J'avoue un faible pour Elisabeth Vigée-Lebrun (1755 – 1842) dont le musée du Louvre possède neuf tableaux et un pastel. Elle fut l’une des plus grandes portraitistes de son temps et, accessoirement, une de mes artistes préférés. Admirez son « Autoportrait au chapeau de paille » qui, malheureusement n'est pas au Louvre.
Son talent et son charme lui ouvrent les portes du salon de madame de Geoffrin qui voit défiler tout ce qui compte comme artistes et intellectuels. Un peut plus tard elle se lie d’amitié avec le peintre Hubert Robert, dont le portrait qu’elle effectue en 1788 est l’une de ses meilleurs réalisations.

Poussée par sa mère, elle se marie avec Jean-Baptiste Pierre Le Brun, petit neveu du peintre de Louis XIV. S'il n'a pas de grands talents artistiques son mari est un habile marchand de tableaux dont les relations servent sa femme et lui permettent d’accéder à la clientèle de l'aristocratie de cour puis à la famille royale. En 1779 Elisabeth est appelée à Versailles pour exécuter le portrait de la reine Marie-Antoinette, elle sympathise avec la souveraine dont elle devient la portraitiste officielle, chargée en quelque sorte de promouvoir son « image ».

Elle vit alors la meilleure période de sa vie, connaît la gloire et la fortune, en 1783 l'académie l'accueille sur l'intervention personnelle de la reine. Bien qu’issue de la petite bourgeoisie Elisabeth Vigée-Lebrun, s’intègre parfaitement à ce milieu aristocratique. Belle et talentueuse, elle a tous les atouts pour réussir dans ce milieu. Elle sait se renouveler pour plaire à ses invités et ses tableaux sensibles, comme cet autoportrait de 1786 avec sa fille, sont en parfaite concordance avec cette époque empreinte de « Rousseauisme ».
« On peut penser avec quel empressement je me rendis au musée du Louvre, qui possédait alors tant de chefs-d’œuvre; j'y allais seule pour jouir de cette vue sans distraction : je parcourus d'abord la galerie de tableaux, ensuite celle des statues ; et lorsque, enfin après être restée plusieurs heures sur mes jambes, je songeais à retourner chez moi pour dîner vers quatre heures et demie, je m'aperçus que les gardiens, ignorant que je n'étais point sortie, avaient fermé toutes les portes ; je cours à droite, à gauche, je crie ; il m'est impossible de me faire entendre et de me faire ouvrir ; je mourais de faim et de froid car nous étions au mois de février ; je ne pouvais frapper aux fenêtres car elles étaient beaucoup trop élevées ; ainsi je me trouvais en prison au milieu de ces belles statues que je n'étais plus du tout en position d'admirer ; elles me paraissaient des fantômes ; et à l'idée qu'il me faudrait passer la soirée et la nuit avec elles, la frayeur et le désespoir s'emparèrent de moi ; enfin, après avoir fait mille détours, j'aperçus une petite porte contre laquelle je frappais si fort que l'on vint m'ouvrir ; je sortis précipitamment ravie de reprendre ma liberté et de pouvoir aller dîner car j'avais grand besoin de manger ».
Ne sentant pas vraiment à l’aise dans la société française du premier empire elle repart en voyage, en Angleterre et en Suisse. Revenue en France elle s’installe à Louveciennes près de Paris. Elle accueille avec joie la Restauration et le retour des Bourbons. C'est en 1835 qu'elle publie ses mémoires avec succès, car le public de l’époque est friand des souvenirs de l’ancien régime. Elisabeth Vigée-Lebrun meurt à Paris en mars 1842 à l'âge de 87 ans.