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[Critique] ANNA KARENINE de Joe Wright

Par Celine_diane
[Critique] ANNA KARENINE de Joe Wright
Et de trois pour Joe Wright, qui après avoir signé les adaptations des romans de Jane Austen (Orgueil et préjugés) et de Ian McEwan (Reviens-moi), a choisi cette fois de s’attaquer au pavé de mille pages qu’est le Anna Karenine de Tolstoï, monument de la littérature russe. Troisième fois également qu’il collabore avec sa muse Keira Knightley, qui dans le rôle de l’héroïne éponyme, retrouve encore une fois une femme torturée, en proie à ses démons, à l’étroit dans une société de conventions et d’apparence. Si les deux premiers essais de Wright nous avaient largement convaincu, son Anna Karenine, en revanche, nous laisse sur le carreau. Petit rappel : on est en Russie, fin 19ème, Anna est mariée, tombe folle amoureuse d’un autre, décide de tout quitter (mari, enfant, vie sociale, protection de Dieu) pour suivre son amant. Les plus à plaindre sont certainement ceux qui découvriront le roman via cette proposition surchargée, et très « Baz Luhrmann » !, qui confond virtuosité et style pompier, codes romanesques avec tics grossiers. D’emblée, le cinéaste opte pour un choix de mise en scène théâtralisée à outrance : les décors clinquants s’entrecroisent, la caméra ne cesse de se déplacer de personnages en personnages, d’ornements en intrigues, omniprésente, folle, en mouvement, comme une danse ininterrompue, un tableau qui frôle le trop plein d’idées et de choses. Wright veut tout dire en images, tout signifier, tout embrasser, tout mettre sur la table. C’est ainsi qu’il demeure paradoxalement en surface de toutes les thématiques dont traitait à merveille Tolstoï. L’âme russe du roman, elle, est balayée par le caractère non authentique de la reconstitution ; l’étude psychologique des protagonistes, quant à elle, brille par sa superficialité. Bien sûr, il fallait couper, choisir, sacrifier, mais les choix de Wright sont discutables.
Ainsi, du passionnant et complexe personnage d’Anna Karenine, n’en garde-t-il que les esquisses : une Bovary russe et scandaleuse qu’il prive, à l’écran, de ses tourments passionnels. Knightley joue bien, mais elle joue toujours la même chose, et de la même façon. Son Anna, ses mimiques, sa performance : on les a vu partout ailleurs, dans tous ses précédents films. Premier hic. Ensuite, pour incarner le fascinant Vronski, Wright choisit un acteur minot sans charisme (Aaron Taylor-Johnson): où est passé le séduisant tentateur de Tolstoï ? Même le mari d’Anna (joué sobrement par Jude Law) souffre d’effroyables raccourcis, le cinéaste peinant tout du long à retranscrire en image les démons intérieurs de ses personnages. Enfin, il retranche de nombreux passages intéressants à la vie de son Levine (l'opposition campagne/ville que l’on retrouve dans le roman, ou toute la partie sur sa vie de couple avec Kitty, ici, gardée à l’état initial de fantasme, sans la remise en question effectuée par Tolstoï dans le livre). C’est triste, mais le film, en deux heures, trouve le moyen d’ennuyer, là où le roman passionnait. Parfois, même, il est très laid : deux langues chastes qui se frôlent pour signifier la passion charnelle, des roues de train en présage lourdingue qui ponctue l’intrigue, et, une séquence finale clé ratée, qui, à l’instar du film, contraint sa violence émotionnelle à rester tapie derrière les couches de maquillages et d’habits. Il n’y a qu’une scène, au milieu du désastre général, qui retient l’attention : cette valse étirée entre Anna et le comte. Ils sont là, comme seuls parmi la foule, le temps s’arrête, l’instant se glace. C’est la seule fois où Wright pénètrera réellement dans l’intime. 
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