout sur fond de réflexion sur la crise économique. Killing them softly est en effet rythmé par des extraits de discours ou d’interviews des politiques américains datant du début de la crise des subprimes. Et le réalisateur de mettre en parallèle la situation du film et la façon dont les autorités ont géré la crise : on recherche le bouc émissaire le plus évident, que l’on crucifie en place publique pour contenter l’opinion, puis on nettoie le reste discrètement avant de continuer à arnaquer son prochain. Le constat est assez glaçant, mais malheureusement très pertinent.

Killing them softly est une autre pierre dans l’édifice de la filmographie si particulière d’Andrew Dominik. Et comme ses autres films, celui-ci divisera certainement, entre ceux qui le trouveront trop lent et bavard, et les autres, qui se laisseront porter par le rythme de ce thriller rigolard et glaçant.

Note : 8/10

USA, 2012
Réalisation: Andrew Dominik
Scénario: Andrew Dominik
Avec: Brad Pitt, Scott McNairy, Ben Mendelsohn, James Gandolfini, Vincent Curatola, Richard Jenkins, Ray Liotta

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