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Stimulante Stimultania (by Cécile)

Publié le 27 novembre 2012 par Lifeproof @CcilLifeproof

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Viktoria Sorochinski, sérié Anna et Ève, © Viktoria Sorochinski

Une fois de plus à la bourre pour aller voir une exposition, je me suis rendue à la galerie Stimultania le week-end dernier afin de voir l'exposition « Avancée de la fiction sur le réel, vents forts et perturbations à l'Est. Photographies et vidéos de Viktoria Sorochinski et Tim Parchikov » : entrée dans un univers étrange, entre rêve et cauchemar.

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Tim Parchikov, extrait de la vidéo La Boîte d’allumettes, 2006, 1 min. 30 sec. © Tim Parchikov

De Tim Parchikov, seule une vidéo est exposée mais quelle vidéo ! Au début, on entend un bruit qui se répète, quelqu’un joue avec une boîte d’allumettes : le bruit, ce sont ces allumettes qui s’entrechoquent dans leur emballage qui le produisent. Le film passe d’un gros plan à un plan éloigné au fur et à mesure que l’action se déroule : le bruit, plan rapproché sur ce jeu des doigts sur la boîte d’allumettes, toujours ce bruit qui se répète puis on voit l’homme, il cherche une cigarette, il est filmé de plein pied ; ensuite le plan s’élargit et on peut voir les hommes qui s’apprêtent à l’abattre alors qu’il fume, là, comparativement à avant il n’y a plus de bruit. À la fin le plan s’élargit à tel point qu’après que l’homme ait été tué on peut voir, en arrière-plan, la ville enneigée où se déroule l’action.

La vidéo est brutale et dure, elle nous montre la mise à mort d’un homme, sans explication aucune, le bruit répétitif et son arrêt brutal participent à la mise en place d’un univers sonore angoissant et à la dramatisation de cette vidéo. Comment ne pas être mal à l’aise ? C’est mis en scène mais en même temps, ça ressemble à un documentaire. Qu’est-ce donc ? Tim Parchikov est photographe indépendant et réalisateur de films documentaires et fictionnels russe, il vit à Moscou et propose une réflexion sur son pays : dans ce film on dirait la guerre froide, une vision d’un état où les exécutions ont cours sans sommation, où le prisonnier est tué au moment où il fume sa dernière cigarette et où il profite de ses dernières minutes de vie en brisant le silence avec la musique d’une petite boîte d’allumettes… Tragique. Mais est-ce la vision d’une époque révolue ou actuelle ?

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Viktoria Sorochinski, sérié Anna et Ève, © Viktoria Sorochinski

La Russie est le fil rouge de cette exposition. Viktoria Sorochinski est une photographe russe qui a quitté l’ex-Urss avec ses parents en 1990. Elle vit à New York et y poursuit un travail photographique débuté à Montréal où elle a prenait en photo une mère et sa fille. Russes toutes les deux, elles se prénomment Anna et Ève. À l'instar de Tim Parchikov, on est dans un entre deux : photographie réaliste ou non, intimiste ou fictionnelle, qu'est-ce qui nous est donné à voir ? La relation entre ces deux personnages féminins est étrange et semble brutale, très dure. Cette petite Ève qui porte le prénom de la pécheresse originelle a un regard intense, provocant, comme si elle était dans un combat permanent à l'encontre de sa mère. Un lien semble les unir ou du moins Anna a l'air d'essayer de le maintenir, qu'il soit fort et intense, elle tisse des fils entre elles deux dans certaines photographies mais elle est fragile. Ce qui est surprenant dans ce couple formé par cette mère et cette fille c'est que celle qui a l'air femme c'est la petite fille, celle qui a l'air d'être forte, c'est elle aussi, et celle qui semble fragile, en équilibre précaire et dominée est la mère.

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Viktoria Sorochinski, sérié Anna et Ève, © Viktoria Sorochinski

Viktoria Sorochinski observe ces deux femmes, cette mère et sa fille, elle montre leur évolution et les met en scène : dans leur quotidien ou les théâtralise dans des compositions quelque peu fantastiques. Sur un arbre, perchées telles deux corbeaux, Anna et Ève semblent hésiter entre s'envoler et rester sur cet arbre... Mais c'est le cas dans de nombreuses photographies : elles sont à la limite entre deux états, il y a une hésitation latente mais, c'est Anna qui a l'air de douter alors qu'Ève paraît savoir, être et juste attendre que sa mère décide. Un regard si sûr, certain, dur, hanté peut-être aussi et mûr : mais comment cela est-ce possible ?

Je crois qu'il faut vraiment se confronter aux œuvres de Viktoria Sorochinski pour en percevoir toute l'intensité, la force et pour appréhender l'histoire de ces deux héroïnes que sont Anna et Ève et les liens qui se nouent et se dénouent au fur et à mesure des années, ambiance glaciale qui n'est peut-être pas sans rapport avec l'origine russe des deux protagonistes mais l'émotion est là, sous-jascente et néanmoins plein de tension... à découvrir à la galerie Stimultania jusqu'à dimanche (quand je vous disais que j'étais à la bourre !).

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Avancée de la fiction sur le réel, vents forts et perturbations à l'Est. Photographies et vidéos de Viktoria Sorochinski et Tim Parchikov, une proposition de Laura Serani. Exposition jusqu'au 2 décembre 2012 / Galerie Stimultania / 33, rue Kageneck / Strasbourg / ouvert du mercredi au dimanche de 14h à 18 h 30 / entrée libre

Finissage ce soir, mercredi 28 novembre à 19h en présence de Viktoria Sorochinski.

À écouter et à découvrir, cette exposition m'y a fait repenser: Alina Orlova, intensité émotionnelle sous une couche de glace pure, brute et belle.


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