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Vie sans principe, La (Dyut meng gam)

Par Kinopitheque12

Johnnie To, 2011 (Hong Kong)

Vie sans principe, La (Dyut meng gam)

LA CRISE, LA PÈGRE ET LES FOURMIS

Vivre sans principe : difficile au sein d’une société où tout est formaté, codifié. Ne pas gêner l’autre, se fondre dans la masse, obéir ou être considéré hors-la-loi, marginal. Avec Life without principle, Johnnie To s’intéresse à la place de l’humain et des valeurs morales face aux règles.

Vue aérienne d’un quartier délabré de Hong Kong. Des immeubles serrés, gris. Puis une traînée de sang dans un appartement crasseux. Fragilité de la vie et petitesse de l’homme guident le propos du film. La vie sans principe, c’est la verticalité d’une ville surpeuplée où ses possibilités et ses vertiges déterminent des destins qui se croisent, s’enchevêtrent immuablement, laissant quelques morts sur leurs passages.

To be or not To be
Avec rigueur et sans aucune froideur le réalisateur hong-kongais dépeint un monde gouverné par la finance, qui au fil de sa dématérialisation, rend fou, même la plus sage des banquières. Trois personnages que tout oppose se détachent de cette fable des temps modernes où celui qui gagne au final est peut-être celui qui sait se faire oublier. Sous les yeux du spectateur se croisent une jeune femme, un policier et un bandit, qui sur fond de crise économique mondiale, vont se tourner vers la même quête : l’argent à tout prix.
Teresa, l’employée de banque que l’on pousse à vendre des contrats à risque basés sur les fluctuations de la bourse. Panther, le bandit prêt à tout pour aider ses amis. L’inspecteur Cheung, amoureux d’une femme qui vient d’acheter un appartement au-dessus de leurs moyens.
Un jour de crise économique mondiale, les yeux rivés sur la bourse, leurs destins vont basculer, pour se réunir autour du Saint-Graal du mafieux : une mallette contenant 5 millions de dollars. En dressant le portrait de la société hong-kongaise, allant de la pègre au simple officier de police, Johnnie To questionne le sens de la vie, et de la morale de l’homme.

Les To boursiers gouvernent le monde
La bourse est l’un des fils directeurs de La vie sans principe. Milieu de requins, système où les sentiments n’ont pas leur place, cette course aux taux, n’est-ce pas cela « vivre sans principes » ? Les individus disparaissent face aux chiffres et laissent place à la décadence d’un monde dirigé par l’appât de l’argent virtuel, en apparence facile.

Peu de scènes extérieures, le huis clos est partout. Que ce soit dans le bureau beaucoup trop carré de Teresa, dans un sordide parking souterrain ou enfermé dans un ascenseur avec un assassin suicidaire, un certain étouffement est transmis au spectateur. Johnnie To signe ici une description entraînante d’une société qui s’asphyxie, qui s’écroule à mesure que les marchés internationaux s’effondrent. Au mode de vie actuel s’associe implicitement une restriction de la liberté individuelle, ou tout du moins sa normalisation par des règles. Les grands lieux de rassemblements, les villes et surtout les mégalopoles comme Hong Kong incluent cette idée de « l’homme-fourmi », travailleur et obéissant, qui ne sort pas du rang et s’efface devant l’expansion d’un monde basé sur la finance.

Money money money ! Dématérialisé donc, l’argent spéculatif de la bourse brise les destins des trois protagonistes. Sous sa forme concrète aussi, à travers des liasses pour lesquelles on assassine et l’on sacrifie ses valeurs. La monnaie dans tous ses états rend fous ces hong-kongais qui apparaissent perdus dans un monde de la démesure, de cases prédéfinies, à l’image de la géométrie verticale de la mégalopole de l’Asie du Sud.

Charlotte Varenne pour Preview
en partenariat avec La Kinopithèque pour la 34e édition du Festival des 3 Continents

Vie sans principe, La (Dyut meng gam)


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