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Main dans la main

Par Tedsifflera3fois

Après le succès public et critique de La Guerre est déclarée, Valérie Donzelli revient, toujours avec la complicité de Jérémie Elkaïm (acteur et scénariste), dans une romance légère et légèrement fantastique, dégagée du danger de la maladie (ici, la maladie serait plutôt un mystère pop et amusant). Le résultat se compose de trouvailles enthousiasmantes et de vides décevants.

Synopsis : Hélène, prof de danse à l’Opéra, et Joachim, jeune provincial, n’ont rien en commun. Pourtant, quand ils se rencontrent, une force étrange les unit : ils ne peuvent plus se séparer.

Main dans la main - critique
D’abord, une idée lumineuse. Hélène et Joachim sont collés, obligés de se suivre, les mouvements de l’un contraignant l’autre à faire de même. Ce simple point de départ ouvre un champ de possibilités sans limite.

Possibilités comiques bien sûr, mais surtout possibilités poétiques, interrogations métaphysiques et plans de cinéma séduisants. Si l’un se lève, l’autre aussi, au grand dam d’un policier dans la scène la plus drôle du film. Si l’un se gifle, l’autre aussi, dans un cadrage intime et tendre.

Les personnages se moquent aussi des limites du procédé, soulignant les incohérences inhérentes à l’œuvre de fiction. Pendant que l’un dort, l’autre se promène tranquillement. Les gestes se suivent quand cela plait à la réalisatrice, mais pour les besoins du scénario, Hélène et Joachim ont aussi le droit à leur part de liberté. « C’est n’importe quoi tout ça » souligne Joachim, à moins que ce ne soit Jérémie Elkaïm lui-même qui s’en amuse.

Un lien invisible et métaphorique unit ces deux personnages dans un film qui parle des relations fusionnelles, de ces attachements qui s’imposent à nous avec une force à laquelle on ne peut pas résister. Joachim et sa sœur sont inséparables, ils sont incapables de ne pas vivre ensemble, de ne pas se voir tous les jours. Hélène n’a qu’une amie intime, Constance, avec qui elle partage chaque instant de sa vie. Sans Constance, Hélène n’est rien. Du jour au lendemain, ces équilibres sont remis en question : le couple formé bien malgré eux par Hélène et Joachim les oblige à se dissocier de leur alter ego respectif, à vivre ensemble à l’exclusion des autres.

Main dans la main milite pour les relations fusionnelles choisies, au contraire de celles qui nous sont imposées ou qu’on s’impose nous-mêmes, au contraire de celles qu’on a choisies mais qui ne nous conviennent plus. Il faut arriver à couper le cordon. Se mettre à deux, oui, mais avec la personne de notre choix. « Ils sont ensemble car ils n’arrivent pas à se séparer » dit Constance en observant ses voisins à la fenêtre. Main dans la main montre des gens qui s’aiment et qui pourtant se séparent, d’abord par la force des choses, puis parce qu’ils le choisissent. Vivre sa vie à soi en quelque sorte. Mais si on n’arrive pas à se séparer de ceux qu’on aime, n’est-ce pas parce qu’on a besoin d’eux, parce que la vie trouve son sens dans les relations intimes qu’on arrive à créer? Les relations fortes sont-elles condamnées à être éphémères comme semble le dire le film, presque malgré lui?

Mais alors, que sont ces mains du titre? Des mains qu’on lâche, tandis que le film balaye d’un revers de la main les relations les plus originales pour finir en apologie un peu bêta du conformisme. Il en ressort une philosophie de vie assez individualiste, dans laquelle seul notre compagnon peut véritablement impacter notre existence. Les autres êtres ne comptent pas vraiment, on se construit loin d’eux, on s’épanouit sans être là dans les moments importants de leur vie, ils deviennent des cartes postales plus ou moins régulières, ou bien ils disparaissent tout simplement.

La caméra de Valérie Donzelli est toujours aussi vive et légère, la chanson Electricity d’OMD lui va comme un gant. La réalisatrice sait capter la vie, l’élan d’un instant, la gravité et la futilité mêlées dans des gestes anodins et décisifs. On retrouve aussi les défauts qu’on avait pu voir dans La Guerre est déclarée : à force d’être libre, le cinéma de Donzelli frôle un peu l’inconsistance. Il y a beaucoup d’envie certes, mais le propos est fuyant, la voix-off fait des résumés rapides, les retournements de situation sont aussi brusques qu’artificiels. Les très belles idées de scénario ou de mise en scène sont entrecoupées de moments-gadgets et de péripéties anecdotiques.

Alors que dans La Guerre est déclarée, la vitalité prenait le dessus, Main dans la main ennuie avec un dernier tiers de film poussif, une fin appuyée et pas très judicieuse et des prétextes narratifs assez malvenus : la maladie de Constance est un ressort dramatique très artificiel; la danse, si elle crée un univers qui convient parfaitement à la mise en scène de Valérie Donzelli, est sous-utilisée, comme abandonnée au milieu du récit.

Les personnages sont à l’image du film, inégaux : Hélène est une héroïne assez mal dessinée, Joachim est véritablement attachant. Quant à Constance, il s’agit d’un joli personnage inédit et inattendu, malheureusement trop vite sacrifié par le scénario.

Main dans la main fourmille d’idées et de faiblesses. C’est un film de ruptures déguisé en film de rencontre. C’est aussi un film qui donne des leçons un peu rigides et propose un modèle exigu des relations humaines, finissant par imposer sans s’en apercevoir un idéal d’une triste banalité, dans lequel tout ce qui gêne le développement personnel et celui du couple est sacrifié.

Note : 5/10

Main dans la main
Un film de Valérie Donzelli avec Valérie Lemercier, Jérémie Elkaïm, Béatrice de Staël et Valérie Donzelli
Romance, Fantastique, Comédie dramatique – France – 1h25 – Sorti le 19 décembre 2012


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