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Salon DIAM à Bordeaux

Par Mauss

Hier samedi, à l'hôtel Burdigala de Bordeaux, la société DIAM (PDG : M Tourneix) organisait la troisième édition d'un salon dont le sujet de discussion était "Les Influenceurs dans le monde du Vin".

Sept intervenants (dont 4 membres du GJE) présentaient dans un temps limité, leurs vues sur tel ou tel aspect du sujet.

Les Intervenants : Bernard Burtschy, Ian d'Agata, Peter Moser, Ronald de Groot, Jamie Goode, Siwei Zhao, Michel Bettane.

Sous la douce férule d'Alain Marty en Monsieur Loyal, un homme qui sait imposer le sablier aux speakers : une qualité rare :-)

Sujet d'actualité s'il en est, au moment où Robert Parker a vendu ses activités à des investisseurs asiatiques, chacun se posant la double question :

-   qui va le remplacer

-   dans quelle mesure les nouveaux propriétaires du WINE ADVOCATE vont pouvoir sauvegarder et même développer sa puissance de prescription en matière de vins au cas où cette puissance serait toujours d'actualité ?

… tant il est vrai que cet homme de Monkton est "LA" référence, la mesure à laquelle chacun se réfère, consciemment ou non. Ce fut très net pendant tout ce séminaire.

Avant de répondre à ces questions et de donner quelques pistes de réflexion émanant de ce qui fut dit ce jour au Burdigala à Bordeaux, qu'on me permette de répéter quelques réflexions personnelles sur ce sujet.

Mes plus plates excuses à ceux qui relisent ainsi mon point de vue pour la énième fois.

1 : Parker a été et restera historiquement parlant, sans discussion possible, l'homme le plus influent dans le monde du vin. On visualisera avec profit ce qu'en a dit Michel Bettane sur les petits films visibles sur notre site Youtube : ICI. D'abord il n'aime pas ce mot et ensuite, c'est un échec de sa profession.

(Merci d'excuser la qualité des films mis sur notre site : je les ai mis "brut de fonderie", n'ayant strictement aucune capacité à faire un quelconque montage).

2 : Depuis quelques mois, après la triste affaire Pancho Campo et la mauvaise gestion de sa communication sur la vente de ses activités, Robert Parker s'est trouvé, probablement à son corps défendant, sur une courbe descendante, côté réputation et image. L'inflation de notes sur 100 a très sérieusement aggravé la chose, tant il est incohérent de donner une telle note (et en quantité industrielle) à des vins qui baignent encore dans leur premier âge de vie.

3 : On peut considérer comme un signe fort que Parker n'a pas pu trouver dans son propre pays des investisseurs intéressés à racheter ses activités, au prix minima qu'il devait demander. Est-ce un signe d'une décroissance sérieuse, dans son propre pays, de son pouvoir de prescripteur ? Va savoir, Charles !

4 : enfin, s'il est vrai qu'il sort par la grande porte, financièrement parlant, c'est par la petite porte de derrière qu'il sort, côté panache et classe, eu égard à ses « freelances » qui auraient certainement repris le WA, appuyés, s'il le fallait financièrement, par quelques financiers amateurs. Pour être clair : il aurait cédé - certes à une valorisation plus basse - ses activités à ses critiques, son image serait restée à un tout autre niveau. Mais oui, je le reconnais, c'est de l'angélisme.

QUI VA LE REMPLACER ?

Comme disait de Gaulle, « après moi, le trop plein ». En vendant ses activités, Robert Parker a levé un tabou qui consistait à faire gaffe en le critiquant. Cela a commencé aux USA sur pas mal de blogs ou forums, où, littéralement, il se fait incendier sur des tons qu'on n'oserait pas user en Europe... pour le moment. On peut s'attendre à ce que ce mouvement s'amplifie et on arrivera au permanent adage « : brûler ce qu'on a adoré et adorer ce qu'on a brûlé ».

Il doit être évident pour tous que personne ne chaussera ses bottes, d'abord par cette incapacité à écrire et noter comme il l'a fait durant des décennies, et ensuite, tout simplement, basiquement, parce qu'il y a tellement de nouvelles régions proposant de véritables grands vins, qu'un homme seul ne pourra en faire correctement de rapport complet et circonstancié.

Le futur est clairement à des individus se spécialisant dans une région (style Allen Meadows en Bourgogne) et à des équipes partageant, autant que faire se peut, une même vision de ce que doit être le grand vin. Ainsi, on peut vous annoncer que la doublette Tanzer-Ian D'Agata va monter en puissance, Ian prenant maintenant en charge aussi l'Alsace.

LE FUTUR DU WINE ADVOCATE

Soyons bien conscients que les nouveaux propriétaires du WINE ADVOCATE donneront une priorité absolue à l'amortissement de leur investissement, avec tout ce que cela comporte de changements (publicité, séminaires payants, salons financés) et donc, comme effet collatéral, un enthousiasme moins immédiat des spéculateurs-investisseurs vers l'achat des 95+ qui seront généreusement mis ici et là (n'en doutons pas) par le nouveau team chargé de la critique par ces investisseurs asiatiques.

On peut parfaitement supposer que ces nouveaux propriétaires ont exigé contractuellement que Parker continue à suivre Bordeaux et le Rhône pour quelques années, exigence sans laquelle le prix d'achat eût été probablement moins élevé.

Autre effet prévisible : vous trouverez une pléthore de journalistes, écrivains du vin (appelez les comme vous voulez) qui vont vouloir se forger un nom par opposition à ce qui se dira dans le WINE ADVOCATE nouvelle formule. C'est déjà dans les tuyaux aux USA.

On ne peut pas ne pas penser à l'évolution qu'a connue, toutes proportions gardées, la vente de GaultMillau par ses deux fondateurs.

Bref : à tort ou à raison, « LE » grand prescripteur va gentiment disparaître des radars et on va assister à la montée cahoteuse de nombreux « parkerillons » qui resteront petits, et en espérant que les quelques noms sérieux comme Tanzer, Meadows (pour ne parler que des USA) ne prendront pas la grosse tête.

LES INFLUENCEURS DE DEMAIN

Le mode de ce séminaire, sagement suivi par une belle audience où on notait les présences de quelques pointures du vignoble bordelais, fut efficace. Alain Marty gérait cela avec un professionnalisme abouti, et les 7 intervenants bénéficiaient d'un temps rigoureusement imparti pour expliquer leurs vues sur les points majeurs qu'il leur demandait de commenter.

Les points majeurs mis en évidence par les intervenants :

1 : l'ardente nécessité, soulignée par Peter Moser et Ronald de Groot, de communiquer en anglais si on veut que les voix européennes puissent avoir une certaine audience dans le reste du monde. Un de mes dadas, on le sait.

2 : l'évolution logique (Michel Bettane) vers l'émergence de critiques asiatiques ayant le double avantage d'être de la même nationalité que les futurs lecteurs et naturellement, de parler dans leurs langues.

3 : l'existence de deux publics lisant la critique :

-   ceux qui veulent simplement acheter le mieux, et donc se contentant d'acheter des notes sur 100 points ; un public élémentaire, pas très valorisant. Bien plus d'investisseurs-spéculateurs que d'amateurs pointus.

-   Ceux qui veulent « apprendre » le vin, ceux qui veulent former leur goût et qui liront avec attention les commentaires (belle intervention de Burtschy sur ce point majeur : voir les vidéos).

4 : les Producteurs vont certainement connaître une période d'incertitudes, le temps que les choses se décantent un tantinet. Certes, cela est totalement secondaire pour la Bourgogne, l'Alsace et tant d'autres régions ou pays où l'influence de Robert Parker n'a rien à voir avec ce qu'il a fait - à l'insu de son plein gré (?) - à Bordeaux et pour le Rhône.

Mais on peut douter que les fonds de placement en grands crus classés vont continuer à acheter massivement pour d'éventuelles plus-values bien plus incertaines, d'autant plus que le millésime arrivant sur le marché des primeurs ne bénéficiera pas d'une réputation d'excellence : euphémisme notoire.

Je vais aller un peu vite vers une première conclusion sur ce point : Bordeaux serait bien avisé de reconquérir une clientèle fidèle et surtout amoureuse de ses vins en ayant une politique de communication et de prix plus orientée vers celui qui boit plutôt que vers celui qui investit. Espérons ! Il y a quand même quelques belles pointures intelligentes, et pour en avoir déjà parlé avec Olivier Bernard (Domaine de Chevalier), ce nouveau Président de l'UGCB compte bien agir dans ce sens.

5 : si chacun a noté les effets positifs et négatifs de la venue d'internet (via blogs et forums) dans le monde de la communication sur le vin, sotto voce, on a bien compris qu'il y avait là un monopole confortable de la critique qui est en train d'être sérieusement chahuté. Là encore, Michel Bettane - en citant l'importance des visites sur LPV - a bien montré qu'il ne fallait pas regarder cela de haut, mais bien plus se servir de ces nouveaux outils pour faire connaître des vues, des analyses, des opinions et un réel apprentissage du goût. On peut donc s'attendre, de la part du Groupe B+D à quelques nouveautés sur ce plan.

6 : les notes sur 100. Si chacun peut facilement allumer cette création de Parker particulièrement réductrice et source de beaux contre-sens, Ronald de Groot a bien fait de dire à quel point un certain public veut systématiquement la présentation de hiérarchies, de listes des meilleurs, etc. Conclusion : ce système est loin d'être mort, et donc ce n'est pas demain la veille que notre proposition "Plaisirs-Emotions" fera la UNE du Monde ou du Figaro ! :-) Cela s'appelle "prêcher dans le désert". Pas grave !

Ecoutez aussi attentivement ce que Michel Bettane reproche à cette notion de "note absolue" tant il est vrai qu'un 90 affecté à un cru classé bordelais ne peut se comparer à un 90 mis à un australien où à un Los Siete. On rejoint là encore un sujet évoqué sur ce blog : OK pour bien comprendre qu'une même note n'a pas la même signification dans des régions ou des appellations différentes. Mais alors, qu'attend la critique pour nous donner une échelle, ne serait-ce que sur 3 niveaux, de ces régions vinicoles ? C'est sûr, le premier qui se lancera là-dedans aura intérêt à porter un gilet pare-balles de dernière génération ! :-)

En d'autres termes, si un critique veut continuer à être lu, il y a quand même quelques légères compromissions qu'il faut accepter qu'on appellera pompeusement : "adaptation au marché des lecteurs".

Bon : on se répète, mais si vous avez le temps, allez voir les films en ligne ICI.

Un peu dommage que le sujet lui aussi très chaud, du financement de la presse "vins" n'ait pas été abordé. Mais il est vrai qu'un tel sujet mériterait à lui seul un séminaire complet.

Merci à DIAM pour ce moment particulièrement professionnel, pour le beau déjeuner où une pléthore de vins a été servie avec pour moi une très belle découverte sur le second vin de Suduiraut (LIONS 2010), un très beau sauternes qui glorifia un roquefort crémeux à souhait !

QUELQUES IMAGES

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Sièges réservés aux zeus de l'événement

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Monsieur Tourneix, le PDG de DIAM

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Les 7 sages :-)

vhh

Burtschy, Ian d'Agata, Peter Moser (Falstaf)

fgb

Ronald de Groot, Siwei Zhao, Michel Bettane

mart

Alain Marty (Wine Business Club)

frtg

Un sérieux papal pour un briton : on frise l'oxymore ! Jamie Goode

kl

Ma découverte du jour : j'en ai fait 2 lectures attentives :-)


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