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Les Mandarins II

Par Nicolas S.
Le deuxième tome des Mandarins est d'une lecture beaucoup plus agréable que le premier, à mon avis. En effet, Paule part dès les premières pages faire le voyage prévu aux Etats-Unis... et y rencontre Lewis lorsqu'elle échoue à Chicago.
Or Lewis est à Paule ce que Nelson Algren est à Simone DE BEAUVOIR, ou peu s'en faut.
L'alternance continue donc, comme dans le premier tome, entre des chapitres à la troisième personne qui focalisent l'attention sur Henri et Dubreuilh, nos deux intellectuels engagés, et des chapitres à la première personne qui sont le récit de plus en plus intime de Paule. Au départ, sur ce(ux) qui l'entoure ; petit à petit, sur ce(lui) qui l'anime.
Un chapitre sur deux m'a dès lors paru passionnant. Il me rappelait non seulement l'amour transatlantique de Beauvoir et Algren, mais aussi la lecture de L'Amérique au jour le jour 1947, forcément. Une même expérience pour combien de livres différents, combien de façons de raconter, pour combien de facettes à ce prisme existentialiste, qui sert à dire ce bout de vie d'une femme de quarante ans, qui a cru renaître ?
Années 1920 : Beauvoir rencontre Sartre, elle renaît intellectuellement et commence son "solde de tout compte" familial. 1947 : Beauvoir à presque quarante ans est une jeune amoureuse et redécouvre qu'elle a un corps. C'est vers la même époque, après la rencontre avec Algren, qu'elle commence à écrire Le Deuxième sexe.
Pour en revenir aux Mandarins, ce deuxième tome raconte l'évolution et les aboutissements à moyen terme des désillusions de nos personnages principaux, qui ressemblent énormément à Sartre, Beauvoir et consorts sans être jamais vraiment si proches que cela des originaux. Alors que la revue politique de Dubreuilh se casse la gueule, Henri revoit ses idéaux à la lumière de ses coucheries avec une jeune midinette qui, il n'y a pas si longtemps, divertissait les Allemands. Il en vient même, par conflit d'intérêts, à faire un faux témoignage pour sauver un ancien collabo. Nadine, la fille de Robert Dubreuilh et de Paule, peu à peu s'apaise, et retourne vers Henri. Dans une Europe en paix mais qui semble préparer la prochaine guerre, ils prévoient de s'échapper en Italie, surtout pour échapper à la politique.
Certains passages, ceux qui analysent les cas de conscience de Dubreuilh et Henri (entre autres), sont parfois franchement indigestes, d'autant que l'eau a coulé sous les ponts, que la Guerre froide a eu lieu et que l'Occupation nazie a été digérée. Mais comme je le disais plus haut, toutes les pages qui racontent l'amour de Paule et Lewis sont encore brûlantes. La franchise et le ton direct de Beauvoir y sont surprenants pour une époque encore tellement soumise aux tabous et à l'idée du pêché.
Psychanalyste et intellectuelle, Paule est une femme moderne plus que toute autre : c'est par son corps qu'elle goûte à sa liberté. En faisant l'amour du soir au matin avec l'homme qu'elle aime, Paule renvoie les débats politiques les plus sérieux de son époque à de vaines masturbations.
Moralité : rien de sert de palabrer, il faut jouir à point. Il fallait mille et deux pages pour en arriver à cette conclusion qui en ravira plus d'un(e).
501 pages, coll. Folio - 7,40 €

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