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Dires et redires, par Alain Gagnon…

Publié le 08 octobre 2012 par Chatquilouche @chatquilouche

Miles Davis et le laisser-écrire…Dires et redires, par Alain Gagnon…

Voilà ce que je répète [aux écrivains en devenir] : « Vous souhaitez écrire et ne savez par où commencer ?  Écrivez le premier mot, la première phrase : pour le reste, le texte s’autogérera adéquatement, si vous êtes honnêtes.  C’est-à-dire si vous ne le forcez à confesser des états d’âme ou des idéaux que vous souhaiteriez bien avoir et manifester. »

(Le chien de Dieu, Éd. du CRAM)

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Miles Davis m’est d’un grand secours pour expliquer la notion d’inspiration et la nécessité pour un artiste de développer sa propre langue, sa propre musique. Davis joue les classiques du jazz (Porgy and Bess, Caravan…), mais une fois qu’on l’a entendu, on ne peut plus s’y tromper : il s’agit bien de Miles Davis, pas de Chet Baker ni de Louis Armstrong. Il joue de la trompette comme personne n’en a joué avant lui, il donne à la mélodie une couleur, une sonorité, une langueur – une autorité ! –, qui n’appartiennent qu’à lui.

(Le chien de Dieu, Éd. du CRAM)

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Dires et redires, par Alain Gagnon…
Le laisser-écrire — Depuis trois ans, je m’acharnais à un recueil de poèmes que je n’arrivais pas à conclure. Je m’y acharnais, car la substance me plaisait – plus encore !  : elle me convenait. J’y mettais trop d’efforts. Je m’efforçais de pousser ce nouveau matériel dans des formes empruntées à certains de mes ouvrages qui m’avaient apporté de la satisfaction. Bref, l’histoire des vieilles outres et du vin nouveau. Une citation de Stevenson, reprise par Borges, a provoqué une embellie : « La prose est la forme la plus difficile de la poésie. » Je l’avais lu il y a déjà quelques semaines et n’y portais plus attention, lorsqu’hier matin… Dans la nuit de dimanche à lundi, j’avais très mal dormi. Petit déjeuner au restaurant, puis je revenais paresser et laisser filer le dernier jour de ce congé pascal. Par discipline et monomanie, je me suis assis devant mon ordinateur et ai ouvert le dossier poésie sans aucune attente. Le miracle s’est produit. Le laisser-écrire a pris le dessus et je me suis mis à parcourir mes vers en les abolissant. En les remontant à la ligne supérieure, le curseur les transformait peu à peu en prose…  Et, bon dieu ! ça se tenait ! La ponctuation française suffisait à créer et à maintenir la musique !

Heureuse fatigue qui exige le repos de la raison raisonnante et laisse le champ libre à l’inspiration. Laisser l’Esprit souffler, édifier lui-même ses propres formes pour y étendre sa substance…

De là à déclarer le vers libre inutile dans son mimétisme de l’anecdote versifiée, il n’y a qu’un pas que je n’hésite pas à franchir.

(Le chien de Dieu, Éd. du CRAM)

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche : https://maykan2.wordpress.com/)


Filed under: alain gagnon Tagged: écriture, Chet Baker, création, Dires et redires, jazz, Louis Armstrong, Miles Davis, Stevenson, texte, vers libre

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