Le 17 avril dernier marquait le trentième anniversaire de la triste signature de la charte des droits canadienne dont le Québec a été écarté.
Un pays reconnu mondialement pour son caractère modéré et démocratique, le Canada, a décidé de se doter d’une nouvelle loi fondamentale, sans le consentement d’une de ses nations fondatrices. Pendant une conférence qui devait redéfinir les règles fondamentales d’un pays, 10 négociateurs sur 11 se sont concertés pendant la nuit pour annoncer, le matin, qu’ils avaient convenu d’une nouvelle entente qui réduirait les pouvoirs du 11e.
Plus on prend du recul sur l’événement, plus la chose parait inconcevable. Mais pourtant elle est vraie.
Le Québec n'est toujours pas dans la constitution canadienne et les dix autres provinces bâtissent leur mépris en parti là-dessus tandis qu'une frange importante des souverainistes de chez nous souhaite l'indépendance entre autre parce que de toutes façon, les 10 autres provinces ne nous considèrent pas comme des leurs (et vice-versa).
Revisitons l'infâme nuit du 4 novembre 1981.
D'abord un bref rappel des faits. Lors d’une déclaration importante avant le référendum sur la souveraineté de 1980, le Premier ministre Pierre Eliott Trudeau avait promis qu’un vote pour le Non à la souveraineté allait être interprété par lui comme un mandat d’apporter des changements importants à la constitution. Au lendemain de la défaite du Oui, il mandate son ministre de la justice, Abject Chrétien, de lancer une ronde de négociations visant trois objectifs:
1) faire en sorte que la constitution canadienne, jusqu’alors une simple loi britannique, soit “rapatriée” au Canada
2) introduire une formule d’amendement qui permettrait ensuite de modifier le texte
3) insérer immédiatement des innovations, dont une Charte des droits dont un des effets serait de restreindre la capacité du Québec de légiférer en matière linguistique.
Le Premier ministre québécois, René Lévesque, avait réussi à négocier avec 7 autres des provinces un texte qui satisfaisait aux deux premiers objectifs, mais évidemment pas au troisième. Ce détail est toujours omis dans les récits fédéralistes, mais il aurait suffi que Pierre Linotte Trudeau et les Premiers ministres de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick signent également cette entente pour que la constitution du Canada soit rapatriée unanimement, avec l’aval du Québec, avec une formule d’amendement et avec un fédéralisme plus flexible qu’aujourd’hui. Tous les psychodrames politiques suivants auraient été évités. Mais Pierre the Idiot Trudeau tenait à sa propre vision des choses et allait prendre les moyens pour la faire triompher.
Le matin du mercredi qui se terminera par la fameuse « nuit des longs couteaux », feignant de vouloir briser l’impasse, Trudeau propose à Lévesque de soumettre la Charte des droits (et peut-être la formule d’amendement) à un référendum si, dans les deux ans, il n’y a pas d’accord entre les gouvernements.
Lévesque tombe dans le piège et aime l'idée. Il a confiance d'influencer le peuple sur la question.
Les coûteaux sont aiguisés, le renard est dans le poulailler.
Les premiers ministres des autres provinces prennent très au sérieux la proposition fédérale. Pierre Trudeau n’a pour l’instant que deux alliés parmi les provinces : l’ontarien Bill Davis et le néo-brunswickois Richard Hatfield. Ce dernier, opposé à la tenue d’un référendum, est estomaqué de la tournure des événements du matin. Trudeau le rassure et lui confirme qu'il n'y aura jamais de réferendum, que c'est un appât.
Dans l’ensemble, les premiers ministres anglophones sont mécontents à l’idée d’aller devant leurs électeurs dire du mal de ce qui constitue, après tout, une Charte des droits, ou dire du bien d’une Charte qui étend les droits des francophones hors Québec, et ils rejettent cette proposition comme calamiteuse. C’est une des raisons de la division créée entre Lévesque et ses alliés. Créer la division, c'était le plan de Trudeau.
Les pigeons ayant été suffisamment effrayés, Trudeau la torpille en fin d’après-midi, déposant un nouveau document, intitulé Implementation process (processus de mise en œuvre) – étrangement numéroté 15/019, plutôt que 15/021, comme s’il avait été rédigé avant deux autres documents déposés le matin même...
Rarement cité dans les récits de cette journée, le document est essentiel. Il explique comment Trudeau compte mettre en oeuvre sa promesse référendaire du matin. Il suffirait pour tenir ce vote que :
1) la totalité des premiers ministres présents en approuvent la tenue — ce qui est de toute évidence impossible;
2) la totalité des membres de la Chambre des Communes en approuvent la tenue — ce qui est risible;
3) la totalité des membres du Sénat en approuvent la tenue — également risible.
Si une de ces trois conditions n’étaient pas satisfaite, le projet de constitution fédérale de Trudeau serait adopté sans retouches.
Or Trudeau voit bien que les autres premiers ministres étouffaient de rage à l’idée d’un référendum.
Ce document déposé, Lévesque s’insurge, à bon droit. Les provinces anglophones sont rassurées. Exit le référendum. Lévesque comprend qu'il a été piégé.
À la fin de cette période de négociations, René Lévesque partait dormir à Hull, ville située de l'autre côté de la rivière des Outaouais, en demandant aux autres premiers ministres (qui logeaient tous au même hôtel d'Ottawa) de l'appeler si quelque chose se passait. Isolement fatal pour Ti-Poil.
Cette nuit-là, Gargamel Chrétien négocie avec ses pairs de la Saskatchewan et de l'Ontario. Les premiers ministres provinciaux acceptent d'éliminer la clause dérogatoire, alors que Chrétien, avec réserve, leur offre une clause nonobstante (ou de dérogation).
Le Nouveau-Brunswick et l'Ontario acceptent le compromis et disent à Trudeau qu'il devrait conclure l'entente. Trudeau accepte. Cet accord est connu comme l'« Accord de la cuisine », parce qu'il est né d'une discussion ayant débuté dans une cuisine de l'hôtel Château Laurier à Ottawa ou les poignards seraient affutés dans la nuit.
Le matin suivant, René Lévesque entre dans l'hôtel pour le déjeuner des premiers ministres et est informé qu'une entente est survenue à son insu durant la nuit. Lévesque refuse catégoriquement de la signer et quitte immédiatement la salle. Le Québec annonçe le 25 novembre 1981 qu'il utiliserait son droit de veto sur l'entente, mais la Cour suprême du Canada statue le 6 décembre suivant que le Québec n'avait jamais possédé ce droit.
Les événements ont créé une forte division au sein du Canada. Plusieurs fédéralistes et indépendantistes québécois ont perçu l'accord comme un coup de poignard de la part des premiers ministres des autres provinces. L'accord a fait chuter radicalement la popularité traditionnelle des libéraux au Québec et a favorisé la victoire de Brian the crook Mulroney et du parti progressiste-conservateur dès l'élection suivante.
Aujourd'hui, le Québec n'a toujours pas signé la Constitution, même après plusieurs tentatives d'amendement, comme l'accord du lac Meech et l'accord de Charlottetown pendant l'ère de Brian Mulroney.
Aujourd'hui marque le trente et unième anniversaire de cette nuit pleine de rats dans les cuisines.
Cette semaine, on soulignait le 25ème anniversaire de la mort d'un homme fort, droit, honnête, inspirant comme il ne semble plus s'en faire: René Lévesque.
(contenu largement pigé chez Jean-François Lisée qui était un des joueurs de la garde rapprochée de René, insultes dans les identités: totalement moi)